Les nouvelles taxes vertes en tourisme – Quoi, pourquoi et comment éviter le bordel?, par Jean-Michel Perron
QUOI ?
Le 1er mai, une taxe verte de 30$ pour tout visiteur s’appliquera aux Îles-de-la-Madeleine. Une taxe verte volontaire de 0,5% par nuitée s’applique depuis juillet 2023 dans 7 d’hôtels de Montréal. Tourisme Charlevoix sera la 1re association touristique, en 2025, à dédier une partie (5%) de l’actuelle taxe sur l’hébergement vers un fonds vert. AEQ, avec son programme « 1% pour la planète » (sur une base volontaire), existe depuis 2020. La FPQ a annoncé le prélèvement d’une taxe verte volontaire par certains de ses membres pourvoyeurs, l’automne dernier.
La première taxe d’une grande ville – Venise – de la planète à taxer tout visiteur (excursionniste), est entrée en vigueur la semaine dernière avec 5 euros par personne. Le Bouthan charge une taxe de développement durable de 100$ USD par jour par visiteur depuis 2 ans. L’attrait principal d’Istanbul, la basilique Sainte-Sophie, charge 25 euros depuis janvier dernier. La taxe touristique d’Amsterdam est passée cette année de 7% à 12,5%.
POURQUOI ?
La transition durable va coûter cher, en temps et/ou en argent, pour nos PMEs touristiques.
Personne n’aime voir arriver de nouvelles taxes, surtout celles obligatoires, ou se voir charger des frais supplémentaires pour accéder à un lieu ou à un attrait. Une des raisons évoquées en Europe d’instaurer une telle taxe, c’est de pouvoir ainsi limiter le nombre de visiteurs, combattre le surtourisme. À moins que le tarif ne soit suffisamment élevé, ça ne fonctionnera pas. Venise, d’aucune manière ne va parvenir à diminuer son nombre de visiteurs avec un frais de 5 euros, tandis que le Bouthan, à 100$ USD/jour, le réussit déjà.
Les raisons évoquées par les Îles de la Madeleine sont, quant à elles, de bonnes raisons :
- Maintien et développement des installations récréotouristiques
- Gestion et protection de certains milieux naturels fragiles
- Gestion efficace des matières résiduelles
Le principe de l’utilisateur-pollueur/payeur n’est que normal et le sera encore plus avec les touristes, privilégiés de pouvoir continuer à voyager. Pourquoi est-ce le payeur de taxes madelinot ou québécois en général qui aurait à payer pour les impacts négatifs de touristes aux Îles? Le même principe s’applique pour nos entreprises polluantes, comme les cimenteries ou les navires de croisières.
Par ailleurs, l’argument qu’une taxe obligatoire limite la liberté de mouvement de tout citoyen québécois ne tient pas la route. Est-ce qu’un pont payant à l’Île d’Orléans va limiter la liberté de mouvement des Québécois? Soyons sérieux. De plus, une taxe territoriale de ce type ne peut s’appliquer que pour des zones géographiques circonscrites et isolées par ses modes de transports, comme une île ou le nord du Québec.
La nécessité de mettre en place, par une taxe obligatoire ou volontaire, un fonds dédié à atténuer les impacts sur le climat ou la biodiversité du tourisme, aider à l’adaptation d’une communauté et de ses entreprises touristiques ainsi que de protéger/régénérer l’environnement naturel deviendra la norme partout sur la planète. Il faudra s’y habituer. Le touriste doit assumer ses « externalités » : les impacts négatifs qu’il génère.
De plus, une taxe territoriale comme celle des Îles est la plus équitable qui soit, car au lieu, comme pour la taxe actuelle sur l’hébergement collectée uniquement par les lieux d’hébergement (incluant Airbnb et autres « locations de meublés touristiques »), une taxe territoriale couvre 100% des visiteurs qui séjournent également chez les parents/amis.
RECOMMANDATIONS
- Il devient urgent, que ce soit pour une nouvelle taxe obligatoire ou volontaire ou la modification de la répartition de montants à partir de l’actuelle taxe d’hébergement que le ministère du Tourisme et l’Alliance de l’industrie touristique puissent fixer des balises sur la gouvernance de ces revenus en s’assurant de :
- Recommander aux régions et aux secteurs touristiques 1 source principale de taxation dédiée à la création d’un fonds vert durable, car sinon, le visiteur québécois, canadien ou international ne comprendra pas autant d’approches de collectes différentes et autant d’objectifs distincts. Ce qui aura pour résultat de perdre une occasion de se positionner fortement au niveau de la satisfaction de nos visiteurs exigeant une destination crédible et verte;
- La légalité de l’action de la collecte de la taxe;
- Encadrer les types de dépenses provenant de ces revenus afin d’éviter l’écoblanchiment ou une surcharge de frais de gestion et de s’assurer que les PMEs touristiques vont en bénéficier;
- Exiger la transparence des résultats atteints et les diffuser auprès de chacune des parties prenantes;
- Supporter des actions communes à toutes les villes/régions.
- Toute nouvelle taxe devrait obtenir, au départ, un fort consensus des résidents et des organisations touristiques locales ou régionales.
- Communication responsable auprès des visiteurs qui paient la taxe en démontrant clairement l’usage de ces revenus pour une véritable transition durable.
- Peut-on imaginer, comme l’un des objectifs provenant de ces fonds verts actuels et à venir, un projet national régionalisé à travers le Québec supporté par l’ensemble des organisations touristiques du Québec, visant à protéger ou régénérer un volet de notre biodiversité qui marquerait l’imaginaire de tous et participerait réellement au changement? Pour exemples, le tourisme intervient dans les milieux humides à travers toutes les régions du Québec. Ou encore, pour nos rivières? Ou encore pour régénérer des terres agricoles abandonnées ou des îlots de chaleur en milieu urbain?
Jean-Michel Perron
PAR Conseils
Blogueur et bifurqueur
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