Suggestions pour l’avenir de notre tourisme en prévision des prochaines Assises, par Jean-Michel Perron

Tourisme durable · · Commenter

En consultant le programme des Assises du 8 mai prochain à Québec, on peut y constater que le ministère a regardé ce qui se fait ailleurs sur la planète pour les stratégies des destinations touristiques. Enfin. Après 4 ans, et des millions de dollars de fonds publics dépensés sur diverses actions en développement durable, le gouvernement du Québec constate qu’il faut mieux planifier avant d’agir.

Prenez simplement, pour exemple, la priorité mondiale de décarboner ses activités touristiques : malgré de multiples approches et suggestions depuis 4 ans, nous ne savons toujours pas l’empreinte carbone du tourisme au Québec; on ne peut ainsi se fixer un objectif de baisse crédible et on ne peut clairement identifier les stratégies collectives à mettre en place.

La réelle durabilité en tourisme, c’est ce que font depuis quelques années la Finlande, la Norvège, la Slovénie, la Nouvelle-Zélande, le Costa Rica et la Croatie. Mon analyse pointue de chacune, l’automne dernier, m’a permis de conclure ceci:

Et récemment, l’Australie, l’Afrique du Sud et la Colombie-Britannique ont aussi publié leurs stratégies durables de destination, lesquelles nous devancent largement. Nous sommes en retard par rapport à chacune de ces destinations, sauf en ce qui concerne la transition durable de nos associations touristiques. Et l’écart va encore se creuser, à moins que les Assises servent réellement à poser les vraies questions, enclencher des stratégies avec des indicateurs de performance crédibles, alignés sur ceux d’ONU Tourisme.

Il faut se faire un plan de match, avoir une vision audacieuse qui rallie tous les acteurs du tourisme, où le Québec, comme destination touristique, peut se positionner et agir avec efficacité: définir ses axes stratégiques d’interventionses objectifs et pour terminer, les actions conséquentes. Pas l’inverse. Quelle est la vision réelle du tourisme au Québec actuellement? Augmenter le nombre de visiteurs et les recettes, comme le vise notre porte d’entrée principale, YUL? Ce n’est vraiment pas une vision qui me fait rêver d’un Québec touristique qui devrait contribuer à préserver la planète, maximiser son potentiel attractif autrement que par la construction d’hôtels et contribuer positivement à la qualité des emplois et au bien-être de nos concitoyens, tout en soutenant directement nos entrepreneurs.es actuels dans cette transition.

MES SUGGESTIONS

VISION 2030 DU QUÉBEC TOURISTIQUE

EN HARMONIE

  • Harmonie entre les intérêts des organisations touristiques (OGD, associations & entreprises), la nature et les communautés pour le développement d’un tourisme adapté, résilient et régénérateur dans le contexte des changements climatiques, de la perte de biodiversité et des transformations sociétales, individuelles et économiques.
  • Harmonie par une croissance raisonnée, l’innovation et une compétitivité éclairée.

8 VALEURS DE NOTRE TOURISME

  • Accueillant (ouverture à tous les voyageurs)
  • Joie de vivre (le tourisme est hédoniste au Québec, c’est dans notre génétique)
  • Partage (des savoirs, des traditions, des expériences, des biens et des services)
  • Respect (des employés, des entrepreneurs, des visiteurs, des résidents, des partenaires et de la biodibersité)
  • Équilibre (entre le développement économique du tourisme, la biodiversité et le bien-être des résidents)
  • Immersif (le voyageur s’enrichit par tous les sens, intellectuellement/spirituellement/physiquement/émotionnellement)
  • Contributif et solidaire (par le régénératif et l’optimisation des impacts économiques et sociaux)
  • Sobre (décroissance dans les secteurs ne pouvant se décarboner)​

OBJECTIFS STRATÉGIQUES

  • Une meilleure interaction des ministères, des gouvernements locaux, régionaux et nationaux au bénéfice des organisations touristiques assurant une harmonisation des supports financiers et législatifs, ainsi que d’accompagnements optimaux en durabilité, en numérique, en technologies, en gestion et en innovation;
  • La qualité et la valeur de l’offre touristique tout au long de l’année et dans toutes les régions du Québec augmentent en priorisant et en consolidant les entreprises touristiques existantes versus investir massivement dans de nouvelles entreprises/projets[1];
  • Décarbonation : l’urgence en développement. Le tourisme s’engage à diminuer de xx% par année son empreinte carbone à compter de 2025, tout en étant un générateur de richesse, grâce à une croissance raisonnée et l’intégration de chacune des parties prenantes dans la transition et à régénérer des forêts primaires, des marais, des terres agricoles pour la biodiversité et leur rôle de puits de carbone;
  • Accroître la satisfaction des parties prenantes : résidents, employés en tourisme, entrepreneurs et visiteurs ;
  • Le tourisme protège tous les patrimoines culturels et, avec les nations autochtones, se veut un allié majeur de la biodiversité par une occupation responsable des territoires.

Les axes stratégiques, les objectifs précis rattachés à chacun des axes, ainsi que les actions conséquentes (plan d’action) font partie des sections qui restent à compléter, le travail ayant été largement entamé.

CONCLUSION

La dégradation de l’environnement, le creusement des inégalités, le déclin démocratique, les dysfonctionnements de la gouvernance mondiale, les défis posés par l’innovation technologique n’ont jamais fait peser autant de menaces sur l’avenir de nos sociétés. Nous sommes en état de multicrises et nos stratégies doivent être à la hauteur et impacter rapidement, avec détermination, notre secteur.

Le Québec et ses acteurs touristiques doivent participer à la solution, pas à accentuer les problèmes et maintenir une vision «précovid 2019». La dissonance cognitive actuelle, appuyée par les excuses de l’inaction (le technosolutionnisme qui fait 44% d’adeptes au Québec; le déni climatique qui est passé de 5% à 14% dans le monde; «la faute des autres») doit cesser, car il y a urgence en la demeure.

On se voit aux Assises, à Québec.


[1] À l’exception du développement d’expériences « luxe ».

  

Jean-Michel Perron
PAR Conseils
Blogueur et bifurqueur


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