Colloque sur l’identité culinaire québécoise: le plus fascinant de nos événements touristiques professionnels, par Jean-Michel Perron

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La semaine dernière, à Montréal, se tenait la 3e édition de ce colloque organisé par la SRÉ (Société du Réseau Économusée), dans le cadre de MONTRÉAL EN LUMIÈRE, en collaboration avec le nouvel Office montréalais de la gastronomie, en présence de 155 participants, sans compter ceux en virtuel. Carl-Éric Guertin, le DG, a le tour d’aller chercher des contenus innovants et de rassembler différents acteurs.

C’était ma seconde présence à cet événement. J’avais déjà été impressionné en 2021 (lire ici l’article à ce propos

On sait que la bouffe, la gastronomie, le culinaire, les terroirs partout sur la planète représentent un élément essentiel d’une expérience touristique réussie. Ce n’est pas comme un lit d’hôtel ou un siège d’avion : on n’a pas le choix de dormir et de se déplacer en voyage, mais ce n’est pas ce qui nous fait réellement vibrer (quoique dans certains lits…). Puisque chacun des pays possède son unicité culinaire, mais comme au Québec la nature, la passion et l’esprit d’innovation sont ici omniprésents, on se démarque de plus en plus. À Montréal, « 78% des visiteurs considèrent la dimension culinaire importante », nous confirmait la dynamique Stéphanie Laurin, gestionnaire de l’Office montréalais de la gastronomie, qui ajoutait qu’il ne peut y avoir de tourisme sans une appropriation en premier par les Montréalais des lieux et des activités.

Ce colloque fut fascinant par la richesse des contenus et le côté « très humain » de chacun.e des participants.es, tellement authentiques. Nous étions entre amis.es, en symbiose du partage d’expériences et de connaissances comme autour d’un grand festin animé. Voici certains des éléments distinctifs :

1. Schwartz’s : icône montréalais incontournable

Frank Silva, directeur général, impressionne par son franc-parler et sa sagesse d’affaires :

  • Nos employés demeurent des décennies malgré les changements de propriétaire et c’est lui, notre personnel, qui garantit le meilleur smoked meat afin de ne pas faire de compromis;
  • En affaires, il faut se concentrer sur ce qu’on fait de mieux; nous, c’est le smoked meat (origine roumaine et plus ancienne, de Turquie) en restaurant. Je ne mangerais pas le smoked meat Schwartz’s vendu en épicerie…

2. Les Premières Nations : la table qui réconcilie !

Ryland Diome, chef propriétaire, Screaming Chef Cuisine, Kahnawake

Totalement inconnu jusqu’ici en tourisme & gastronomie, le chef Mohawk (de cuisine, pas politique) Ryland Diome m’a jeté en bas de ma chaise. Ce n’était pas une conférence qu’il faisait, mais un témoignage personnel marquant : « Merci de m’écouter car enfin on se parle ! Voici comment je cultive durablement, comme mes ancêtres, le maïs, la courge et les fèves… ». Niva Sioui et Steve Gros-Louis des restaurants Sagamité à Wendake et Québec sont venus parler de la façon dont ils ont réussi à combiner modernité avec le riche patrimoine culinaire autochtone.

3. Côte-Est : un restaurant du Kamouraska unique au Québec

Pas une fois dans la journée, je n’ai entendu le mot « durable », mais je n’ai jamais autant vu d’entreprises à une conférence en tourisme qui sont déjà dans la durabilité. Perle Morency et Kim Côté, propriétaires de Côte-Est nous ont fait la démonstration de :

  • On peut vivre en tourisme et en restauration en maximisant nos ressources locales. La liste variée des produits (plantes, gibiers, poissons, crustacés et forestibles) qu’ils utilisent est à mon avis unique au Québec : ils roulent le capelan, font des burgers au phoque, réintroduisent le caveau à légume traditionnel et communautaire, etc. Wow et wow !!!!
  • Un exemple d’originalité touristique : l'expédition mycomigrateur avec le Chef

C’est ça l’avenir d’un tourisme en régions à forte valeur ajoutée et personnalisée !

4. Jean-Pierre Lemasson, professeur retraité UQAM, spécialiste de la gastronomie québécoise

Auteur prolifique sur le sujet (L’incroyable odyssée de la tourtière; Le Mystère Insondable du Pâté Chinois, etc.), M. Lemasson – qui a goûté à 120 pâtés chinois en 1 an – nous a partagé sa passion et sa profonde connaissance du sujet, en critiquant même la dérive de certains chefs « mythomanes ». Le terroir, le culinaire, la gastronomie ont une signification sociale et culturelle importante. Ce qui est modernité aujourd’hui sera le patrimoine de demain. Quelques sujets abordés :

  • La vache canadienne, grâce à la science, est en train génétiquement de se reconstituer (on regagne sur l’Histoire);
  • Le Québec se distingue, entre autres, par ses cidres de glace, son agriculture urbaine, ses festivals, ses champignons urbains et même une pisciculture d’omble chevalier dans le quartier Parc-Extension…

5. Amélie Masson-Labonté, Storica – Société du réseau ÉCONOMUSÉE®

Amélie a débuté ses recherches sur l’ADN culinaire montréalais l’automne dernier et nous a transmis des constats fort intéressants à ce sujet, dont les 8 éléments qui constituent l’ADN culinaire de Montréal :

  • Francophone
  • Plurielle (Mohawk, Français, Anglais, Écossais, Italiens, etc.)
  • Festive (les festivals sont devenus nos saisons, etc.)
  • Ouvrière et populaire
  • Piétonne
  • Innovante
  • Gourmande
  • Créative

Elle nous a fourni de nombreux exemples concrets. Convaincant !

6. Panel sur l’apport des festivals et des événements

François G. Chevrier, le DG d’ÉAQ, évalue à 1000 festivals et événements au Québec rattachés à la dimension culinaire et 50% de nos festivals offrent ce volet. Souvent puisée dans notre Histoire comme les fêtes des moissons ou religieuses, l’identité culturelle et locale est directement rattachée à ces activités. « Nous ne sommes encore qu’au balbutiement du potentiel d’intégration des volets culinaires dans nos événements et festivals... », conclut François, l’un des pénalistes invités avec Céline Lafrance, coordonnatrice, Rendez-vous loup-marin, Îles-de-la-Madeleine; Julie Martel, gestionnaire, programmation gastronomique, MONTRÉAL EN LUMIÈRE et Lee Patterson, directeur, relations avec les membres et partenaires, Association des expositions agricoles du Québec

Plusieurs autres conférences (Îles-de-la-Madeleine, Moulins à farine, etc.) ont bonifié les contenus.

L’offre culinaire et gastronomique québécoise s’articule et prend une position basée sur la culture locale et nos patrimoines des terroirs qui en fait un produit d’appel fort sur tous nos marchés touristiques.