Une nouvelle taxe touristique pour les Îles dès 2023. Bon ou mauvais?, par Jean-Michel Perron
Ni l’un, ni l’autre. C’est mieux, c’est une excellente approche. Taxer à l’entrée (oups, pardon, on utilise le terme redevance, moins péjoratif) un 30$ pour chacun des 70 000 visiteurs rapporterait 1,5 M$ annuellement, selon le maire Gaétan Richard dans une entrevue à La Presse (70K X 30$ = 2,1 M$, plutôt??) pour créer un «Fonds de gestion durable du territoire». La moitié de ce fonds servirait à la gestion des matières résiduelles et à la création d’un parc régional, alors que l’autre moitié serait utilisée par la municipalité des Îles-de-la-Madeleine pour entretenir les sentiers pédestres, les plages et les stationnements.
Crédit photo: Tourisme Îles-de-la-Madeleine
Ce n’est pas la première destination à agir ainsi au Québec. Tremblant, par bill privé en 1993, applique avec ses hôtels une redevance correspondant à 3,5% sur la chambre et à 3% du prix indiqué ou affiché des biens et services. Mais l’argent sert essentiellement à animer ce centre de villégiature et à soutenir des infrastructures, contrairement au futur fonds durable des Îles. Percé, depuis mai dernier, applique une taxe de 1$ sur tous les achats locaux de 20$ et plus effectués par les non-résidents. Cette nouvelle taxe est bizarrement contestée par certains commerçants et l’affaire doit être entendue en Cour supérieure en janvier prochain. Je dis « bizarrement », car cette taxe est dédiée à couvrir les frais supplémentaires engendrés par les visiteurs vers un fonds spécial servant à entretenir et à développer les infrastructures touristiques municipales. Ces commerçants préféreraient que la municipalité augmente les taxes foncières et fasse ainsi payer tous les citoyens pour les impacts touristiques? Ou vous croyez vraiment que ce 1$ va faire fuir les touristes?
Crédit photo: Tourisme Îles-de-la-Madeleine
Ce qui distingue la redevance des Îles-de-la-Madeleine aux autres est le fait que les sommes collectées serviront un objectif clair de développement durable (matières résiduelles). Je suis convaincu que les visiteurs qui sauront où va leur 30$ seront même heureux d’y contribuer, car nous sommes ici dans le principe fondamental du perturbateur, aussi appelé du «pollueur/payeur». Un des principaux éléments à considérer dans ce type d’approche est de s’assurer que les sommes collectées vont dans un fonds dédié au tourisme durable et non pas dans le budget consolidé d’une municipalité, car sinon il y a risque réel d’écoblanchiment…
Éthiquement, le tourisme qui donne aux citoyens des communautés visitées la charge totale d’impacts négatifs du tourisme n’est pas acceptable. Au final, tous les impacts négatifs à destination doivent être assumés par le touriste. Mieux, le touriste devrait, en plus, contribuer à régénérer la biodiversité locale et soutenir des activités sociales positives. Alors, si vous vous scandalisez avec ce 30$, ce n’est rien par rapport au coût réel qu’on inflige à la planète et aux milieux visités…
Plusieurs municipalités et MRC au Québec sont actuellement les vrais leaders d’une transition durable, mais encore faut-il que le gouvernement du Québec leur accorde des fonds et des outils légaux leur permettant de générer des revenus autres que les taxes foncières, qui les condamnent dans la nécessité d’un développement résidentiel et commercial sans fin sur une planète qui a une limite, comme on le sait maintenant, au niveau de ses ressources. Certains juristes disent qu’elle est illégale, cette redevance de 30$. So what, si c’est le cas? Les lois se changent. L’autre élément original de l’approche des Îles (bravo!) qui ne peut être fait que sur une île, est de demander aux transporteurs maritimes et aériens d’inclure cette redevance dans le coût total du prix du billet d’avion ou maritime. C’est un test réel pour l’engagement ESG de Pascan, de PAL Airlines et surtout d’Air Canada. Est-ce que ces entreprises veulent participer et innover à la solution d’une saine transition durable (elles qui génèrent amplement de GES) que leur proposent les Îles? On verra rapidement…
Cette approche de redevance, pour les Îles ou Percé, ne s’applique pas nécessairement à toutes les destinations touristiques du Québec. Les plus fortes notoriétés dans les destinations touristiques au Québec ont toujours été celles des Îles-de-la-Madeleine, de Québec et de la Gaspésie sur le marché intra-Québec. Les touristes ne vont pas déserter ces destinations avec une nouvelle redevance obligatoire à vocation durable, car ce sont des destinations dites «d’appel».
Ailleurs dans le monde, plusieurs destinations ont mis en place des taxes de séjour de plus en plus élevées afin de limiter, dans leur cas, le trop grand nombre de visiteurs. Ainsi, depuis le 1er janvier dernier, Venise charge de 3 à 10 euros par visiteur, selon l’achalandage touristique de la journée. Le Bouthan, une des destinations les plus durables au monde, a fait le choix depuis septembre dernier, de miser sur les revenus par visiteur/par jour plutôt que sur le plus grand nombre de visiteurs, en implantant un «tarif» de 200 $US PAR NUIT de séjour pour un visa! Adieu tourisme accessible.
Jean-Michel Perron
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