Industrie du tourisme : des programmes qui battent de l’aile… d’autres pas, par Claudine Hébert
La relève semble bouder les bancs d’école des programmes touristiques ces jours-ci. Du moins, à certains endroits, comme le constate TourismExpress, qui a contacté près d’une dizaine d’établissements qui proposent divers diplômes d’études professionnelles (DEP), diplômes d’études collégiales (DEC), baccalauréats et autres.
Collège LaSalle
Suspension dans au moins deux collèges
Le Collège LaSalle a suspendu son programme de techniques en tourisme cet automne pour une période indéterminée. Le Collège Champlain Saint-Lambert a décidé d’en faire autant dès septembre 2024, faute d’étudiants. D’autres cégeps, dont celui de Matane, poursuivent leurs activités malgré des inscriptions faméliques.
« Le recrutement de nouveaux étudiants était déjà difficile depuis cinq ans. La COVID a fait empirer la situation », soutient une source impliquée dans l’enseignement du programme techniques de tourisme souhaitant garder l’anonymat. « En fait, poursuit notre source, les meilleures années de recrutement, nous les avons connues… avant le 11 septembre 2001, alors que le programme comptait chaque année deux nouvelles cohortes de 30 étudiants. Aujourd’hui, les nouvelles inscriptions ne suffisent plus pour une seule classe. »
Au Collège LaSalle, les problèmes de visas, le manque de subventions expliquent en partie la décision de l’établissement montréalais de suspendre le programme, soutient sa directrice marketing, Caroline Gervais. Plus de 40 % des étudiants inscrits en techniques en tourisme provenaient de l’extérieur du pays. En revanche, note-t-elle, les inscriptions au programme de gestion hôtelière vont assez bien.
Situation précaire
Au Cégep de Matane, la situation est précaire, reconnaît Francis Turcotte, coordonnateur aux communications. « En première année, ce sont huit étudiants qui forment actuellement la nouvelle cohorte. Ce qui, en soi, constitue une belle nouvelle, car la cohorte de deuxième année compte seulement deux étudiants », signale le porte-parole de l’établissement.
Par chance, dit-il, le cégep matanais peut compter sur une clientèle internationale et universitaire pour animer les classes de troisième année. « Depuis 15 ans, des partenariats à l’international permettent à une vingtaine d’étudiants issus d’une vingtaine de lycées français de venir compléter leur formation en tourisme au sein de notre programme collégial », explique-t-il.
Le Cégep de Matane travaille également en collaboration avec 13 instituts universitaires et de technologie qui permet à des étudiants de suivre un semestre afin de découvrir l’industrie touristique du Québec, affirme Francis Turcotte.
Des problèmes de permis d’études à l’UQAM
Une source de l’UQAM nous indique que les admissions vont bon train cet automne dans les programmes de tourisme de 1er et 2e cycle. « Le hic, c’est sur le plan de la conversion des admissions aux inscriptions », soulève notre interlocuteur. Il faut savoir qu’une forte proportion des étudiants des programmes touristiques de l’UQAM proviennent de l’international. Jusqu’à 60 %, indique notre source. « Compte tenu des délais pour obtenir les permis d’études de la part du ministère de l’Immigration qui sont trop longs (en moyenne de 4 mois), il arrive qu’on perde de nombreuses inscriptions. Parfois jusqu’à 30 % », soutient notre contact.
Selon cette source, la pénurie de main-d’œuvre, jumelée à une situation de plein emploi, ne favorise pas non plus un contexte pour suivre des études de façon générale, et plus particulièrement en tourisme.
Des données préliminaires fournies par la directrice, division des relations avec la presse et événements spéciaux de l’UQAM, Jenny Desrochers, les inscriptions au baccalauréat en gestion du tourisme et de l'hôtellerie enregistraient une baisse d’une trentaine d’étudiants (200 à 167) cet automne.
Des programmes qui vont bien… même très bien
D’autres programmes, notamment du côté de Québec, parviennent à tirer leurs épingles du jeu. Au Cégep Limoilou, par exemple, les trois programmes (techniques de tourisme, techniques des gestion hôtelière et gestion d’un établissement de restauration) affichent complet cet automne, affirme la conseillère en communications, Josyka Lévesque. Ce sont, précise-t-elle, des cohortes d’étudiants provenant essentiellement de la grande région de Québec.
La recette de l’ÉHC…
L’École hôtelière de la Capitale (ÉHC), un autre établissement de Québec, se porte bien également. « L’année 2023 marque une hausse d’inscriptions substantielle au sein de ses six DEP en tourisme, restauration et hôtellerie », avise Micaël Papillon, conseiller d’orientation. « En fait, l’école accueille 15 % plus d’étudiants qu’avant la pandémie en 2019 », précise-t-il.
Certes, les étudiants internationaux, soit 20 % des inscriptions, contribuent à cette performance. Mais le conseiller demeure convaincu que le succès des programmes de son établissement dans le secteur de l’alimentation et du tourisme repose sur le dynamisme et la réputation du personnel enseignant. Et la présence du centre de formation professionnelle sur les réseaux sociaux (plus de 15 000 abonnés suivent l’établissement sur les différentes plateformes) n’est pas négligeable non plus, maintient-il.
… Et celle du Collège Mérici
Au Collège Mérici, seul le programme de gestion d’un établissement en restauration n’a pas démarré cet automne faute d’inscription, mentionne le conseiller aux admissions, Yanick Morissette. Il indique que les deux autres techniques (tourisme et gestion hôtelière) ont, quant à elles, bénéficié d’un bon coup de pouce de la part des étudiants internationaux, qui forment 50 % des cohortes de l’actuelle session.
« Depuis des années, nos programmes en tourisme, hôtellerie et restauration sont tributaires de l’actualité médiatique. Il suffit que les médias fassent mention de pertes d’emploi et de fermetures d’entreprises dans notre secteur pour que les inscriptions s’en ressentent », souligne-t-il.
Le conseiller Morissette croit néanmoins que les programmes du Collège Mérici demeurent attrayants, notamment en raison de la formule apprentissage en milieu de travail, qui est très appréciée par les étudiants. Ce concept, explique-t-il, permet aux étudiants de partager leur agenda entre les cours du collège et une formation rémunérée en milieu de travail.
Complet et refus de candidats
Rappelons que du côté de l’ITHQ, sa directrice générale, Liza Frulla, confirmait, il y a quelques semaines, que tous les programmes de son établissement, quel que soit le niveau, affichaient complet cet automne. L’établissement devait même refuser des candidats.
NDLR : Tous les établissements contactés pour cet article sont membres de l’Association québécoise de la formation en restauration, tourisme et hôtellerie.
Claudine Hébert
Journaliste et collaboratrice
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