Loi C-18 - Meta vs les médias et les impacts en tourisme, par Frédéric Gonzalo
Avez-vous récemment tenté de partager un article de La Presse, du Journal de Québec ou encore du Globe & Mail sur votre fil Facebook? Si vous avez remarqué une absence de nouvelles dans votre fil Facebook ou Instagram, vous n’avez pas la berlue! C’est le résultat direct d’un bras de fer qui se joue présentement entre Meta (compagnie mère de Facebook, Instagram, WhatsApp et Messenger) et le gouvernement fédéral canadien.
Or, vous savez comme moi qu’il y a énormément de nouvelles, d'articles et de reportages liés au voyage et au tourisme qui circulent en provenance de ces médias officiels. Quel sera l’impact pour l’industrie touristique, si on ne voit plus passer ces publications dans Facebook et Instagram?
Les origines de la loi C-18
Prenons un pas de recul pour expliquer cette loi pas évidente. Qu’est-ce que la loi C-18? La « loi sur les nouvelles en ligne » vise à forcer Google et Meta à verser des redevances aux médias dont les contenus sont partagés sur leurs plateformes.
Le prix de ces redevances devra être négocié avec les médias. Si aucune entente n'est conclue, Ottawa pourra faire office d'arbitre. Le projet de loi C-18 a reçu la sanction royale le 22 juin, mais n'entrera en vigueur qu'en décembre.
Exemple de page média sous le coup de la censure par Meta au Canada
En d’autres mots, on veut que Facebook et Google paient pour le trafic qui est occasionné quand les utilisateurs cliquent sur l’URL partagé dans un fil de nouvelles ou qui apparait dans une recherche en ligne. Or, Meta a clairement fait savoir qu’elle n’a pas l’intention de se conformer à cette loi, ce qui la mène à retirer tout lien menant à un média officiel sur sa plateforme, au Canada (Google aussi est en désaccord, mais demeure à la table des négociations avec Ottawa, pour l’instant).
Quel est l’impact, concrètement?
Ceci veut donc dire que pour les utilisateurs et utilisatrices de Facebook et d'Instagram au Canada, on ne verra plus d’articles ou de publications menant à un média officiel. Or, il faut savoir que selon les plus récentes études, entre 35 et 40% des Canadiens accèdent à l’information des grands médias officiels… via les médias sociaux!
Vous savez, cet article du journal Le Devoir qui parlait du navire de croisière Icon of the Seas? Ou la plus récente chronique de Patrick Lagacé sur les aléas en éducation? Souvent, on voit d’abord passer cette information sur Facebook, pour ensuite lire l’article au complet sur le média en question. Dorénavant, vous devrez être abonné au média en question ou aller directement sur le site Web ou l’application pour en consommer le contenu.
Le fait demeure : il y aura un accès très réduit aux nouvelles « officielles », avec ce que cela suppose de conséquences pour la désinformation, déjà trop présente sur le Web et les médias sociaux…
Et en tourisme, alors?
Tout ça pour en arriver aux conséquences dans l’industrie touristique. Car pour plusieurs, ce débat semble ne concerner que les médias qui se battent pour leur survie et une plus grande partie des revenus publicitaires en ligne (qui leur échappent, justement en allant vers Google et Meta).
Or, qu’adviendra-t-il de ces reportages effectués par le Travel & Leisure au sujet des meilleurs hôtels au monde et au Canada, de ces articles évoquant les 7 incontournables dans les Cantons-de-l’Est en automne, ou encore des meilleures stations pour le ski au Québec?
Quand on cherche à faire la promotion d’une destination et des expériences, les médias de masse demeurent un véhicule incontournable, particulièrement si on vise les marchés de l’Ontario, les Maritimes, le Nord-Est américain, voire à l’international.
Les perspectives de Destination Québec cité et Tourisme Montréal
TourismExpress a posé la question pour savoir quel serait l’impact pour les deux plus grandes villes touristiques, soit Québec et Montréal. Selon Philippe Caron, directeur de l’intelligence d’affaire et de l’innovation numérique à Destination Québec cité, « nos placements médias en France et aux États-Unis ne seront pas touchés par cette situation, mais ceux au Canada le seront. Il y aura certainement un impact sur le volume de trafic des plateformes des médias canadiens, ce qui veut dire que nous aurons moins de visibilité dans les médias avec qui nous avons des ententes en cours ».
Un son de cloche similaire du côté de Tourisme Montréal. « Une importante partie de nos efforts pour l’attractivité de la destination ne sont pas touchés par cette nouvelle loi, car ils sont à l’international, soit majoritairement aux États-Unis, en France et au Mexique », selon Dany Pedneault, directeur du marketing et des communications à Tourisme Montréal. « La loi C-18 impacte toutefois nos placements au Canada ; et les résidents du pays représentent une grande part de notre clientèle. C’est pour cette raison que nous travaillons actuellement avec nos agences et les différents partenaires afin de mettre en place, par exemple dans le cas de partenariat de contenu, de nouvelles solutions d’amplifications à même leur écosystème afin de maximiser la portée sans les médias sociaux. »
Des solutions à moyen terme
Il n’existe pas de solution miracle, évidemment. Mais pour DQc, si la situation perdure, les stratégies de contournement tourneront autour de :
- Envisager l’utilisation des médias traditionnels sur ces marchés pour soutenir les médias locaux (télé, affichage)
- Travailler avec des créateurs de contenu
- Diffuser du contenu sur les plateformes propriétaires
- Redistribuer du budget sur des plateformes publicitaires non impactées
Du côté de Montréal, on continuera de travailler avec les différents médias canadiens afin de trouver de nouvelles solutions d’activations et de partenariat pour compenser la potentielle perte de portée. Tourisme Montréal travaille aussi actuellement des plans de contingence à moyen/long terme dans l’optique où la situation perdure. Le parcours du voyageur comprend quelques centaines de points de contact avant qu’une décision soit prise, ce qui permet d’être créatifs dans la mise en place de nouvelle stratégie pour s’assurer de le joindre de façon performante.
Et vous, qu’en pensez-vous?
TourismExpress aimerait vous entendre sur ce sujet. Pensez-vous que ces modifications dans le partage des nouvelles sur Facebook et Instagram (et éventuellement dans le moteur de recherche de Google) auront un impact pour votre entreprise et/ou votre secteur d’activité?
Pour en savoir plus, consulter ce dossier spécial de Radio-Canada : Bras de fer entre les géants du Web et Ottawa
Frédéric Gonzalo est consultant et conférencier, spécialiste en marketing numérique. Il collabore à TourismExpress depuis 2012. Cette chronique « Tourisme et marketing numérique » est publiée à toutes les deux semaines. Questions? Suggestions de sujets? Contactez-le directement à frederic@gonzomarketing.biz.
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