Nous y sommes – Le temps de l’adaptation et de la résilience en tourisme est arrivé: pourquoi et comment agir?, par Jean-Michel Perron

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Dans quelques années, il sera aussi commun d’avoir son plan de résilience (gestion des risques reliés au climat) que son plan marketing. Tout comme dans 15 ans, on ne parlera plus de tourisme durable car si tu opères dans 15 ans, c’est que tu seras nécessairement durable….

Depuis bientôt 2 ans dans le Parcours de transition durable de Tourisme durable Québec, il est mentionné à l’étape 4, de définir dans son plan d’action, ses actions d’adaptation aux changements climatiques (ex : verdir ses ilots de chaleur ; construire des sentiers plus durables) et ses actions de résilience (ex : comment se relancer après un événement extrême) afin de mieux anticiper les risques climatiques.

Je répète depuis longtemps (lire ici mes prévisions de mars 2022, mais qui suis-je pour prédire l’avenir ?), que le Québec, à titre de citoyen ou d’entrepreneur touristique, ne va prendre au sérieux les changements climatiques que lorsque nous serons frappés par des événements extrêmes qui ne vont que s’accélérer à compter de maintenant, selon l’unanimité scientifique… Nous y sommes au Québec à ce départ des extrêmes. Et nos gouvernements, qui savent depuis des décennies ce qui s’en venait (lire ICI un article édifiant d’un historien français à cet effet) ne vont accélérer les mesures d’adaptation et de transformation de notre société que lorsqu’ils vont sentir de notre part, les citoyens et les entreprises, une pression réelle. Dans le contexte où une majorité de scientifiques prédisent, au rythme que nous continuons à émettre de plus en plus de GES, qu’il sera impossible de limiter la hausse des températures à 1,5 C en 2100 malgré l’accord de Paris de 2015 — nous sommes actuellement à +1,3 c et ce sera au minimum 2,7 % en 2100 —, le risque réel, c’est qu’on s’acclimate aux événements extrêmes, qu’on les banalise comme devenant la normalité et qu’on se dise qu’on ne peut rien y faire ou que le Québec ne représente que 0,15 % des émissions carbone mondiales.

La réalité va vite alors nous rattraper de nouveau. Si tu es une pourvoirie en Abitibi ou un hôtel au centre-ville de Montréal, ne pas dès maintenant se transformer en prévision de ce qui s’en vient va mettre en péril votre entreprise. Au début, les gouvernements vont offrir des compensations « d’urgence » pour les pertes subies, mais ça ne pourra devenir la norme à chaque événement extrême. Pensez juste au coût élevé (ou même à l’impossibilité) des assurances (lire ici le retrait d’Allstate de la Californie) ; penser aux pertes de revenus quand l’accès à une région est bloqué durant des semaines… Le prix des services touristiques vont inévitablement augmenter à un point tel que certains segments de marché touristiques actuels devront se contenter de voyager localement ou pas du tout.

DEUX PLANS

Au lieu de saupoudrer des millions de $ en tourisme durable sur une multitude d’actions qui ne vont pas structurer notre transition (surtout pas, par exemple, la subvention de 200 K$ alloué la semaine dernière pour un «  Développement d’une méthodologie pour faire adopter les nouveaux comportements et provoquer un changement de mentalité en faveur du tourisme responsable et durable ») ; il faut plutôt fournir aux organisations touristiques des outils simples, concrets et gratuits incluant les meilleures pratiques appliquées, entre autres, en adaptation/résilience et comment réaliser un Plan d’adaptation aux changements climatiques et un Plan de résilience. Pas essayer de jouer expérimentalement dans la psyché des entrepreneurs.es pour les faire changer ! Une vaste majorité de PMEs veut devenir durable. C’est un manque de ressources qui les freine tel que précisé dans cette étude de 2022 de la Chaire de tourisme Transat (voir diapos 75,76). Plusieurs ne savent tout simplement pas comment s’y prendre, quoi prioriser et ont la perception que ça va leur coûter cher.

Créer un modèle de plan d’adaptation par sous-secteurs touristiques. Ouranos y a collaboré avec certains secteurs et destinations depuis des années, mais il faut outiller directement les entreprises avec plus de solutions concrètes et une formation conviviale sur la méthodologie pour développer son plan d’entreprise à ce niveau. Avec 100 000 $, une firme spécialisée qui connaît le tourisme peut le faire en 5 mois.

Créer un modèle de plan de résilience par sous-secteurs touristiques. Il faut s’inspirer de la formation gratuite en résilience touristique très bien exécutée par PATA (voir ici). Elle devrait servir de base pour la compléter, l’adapter au Québec, non seulement pour les destinations, mais également pour les entreprises avec là aussi les meilleures pratiques. Avec 100 000 $, une firme spécialisée qui connaît le tourisme peut le faire en 5 mois.

EXEMPLE D’UNE ACTION RÉSILIENTE À FAIRE POUR LE QUÉBEC

 

Dans un plan de résilience, il y a, entre autres, l’étape de réagir aux événements extrêmes et conséquemment de « repartir ses opérations »….Un exemple d’action d’un tel plan qui devrait se faire rapidement ? Comme les États-Unis constituent notre principal marché international, dès que les feux de forêt au Québec ne seront plus hors contrôle ET que la fumée sera absente du ciel de Boston et de New York, nous n’aurons pas le choix de faire une campagne « éclair » aux États-Unis pour leur annoncer que nous sommes ouverts, sans fumée et sécuritaires avec le rappel de nos expériences vedettes. On pourrait même faire ça avec originalité : « On s’excuse de vous avoir enfumé, venez respirer l’ai pur de notre vaste nature et vivre la joie de nos festivals montréalais, à 33 % de rabais ». (taux de change)

Et incroyable, la situation actuelle fait que l’image de marque du Canada s’est détériorée en quelques jours seulement auprès des Américains s’ajoutant à la seule perception négative et historique des touristes potentiels américains envers le Canada : «  il fait froid même l’été ! » ; elle-même incrustée dans leur psyché par des décennies de météorologistes à la télé américaine parlant du «  front froid provenant du Canada »…

 

Jean-Michel Perron


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