Cessons de se berner sur l’avenir du tourisme – Résumé de la conférence de Travel Foundation à ITB Berlin, par Jean-Michel Perron
Jeremy Sampson, de Travel Foundation, n’y est pas allé par quatre chemins pour encore une fois dénoncer l’illusion d’une majorité d’organismes et de destinations en tourisme, pour lesquels la croissance actuelle (tripler l’aérien d’ici 2050) peut se conjuguer avec une contribution positive à la décarbonation. Sur le modèle actuel du « Business As Usual », le tourisme qui doublera en volumes, va avoir augmenté ses émissions de GES de 73% entre 2019 et 2050. Ce n’est pas en parlant de baisse d’intensité des GES en tourisme au lieu de quantités absolues de tonnes de GES émises qu’on va y parvenir. Il a cité la conférence la veille, de Julia Simpson présidente de WTTC – la Chambre de commerce du tourisme – qui se réjouissait que le tourisme allemand avait progressé entre 2010 et 2019 de 1,5% en croissance économique par année et « seulement » de 1,1% en GES par année…
M. Sampson fut par ailleurs lucide en refusant de souscrire à un scénario de type « réglementaire » pour se décarboner, comme durant la COVID, limitant par force de loi, les voyages. La croissance du tourisme est inévitable, mais pas la hausse des GES. La solution est de croître dans les secteurs du tourisme qui sont décarbonables et de diminuer la croissance des secteurs qui ne le sont pas, surtout l’aérien.
Dans le graphique suivant, Travel Foundation montre le kérosène nécessaire par année (2050) en milliards de gallons. En orange, ce qu’on peut utiliser si on veut respecter l’accord de Paris (hausse des températures à 1,5C en 2100) et en vert ce qu’on pourrait produire avec des investissements majeurs, en kérosène synthétique. Comme vous le voyez, avec les voyages en avion qui vont au minimum doubler, sinon tripler en 2050; malgré les gains d’efficacité et les nouvelles énergies, on n’y arrivera pas. (note, BAU = Business As Usual).
Mentionnant que faire de la compensation (ex.: planter des arbres) pour se déclarer carbone neutre, c’est de l’écoblanchiment; Travel Foundation propose 1 seul scénario possible pour garantir un tourisme viable en 2050. Il faut d’abord s’appuyer sur ces cinq (5) prémisses:
1. La comptabilisation des émissions mondiales de GES doit être nationalisée par pays et par entreprise avec des objectifs précis de réduction; (note JMP : actuellement ni personne, ni aucun pays n’est responsable des GES de l’aérien ou des croisières. Et notons l’absence de réduction de GES dans le nouveau plan d’action de Tourisme Québec 2023-2028 ce qui devrait être pourtant, en durabilité, LA PRIORITÉ DU TOURISME AU QUÉBEC. Notre ministère se refuse, depuis plusieurs années, de mesurer l’empreinte carbone de notre destination, contrairement à de nombreux autres pays. Ce faisant, ce n’est pas contraignant, nous sommes certains de ne pas savoir si notre tourisme évolue positivement vers le net zéro).
2. Les expériences et les itinéraires touristiques « net zéro » deviennent la norme (l’exemple de l’Écosse à cet effet est probant et montrer le poids carbone de chaque service et expérience en tourisme est essentiel à cet effet).
3. Des collaborations sans précédent permettent d’agir sur le terrain à grande échelle. (sortir du silo touristique et travailler avec d’autres secteurs et d’autres collaborateurs : surveillez la sortie prochaine en 2024 de l’outil de Travel Foundation avec Expedia pour comprendre votre écosystème).
4. Supporter les destinations touristiques les plus vulnérables comme celles dépendantes des touristes long-courriers et ayant peu de ressources pour se transformer durablement.
5. La réduction des émissions absolues fait partie intégrante de chaque organisation. Cessons de se raconter des histoires comme le fait WTTC en justifiant le « BAU » de la croissance en tourisme par une baisse relative des GES et autres impacts environnementaux comme l’usage de l’eau en tourisme. Globalement, en nombre de tonnes, les GES augmentent actuellement. Point!
Ce scénario anticipe les cinq (5) situations suivantes :
- Les investissements énormes en transition durable ne sont pas seulement une dépense : ils génèrent un retour sur investissement.
- Les voyages et le tourisme prospèrent lorsqu'ils se développent sans polluer.
- On découvre des aventures plus près de chez soi, et on prend l’avion moins souvent.
- Nous consacrons plus de temps et d’argent à explorer en profondeur les destinations que nous visitons.
- Le voyage multimodal, multiarrêts est facile, amusant et même luxueux...!
Pour accéder à cette Vision 2030/2050 d’un tourisme réellement durable, cliquez ICI.
CONCLUSION
Plus nous retarderons l’adoption de ce scénario d’un nouveau tourisme, plus le choc et l’arrêt du tourisme comme nous le connaissons aujourd’hui seront brutaux et encore plus réglementés. Cessons de se bercer d’illusions que la technologie et le numérique sauront tôt ou tard régler tous les enjeux reliés aux GES, à la pollution et à la perte de la biodiversité produits par le tourisme. Avant de se noyer dans les multitudes d’actions actuelles en transition durable, peut-on se doter d’une vision commune avec de réels objectifs de décarbonation? Le temps file et les millions $$ en transition durable du tourisme au Québec continuent de se dépenser par silos….Tic, tac, tic, tac.
Jean-Michel Perron
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