Croisières internationales au Québec, par Jean-Michel Perron
Protégeons le Saint-Laurent de cette industrie polluante: solutions et vision d’avenir!
Crédit photo : Auberge des 21, Saguenay.
Les navires de croisière, dans le secteur du port de Québec, produisent 667 012 tonnes d’eau de lavage par année.[1] Pour Saguenay, c’est 100 851 tonnes. Estimations faites par l’organisme américain "The International Council on Clean Transportation", présidé par Margo T. Oge, ancienne directrice du Bureau des transports et de la qualité de l'air à l'Agence américaine de protection de l'environnement. L'eau de lavage est plus acide que l'eau de mer environnante et contient des hydrocarbures aromatiques polycycliques, des particules, des nitrates, des nitrites et des métaux lourds, notamment du nickel, du plomb, du cuivre et du mercure. Les eaux de lavage des épurateurs des navires[2] sont toxiques pour certains organismes marins, nuisent à d’autres et peuvent détériorer la qualité de l’eau. Et c’est sans compter les rejets massifs d’eaux usées et grises, comme expliqué plus loin dans cette chronique.
Les croisières représentent l’un des meilleurs rapports qualité-prix en tourisme pour les voyageurs. Le retour en force de ces «cités des mers» en 2023 dans les 9 ports d’escales au Québec réjouit autant les marchands locaux que l’Association des croisières du Saint-Laurent qui les regroupent et qui a fait un travail sérieux, avec les autorités portuaires, pour rendre plus durables les escales et ce qu’on appelle les «têtes de ligne»[3] comme Québec et Montréal. Nos gouvernements continuent de subventionner ce créneau de notre tourisme après avoir consenti des centaines de millions de dollars dans les infrastructures portuaires, mais sans exiger des comportements responsables de la part des compagnies maritimes qui émettent massivement des GES et rejettent des centaines de milliers de tonnes de liquides contaminés dans le Saint-Laurent chaque année.
Ces navires, certes spectaculaires à observer avec nos couleurs d’automne, cachent des réalités moins «cartes postales» car ils contribuent ainsi fortement au réchauffement climatique, à la pollution de l’air et de nos eaux participant à la perte de biodiversité, à l’extraction massive de ressources naturelles, à la surconsommation à bord et au gaspillage alimentaire, à l’exacerbation de résidents dans plusieurs villes à travers le monde, à des conditions de travail douteuses à bord des navires et appartiennent pour la grande majorité à des conglomérats multimilliardaires spécialistes de l’évasion fiscale et légale, bref, un symbole puissant de ce que le tourisme ne peut et ne doit plus être.
En durabilité, ce ne sont pas nos 9 escales au Québec, l’enjeu, mais les navires eux-mêmes sur lesquels l’Association des croisières du Saint-Laurent n’a aucun contrôle. Il n’existe aucun autre secteur de l’économie où le fossé entre l’image et la réalité soit aussi grand que dans le secteur des croisières internationales. Malgré que certaines compagnies naviguant au Québec soient plus responsables que la moyenne (Viking, Ponant), la très grande majorité des navires contribuent aux impacts environnementaux ici décrits. Et malgré l’arrivée de nouvelles technologies maritimes, celles-ci ne feront pas de différences suffisamment substantielles pour l’environnement avant la prochaine décennie (technologies de propulsion: GNL, batteries, voiles, etc.) car elles vont prendre des années – par exemple – pour remplacer l’actuel mazout lourd ou le MGO[4] des navires sur le Saint-Laurent (les nouveaux navires actuels vont naviguer encore 30 ans minimum). De plus, même à moyen terme, la forte croissance anticipée des croisières, comme pour le secteur aérien, vient annuler l’impact positif des avancées technologiques sur les GES et autres polluants.
Les croisières internationales ne représentent aucunement le secteur du tourisme en entier, mais avec ses impacts négatifs majeurs, combinés à ses images idylliques, la non-transparence environnementale des compagnies de croisières et leur écoblanchiment, ce secteur est carrément nuisible et va contribuer à discréditer de plus en plus l’ensemble du tourisme.
Alors, que faire? Se fermer les yeux et se boucher le nez pour plaire à nos marchands locaux et à nos croisiéristes d’un jour, ou prendre en main notre destinée maritime comme les Norvégiens le font? La santé humaine de nos communautés et la riche biodiversité du Saint-Laurent et du fjord du Saguenay nous commandent d’agir, ensemble, maintenant. Voyez mes suggestions pour l’avenir durable des croisières dans le Saint-Laurent.
Si vous n’avez pas le temps de tout lire l’argumentaire de cette chronique, visionnez ici une vidéo très humoristique/sarcastique (2019, en anglais seulement) qui présente vraiment bien l’attrait des croisières et tous les enjeux derrière la belle façade de ce tourisme. Un 22 minutes très drôle et instructif sur une industrie délinquante.
Table des matières :
- LE SECTEUR
- IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX MAJEURS
- POLLUTION DE L’AIR ET GES
- POLLUTION MARINE
- RETOMBÉES SOCIALES
- RETOMBÉES ÉCONOMIQUES
- DES SOLUTIONS
- RÉGLEMENTATION
- RECOMMANDATIONS POUR LE QUÉBEC
- CONCLUSION
Lisez le dossier complet (33 pages) ICI
[1] Données basées sur le trafic des navires de croisières en 2019. Voir carte interactive pour chacun des ports du Saint-Laurent.
[2] Selon le rapport environnemental 2023 de CLIA, 61,7% des navires membres de leur association sont équipés d’épurateurs; les autres continuant – pour la plupart - d’émettre du dioxyde de soufre dans l’air.
[3] Aussi appelés des ports d’embarquement et de débarquement.
[4] Marine Gas Oil.
Jean-Michel Perron
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