Pierre Gaudreault, l’aventure dans le sang – Stable, aimé et pragmatique comme la nature!, par Jean-Michel Perron

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Un autre des piliers de notre tourisme, Pierre Gaudreault, est le DG d’Aventure Écotourisme Québec depuis les débuts de l’association en 2000, connue alors sous le nom d'APTAQ: Association des producteurs en tourisme d’aventure du Québec.

Je ne connais personne qui n’aime pas Pierre. Une rareté de voir une telle unanimité en tourisme au Québec. Ses qualités de leader, sa grande capacité d’écoute et sa grande sagesse expliquent probablement cela.

Bref historique de ta longue carrière?

J’ai toujours eu le plein air dans le sang. À 16 ans, j’ai fait une rando de Laval à Sainte-Émilie, dans Lanaudière. Après mon BAC en tourisme à l’UQAM, j’ai commencé comme directeur d’un camp de vacances et ensuite pour un poste en développement touristique dans un CLD des Laurentides. En 2000, je débutais mon mandat à titre de gestionnaire de l’APTAQ devenue AEQ...

Bref historique et états des lieux de l’AEQ (dont lien avec PaRQ)?

En 2001, à un lac-à-l'épaule tenu à L’Isle-aux-Coudres avec des gens comme Élyse Lauzon de Duvetnor, en collaboration avec le biologiste Jean Bédard, on discutait déjà de normes en écotourisme. Autour de 2003 arriva le 1er grand chantier de notre jeune organisation: qualité/sécurité. Nous sommes aujourd’hui reconnus pour nos compétences en sécurité du plein air.

D’autres chantiers suivront: « De la passion à une meilleure gestion » et « Développement durable » en 2009, avec des normes mises à niveau en 2017.

Nous avons aussi participé, avec le gouvernement du Québec, à la mise en place du « Programme Qualité Québec » en tourisme de nature et d'aventure  qui incluait, avec le BNQ, des normes en écotourisme. Mais à un coût de 5000$ pour obtenir la certification, le succès ne fut pas au rendez-vous.

C’est en 2017 que le partenariat avec la nouvelle Association des parcs régionaux du Québec fut effectif, créant ainsi un effet de levier positif pour nos deux associations.

AEQ avait autour de 130 entreprises membres jusqu’en 2020... Après un décès malheureux – qui m’a beaucoup affecté – en 2002 sur une rivière gaspésienne, l’accréditation en sécurité est devenue obligatoire. Le nombre de membres a alors chuté à 85, pour remonter progressivement jusqu’à 130, en 2020. Depuis ce temps, avec une nouvelle norme obligatoire de sécurité pour obtenir du financement public, nous sommes passés aujourd’hui à  230 membres.

Sur la photo, l’équipe dynamique d’AEQ: (de gauche à droite)
À l’arrière : Peggie Lamarche, Yves Dubois, Stéphane Jeannerot, Valérie Bélanger
À l’avant : Pierre Gaudreault, Sandrine Castonguay, Annie Lévesque, Léa Pomarel (stagiaire), Camille Desjardins, Suzanne Rondeau, Magalie Bernard

AEQ a innové, depuis quelques années, dans la transition durable en tourisme. D’ailleurs, vous avez le mot « écotourisme» dans votre acronyme depuis le début. Comment?

Dès 2002, la notion de redonner au milieu avec ses activités touristiques était mentionné. En 2019, sous l’impulsion de Richard Remy de Caravaniers, on se joignait au mouvement du « 1% pour la planète ». Une dizaine de nos membres étaient embarqués en 2019, mais arriva, comme vous le savez, la COVID. On a transformé ce 1%  pour l’adapter au Québec en créant un « Fonds Plein Air » avec un comité de gouvernance. Une première pour le programme international du « 1% pour la planète », cette régionalisation des investissements. Une douzaine de projets, ici au Québec, ont été réalisés ou sont en cours. Ça fonctionne par appel de projets et de grands investisseurs se sont joints. En 2023, on parle de 315 K$ dont 75 K$ versés à Planétair. Cette formule est originale, même à l’international.

Le fait d’avoir à l’interne une ressource dédiée à la durabilité et passionnée également du Québec et de la nature (Stéphane Jeannerot) fait une grande différence dans nos approches en durabilité.

Qu’est-ce qui t’a amené personnellement à t’impliquer dans le volet durable? Tes motivations?

Je suis passionné par la nature, c’est dans mon ADN. Le Québec est magnifique et j’ai une passion pour le canot, la protection des rivières et des rapides, dont la Magpie sur la Côte-Nord, l’une des meilleures rivières en rafting au monde!

Nous sommes probablement la première association touristique à s’être publiquement prononcée sur un sujet sensible touchant l’environnement et les communautés autochtones. Nous nous opposons à la construction de barrages sur cette rivière.

Pour nous, la meilleure protection de zones naturelles, c’est l’usage, sans impact majeur, de ces territoires.

Sens-tu un réel intérêt du secteur plein air à se transformer durablement?

Notre secteur et nos entreprises sont naturellement sensibles à la durabilité, car nous dépendons de la biodiversité pour opérer. Leur matière première, c’est la nature… Pas trop difficile de les embarquer. Le défi, c’est de les aider dans leur transition.

Vos efforts en durabilité sont-ils payants et appréciés par vos clientèles?

Non pas payants, mais c’est un incontournable, car nos clientèles sont très sensibilisées à la durabilité. Il font maintenir ainsi ses clientèles en mettant en valeur l’histoire locale, les achats locaux, les écosystèmes en place…

Qu’est-ce que tu aimes le plus du Québec grande nature?

  1. Sa richesse hydrologique; incroyable les centaines de milliers de lacs et de rivières!
  2. Son immensité
  3. Nos 4 saisons

Quels sont actuellement vos plus grands enjeux comme association sectorielle?

Avant, c’était financier, mais maintenant, c’est la gestion de la croissance. Un beau défi!

Quels sont les nouveaux projets/actions que vous entrevoyez dans la prochaine année concernant le durable?

  • Parcours Bas Carbone pour nos entreprises
  • Bilan carbone obligatoire en 2025 pour nos membres
  • Plan d’action en DD en 2025 pour chacune de nos entreprises

Les feux de forêt de cette année, l’enjeu des caribous forestiers, les coupes forestières, la baisse des insectes et des oiseaux... Notre nature se transforme rapidement, pas toujours positivement. N’est-il pas temps de repenser comment le tourisme et son plein air pourraient prendre une place plus grande et plus reconnue dans la répartition et la mise en valeur de nos terres publiques?

C’est un combat de tous les jours. Nous avons une Table de concertation sur l’accès des territoires publics à l’interne.  Avec le ministère du Tourisme, ça va bien... mais ailleurs au gouvernement, c’est une autre histoire. On n’a qu’à penser aux autorisations de commerce, un an à la fois pour profiter de certains territoires. Je rêve du jour où le Québec va se positionner comme une destination vraiment nature, comme le fait le Costa Rica, la Finlande ou la Nouvelle-Zélande. Là-bas, c’est leur gouvernement au complet qui l’a fait.

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Merci, Pierre, de parler des vrais enjeux et d’être un ardent ambassadeur du tourisme québécois et de notre biodiversité. Ton attitude constructive et toujours en mode « solution » fait de l’AEQ un partenaire de grande valeur, essentiel dans les prochaines années, sans nul doute turbulentes en transformations diverses.

Jean-Michel Perron


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