OPINION: L’argent en tourisme durable, par Jean-Michel Perron
Le partage et la transparence en tourisme durable, valeurs omniprésentes en pandémie, sont maintenant remplacés par l’avidité et le corporatisme de certains.
Une nouvelle «business» du tourisme durable au Québec s’active autour des millions de dollars en subventions publiques: outils, plans stratégiques, formations, attestations... Consultants, start-ups et universités baignent dans l’abondance. Ça développe de tout bord, tout côté, mais souvent sans se concerter. Vous connaissez l’expression «poule pas de tête»? Bientôt, on aura 8 différentes séries de formations en tourisme durable, une trentaine de plans associatifs et sectoriels et un paquet d’outils plus ou moins crédibles scientifiquement. Un exemple parmi d’autres?
De multiples outils «bilan carbone» (GES) des entreprises s’offrent gratuitement ou à grands frais, selon des normes de calcul fort différentes: en France, c’est obligatoire depuis le 1er janvier dernier pour les entreprises de 500 employés et plus et au Canada, dès le 1er avril prochain, les principaux fournisseurs du gouvernement devront présenter leur bilan carbone avec des objectifs de réduction. Tôt ou tard, toutes les PMEs devront le produire. En n’uniformisant pas les standards de l’outil comme en France et en Allemagne; actuellement au Québec, une entreprise touristique grande émettrice de GES présente un bilan faible avec un outil complaisant faisant ainsi de l’écoblanchiment et une PME à faibles émissions réelles, en appliquant des standards scientifiques crédibles, a une empreinte carbone plus élevée… Tout à fait injuste de pénaliser les entreprises plus responsables !
En Allemagne, en Suisse et en Autriche, l’industrie touristique a statué que la première étape décisive vers la neutralité climatique est la transparence : les offres de voyage doivent être comparables en termes d'impact sur le climat, donnant ainsi aux voyageurs la possibilité de choisir un voyage plus respectueux du climat. Pour atteindre cet objectif, le partenariat "KlimaLink" dirigé par Futouris et l'Association allemande du voyage (DRV) a été créé pour développer une norme commune de calcul des émissions afin d'établir une plateforme informatique fournissant des données d'émission cohérentes pour l'industrie et les voyageurs. Elle sera en ligne en 2024. Sur la base de ces données, les empreintes carbones des produits de voyage seront largement affichées sur les points de vente, permettant aux agences d'offrir des conseils compétents et aux clients de choisir des options respectueuses du climat.
Dans le cadre de notre mandat (8 conseillères en tourisme durable et moi) avec 20 entreprises touristiques autochtones — le programme SHIPEKU DE TAQ — nous testerons, au cours des prochaines semaines, un nouvel outil bilan carbone touristique développé selon des normes scientifiques élevées en collaboration avec les spécialistes de la Chaire en éco-conseil de l’UQAC. Financé par TDQ, AEQ et moi-même, il sera gratuit pour toutes les organisations et les entreprises du Québec. Objectif ? Rendre autonomes les PMEs et s’engager sérieusement dans la transition durable. Pourquoi gratuit ? Parce que la majorité des entreprises touristiques de la planète, selon un sondage international récent de l’OMT, ne feront pas leur bilan carbone s’ils doivent payer pour…
D’autres outils essentiels et conviviaux sont en développement actuellement ou le seront sous peu. Ils sont tout aussi incontournables et crédibles (un «vrai» tableau de bord, un répertoire en économie circulaire, un outil de caractérisation, de calcul de capacité de support et de gestion des flux touristiques), complémentaires au Parcours en 7 étapes, développé par TDQ et aux certifications en tourisme internationales. J’en parlerai plus en détail ce printemps. Geneviève Turner, de Tourisme durable Québec, joue un rôle important de mise en contact avec tous ceux et celles qui veulent se concerter, cocréer et coopérer en durabilité…
Et aux donneurs d’ouvrage, une suggestion : pouvez-vous exiger des consultants/développeurs…
- D’éviter les doublons en regardant ce qui se fait déjà et en collaborant avec d’autres projets similaires pour aboutir à une solution nationale permettant les comparaisons entre les entreprises, puisque l’outil sera similaire, ou à tout le moins sur les mêmes bases scientifiques;
- De se baser sur la science et les meilleures pratiques de l’industrie touristique mondiale;
- De partager les résultats et les outils afin de les rendre accessibles à un maximum d’organisations pour accélérer notre transition durable.
Avec ces millions de dollars épargnés, créons/bonifions un fonds pour soutenir directement les entreprises dans leur conversion vers plus de durabilité (équipements et matériaux verts, GMR, processus, etc.).
Être dans l’action, certes ! Mais peut-on viser la performance pour le Québec touristique durable?
Jean-Michel Perron
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