Opinions & Humeurs: Tourisme chinois au Québec: c'est pas «chinois»? (avril 2017)
Ni hao!
- Il leur faut idéalement des hôtels au centre-ville pour le magasinage avec déjeuner-buffet, un double lavabo, une théière dans la chambre, du rouge (symbole de chance) et faut éviter le chiffre 4 qui se prononce comme le mot « mort »... pas de 4e, 14e ou de 24e étage, désolé!
- Des tables rondes dans les restos donnent à chacun le même prestige et l’accès facile à la bouffe...
- Les icônes touristiques sont leur intérêt principal (désolé pour le musée agricole de Saint-Clin-Clin)
- Sensibles aux images et photos, notamment au moment de réserver
- Particulièrement rassurés par un accueil en chinois
- Apprécient les informations revêtant un caractère officiel
- Exigeants et très attentifs à la qualité de l’accueil
- Aiment que les difficultés ou les problèmes soient rapidement résolus
- Ont l’habitude de disposer d’eau chaude dans la journée*
Plus de 3 000 sièges par semaine sur Montréal en vols directs vers la Chine en 2017; contrairement à la majorité de touristes chinois au Canada qui viennent visiter leur famille, ils seront à Montréal avant tout des touristes d’agrément ou d’affaires (et beaucoup d’étudiants dans quelques années, Montréal, de plus, étant maintenant la ville au monde la plus accueillante pour ce marché), donc plus payants; les Chinois sont les touristes qui dépensent le plus par séjour et par jour après les Américains; pour 2017, Tourisme Montréal anticipe une hausse de 30% de ce marché, ce qui représente quelque 110 000 touristes chinois. Bref, une opportunité à saisir...
Où iront-ils au Québec? Que feront-ils? Comment obtenir sa part du « biscuit »? Vous vous rappelez de l’expression: « C’est pas chinois! », voulant dire que c’est pas compliqué à cause de la langue si compliquée? Eh bien ça l’est un peu...
Voici quelques pistes de réflexions :
- Il y a le marché de voyages en groupes. La durée moyenne des voyages est de 10 à 12 jours. Ce segment me fait penser aux Comités d’Entreprises français dans les années 80 ou des touristes est-européens dans les années 90: le prix est crucial et ils font uniquement les classiques en groupes & rapido: on va revoir les 6 nuits/8 jrs à Montréal, dans le Vieux-Québec, à Ottawa, Toronto, Niagara Falls? Je crois que cette tranche du tourisme chinois au Québec va se développer verticalement comme ils le font dans d’autres secteurs économiques tel l’agriculture, alors qu’avec le volume généré, les entreprises chinoises vont tôt ou tard posséder les principales prestations: transport, hébergement, agences, guides... Est-ce durable à long terme pour le Québec?
- Beaucoup plus intéressant pour l’ensemble des régions du Québec et pour les retombées réelles au Québec à moyen terme (l’intégration verticale sera plus difficile pour les opérateurs chinois), c’est le marché des voyageurs indépendants (FIT) en auto louée ou en VR et les voyageurs de luxe (on retrouve en Chine le plus de millionnaires et de milliardaires au monde). Comme nous tous, les touristes chinois recherchent la nouveauté, une culture différente et locale. Encore minoritaires aujourd’hui mais en forte croissance, ces voyageurs dynamiques et curieux iront vivre des expériences dans le nord du Québec avec les Cris et Inuits, au Zoo sauvage de St-Félicien, en zodiac près d’Essipit, à Anticosti en kayak, en Basse-Côte-Nord avec les icebergs québécois ou faire le tour de la Gaspésie, contrairement au segment des voyages de groupes...
Une nouvelle génération de voyageurs chinois arrive donc:
- Plus jeunes (entre 25 et 45 ans)
- Plus riches (60 000 RMB vs moyenne en Chine de 24 000 RMB)
- Formations universitaires
- Sophistiqués: ont voyagé et même étudié en dehors de la Chine et peuvent parler anglais
- Connectés: Internet avant, pendant et après le séjour est impératif
- Exigeants: enfants uniques, élevés dans une certaine abondance, habitués à la qualité et au service attentionné
- Les Chinois achètent via les agences de voyages. Oubliez la vente en direct. Et uniquement les agences en Chine ou au Canada (réceptifs) accrédités « SDA » par la Chine (Statut de Destination Approuvée). Elles sont: China CYTS, Beijing CAISSA International, Total Travel International, UTour, Shanghai CYTS, Shanghai Jinjiang, GZL International, Guangdong Nanhu International et les grandes agences de voyages en ligne (Ctrip et Tuniu). Voyez d’ailleurs de Tourism Australia (2016) comment les Chinois réservent leurs vacances, eux qui vont en Australie depuis plusieurs années:
- Qu’aiment-ils faire? De toute évidence, l’hiver c’est pas leur tasse de thé! Mais la grande nature près de Montréal ou de Québec, c’est gagnant. Pour Tourism Australia, il faut au Chinois: 1. Du magasinage, 2. De la bouffe chinoise, 3. Des vols directs. 4. Des guides parlant chinois. Voyez ce tableau préparé par Tourisme Montréal en 2014 dans le cadre d’une étude sur ce marché:
- Contrairement aux autres marchés internationaux (dont la source principale d’influence sont les familles et les amis), les commentaires/appréciations sur les médias sociaux en Chine représentent 3 fois plus le facteur principal d’influence pour le choix d’une destination. Mais avec la « Grande muraille coupe-feu » de sites occidentaux, ces médias sont chinois: (Sina Wibo, version chinoise de Twitter); Renren et Kaixin (versions chinoises de Facebook); Youku (YouTube) et Daodao (TripAdvisor). Alors oubliez ça, de jouer dans ces médias, à moins d’avoir des moyens financiers gigantesques ou une belle-sœur chinoise! Autre raison de ne pas tenter de percer ce marché en direct!
- Enfin, pour se vendre comme destination, voyez de Tourism Australia (première destination autorisée par la Chine en 1999, le Canada en 2010!) les facteurs principaux considérés par les Chinois:
À la lecture de ce graphique, on oublie nos plages, mais la proximité de la grande nature près de Montréal, Gatineau ou Québec, la gastronomie et les produits du terroir, dont les cabanes à sucre (ils ont la dent sucrée, utilisons Pierre Faucher comme personnage typique autour d’une histoire bien racontée) nous avantagent beaucoup par rapport à Toronto ou Sydney. Ils vont adorer nos grands troupeaux sauvages (baleines, chevreuils d’Anticosti, caribous du Nord, phoques d’eau douce du Lac à l’Eau Claire, les blanchons des Îles et de la Basse-Côte-Nord et les ours blancs d’Eeyou Istchee et du Nunavik). Mais le seul troupeau accessible et prêt à être commercialisé est actuellement celui des baleines...
En terminant, si vous n’avez pas encore lu le « Mode d’emploi Chine » de Tourisme Québec, il mérite une lecture attentive...
Et à n’en pas douter, la statut de l’aventurier mégahéros en Chine et médecin Normand Bethune, qui a vécu à l’époque de Mao et qui est clairement identifié à la ville de Montréal, sera populaire dans les prochaines années. Personnellement, je crois que le Vieux-Québec et les baleines ont le plus fort potentiel d’attirer l’attention des Chinois à court terme, tout comme le romantisme et le magasinage de Paris les attire grandement, mais s’y sentent de plus en plus insécures... Et n’oublions pas qu’il y a des centaines de milliers de Chinois parlant très bien le français, ce qui distingue le Québec des autres destinations nord-américaines.
* Source: Do You Speak Touriste
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