Abolition de la classification : des hôteliers trouvent des solutions, par Claudine Hébert
Le 31 août prochain marquera définitivement la fin de la classification étoilée des établissements d’hébergement du Québec. Tous les panonceaux issus de ce système devront être retirés de la devanture des immeubles et de leur site Internet respectif. En attendant, certains hôteliers cherchent (ou ont déjà adopté) des solutions pour conserver la note élevée associée à leur produit.
Faire confiance au modèle Forbes
À l’Hôtel Le Bonne Entente, par exemple, le copropriétaire et directeur général des lieux, Alain April, n’hésite pas à verser les quelque 5000 $ à 6000 $ US par année pour bénéficier des conseils et de la formation offerts par l’équipe derrière la classification internationale du Forbes Travel Guide.
Au printemps dernier, l’établissement du secteur Sainte-Foy, à Québec, s’est d’ailleurs vu attribuer 4 étoiles Forbes pour une dixième année consécutive. « Nous sommes le seul hôtel de Québec à détenir cette cote prestigieuse. Un privilège que nous partageons avec deux adresses hôtelières montréalaises, le Ritz-Carlton ainsi que le Four Seasons », indique le dirigeant. Notons que le Four Seasons de Montréal détient, lui, la note parfaite de 5 étoiles.
Depuis sa réouverture en 2012, le Ritz-Carlton de Montréal affiche cinq diamants CAA. Il est le seul hôtel du Québec à détenir la meilleure note du club automobile.
Des étoiles qui donnent de la crédibilité
Quels sont les avantages de figurer au sein de la liste qui contient quelque 1940 établissements d’un peu partout sur la planète? « Cette classification permet de mieux positionner notre hôtel à l’international. Cela nous permet d’établir une solide crédibilité à travers le globe », soulève l’hôtelier en affaires depuis plus de 30 ans. En fait, poursuit-il, il est important que son établissement puisse faire l’objet d’évaluations anonymes effectuées par des professionnels afin de maintenir la qualité des services offerts.
Faire des efforts pour briller
« D’ailleurs, grâce aux standards établis par l’équipe du Forbes Travel Guide, nous avons bâti notre propre grille d’évaluation qui compte plus de 1500 actions. Un processus d’inspection que nous appliquons tous les mois à l'Hôtel Le Bonne Entente, ainsi qu’au complexe Entourage-sur-le-Lac », explique Alain April.
L’hôtelier tient toutefois à mentionner que pour figurer parmi les chics hôtels de cette liste, il a dû contacter l’organisation pour faire connaître son produit. « Et prendre contact avec Forbes ne garantit pas la visite des inspecteurs qui se présentent anonymement », avertit-il.
Hôtel Le Bonne Entente
D’autres classifications
D’autres systèmes de classification sont également utilisés par les établissements du Québec. Entre autres, celui des diamants du CAA-AAA. En 2023, près d’une trentaine d’hôtels et d’auberges, ainsi que 18 restaurateurs se sont justement taillé une place parmi les destinations couronnées des 4 ou 5 diamants attribués par le système d’évaluation proposé par le club automobile. Il en coûte désormais 800 $ US par établissement pour demander une inspection aléatoire, signale Andrée-Ann Déry, porte-parole de CAA-Québec. Des frais qui doivent être renouvelés chaque année pour afficher la plaque devant l’établissement.
Des hôteliers en réflexion
À l’Hôtel Birks, à Montréal, qui a ouvert ses portes en septembre 2018, la disparition de la classification québécoise n’est pas sans susciter matière à réflexion au sein de la direction.
« Jusqu’à présent, nous n’avions pas ressenti le besoin de faire appel à des classifications internationales. Mais l’abolition de la classification québécoise, qui nous accordait 5 étoiles, nous incite à la réflexion », avise Adeline Le Cornec, directrice E-Commerce et Revenu de l’établissement situé à l’angle du square Philips et de la rue Sainte-Catherine.
Hôtel Birks
Cette gestionnaire avoue néanmoins que l’hôtel a essayé la formule affaires offerte par Trip Advisor. Une expérience, dit-elle, qui est loin de s’être avérée concluante malgré son coût de 5000$ US par année. « Nous n’avons vu aucun changement en matière de visibilité et de réservation », affirme-t-elle.
À ce propos, selon l’équipe de la direction du Bonne Entente, à Québec, le service de Trip Advisor serait justement en train de perdre des plumes. « C’est de moins en moins une source fiable pour les voyageurs, parce que les avis affichés là sont devenus très subjectifs. Par conséquent, l’outil perd en crédibilité aux yeux des hôteliers », estime le dirigeant du BE, Alain April.
Pas d’étoiles, pas d’exigences
D’autres hôteliers ne regrettent pas du tout la disparition des panonceaux de la classification québécoise à la fin du mois d’août… ainsi que les exigences qui leur permettait de maintenir une note élevée. C’est le cas notamment de l’Hôtel Universel, à Rivière-du-Loup.
« Afin de maintenir nos 4 étoiles, le système québécois exigeait un tas de petites attentions dans les chambres qui ne figuraient plus nécessairement dans nos valeurs », soulève Joanna Lortie, vice-présidente de l’établissement. Elle cite en exemple l’usage de barres de savon unique qui était une des conditions à remplir pour un établissement 4 étoiles. « Désormais, les divers produits offerts dans les chambres se font par distributeur. »
Ce qui à son avis est beaucoup mieux en termes de développement durable… et toujours digne d’un 4 étoiles.
Hôtel Universel
Le modèle français
Au sujet de développement durable, les Français, eux, ont justement amélioré leur système de classification hôtelière en misant largement sur ce volet. Entré en vigueur le 1er avril 2022, le nouveau programme a fait le ménage. Finis les critères obsolètes, tels que la présence d’un radio, de lecteurs DVD, d’un judas dans la porte et d’un bidet. En revanche, place à des critères en développement durable. Parmi les 27 critères cités dans la révision du classement (meilleure gestion de l’énergie, de l’eau, des déchets et du linge par exemple), 13 sont devenus obligatoires. Soit dix de plus qu’exigeait l’ancien programme.
Précisons que le classement des établissements hôteliers en France est, depuis 2010, devenu volontaire, payant, à la charge de l’hôtelier. L’audit se déroule à « visage découvert » dans les établissements allant d’une à trois étoiles et coûte 400 euros hors taxes. Pour les établissements de 4 et 5 étoiles, il s’agit de « visites mystère » pour un prix oscillant entre 700 à 800 euros avant taxes. L’évaluation est valable durant cinq ans.
Reste à voir quelle sera la solution de classification hôtelière québécoise qui remplacera le défunt modèle qui disparaitra pour de bon le 31 août prochain.
Un dossier à suivre…
Claudine Hébert
Journaliste et collaboratrice
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