Olivier Marcoux – Condamné à réussir, par Jean-Michel Perron
Entrevue avec le pionnier du motorisé électrique, Bromont Campervan
Récipiendaire d'un Prix excellence tourisme 2023 (catégorie communication-marketing – Campagne Électrification de la vanlife)
Je ne connaissais pas Olivier. Je sais, dès les premières minutes de l’entrevue, que j’ai en face de moi un vrai entrepreneur. Extraverti, avec une passion assumée, supportée par un sens inné de la mise en marché et des communications. Voir dans cette vidéo le coup de maître d’asseoir dans son e-campeur, en une même année, le ministre Fitzgibbon, le premier ministre Trudeau et le maire Marchand! Qui dit mieux? Sans compter sa participation à l’émission « Les Dragons » de Radio-Canada.
Premier ministre Trudeau et ministre Champagne en visite
Ça décrit bien un vrai ambassadeur du tourisme, Monsieur « dynamo touristique », administrateur de son ATR et bénévole pour plusieurs causes.
Parle-nous de ton parcours !
Bac en économie à l’UQÀM. Mon premier emploi pour la firme CAE m’a permis de beaucoup voyager. J’ai enseigné le ski au Japon, traversé le Canada à vélo. En 2016, j’ai travaillé pour les Jeux du Québec à Montréal avec 5000 athlètes et 1000 bénévoles. En campeur dans l’Ouest canadien, dont une saison complète à Revelstoke et en route ensuite pour Baja California, j’apprends alors que je vais être père. Avec un enfant, on peut continuer à tripper, mais je décide de revenir au Québec, responsable 1 hiver de l’école de glisse du Massif.
Par la suite, pour Go Van, la référence de la communauté de « van life », à titre de développeur de partenariat d’image de marque. Avec la COVID, un 2e enfant nous questionne, ma conjointe et moi, et on se convainc de déménager à Bromont, proche de la famille et avec les montagnes, la nature et le ski, qui m’intéressait toujours. Avec la fin de la PCU, ma participation au programme de soutien des travailleurs autonomes (STA) du CLD Brome Missisquoi a été la pierre angulaire pour me partir à mon compte avec Bromont Campervan. Même si avec 2 enfants, je ne souhaitais pas prendre trop de risques.
Dès 2021, nous avions 7 véhicules à essence en location, et à partir du 28 août, la frontière s’ouvre. Les clients européens arrivent par dizaines et on réalise que notre offre est très appréciée par les gens d’ici et d’ailleurs. En 2022, ce sont 10 véhicules à essence qui ont parcouru 250 000 kilomètres à 15 litres/100 km. Je me voyais mal léguer cette entreprise à mes enfants avec une centaine de « trucks à gaz »! Je me suis dit que j’avais une responsabilité et dès septembre de 2022, après 4 mois d’attente imprévus, j’avais mon premier motorisé électrique. Tout de suite, j’ai senti énormément d’intérêt de la part des médias et des magazines spécialisés. Nous sommes les seuls en Amérique du Nord et il n’y a que 7 compagnies dans le monde offrant en location des motorisés électriques.
Quelle est votre offre de services?
En 2023, nous offrions 16 véhicules (principalement des motorisés de classe B avec la base du Ford Transit que l’on transforme), dont 2 électriques et 1 opérable en 4 saisons. Les e-campeur ont une autonomie de 200 km (voir note 1); ça peut paraître peu, mais il faut savoir que les Européens ne veulent pas faire de longues distances. Et c’est quoi une des tendances en tourisme? Le tourisme lent.
Le coût de location d’un Classe B électrique est de 280$/jour. 75% de notre flotte se loue en moyenne pour une durée de 14 jours chaque fois et 100% sont loués de la mi-mai à la fin octobre, en direct auprès des clients. Fait intéressant, grâce aux subventions pour les véhicules électriques, le coût de location est le même pour un campeur électrique que pour un campeur à essence.
Pour 2024, nous anticipons 9 e-campeurs électriques si notre campagne de sociofinancement fonctionne comme prévu avec La Ruche. C’est la plus grande campagne de sociofinancement jamais créée sur cette plateforme. Ceci nous permettrait d’opérer la plus grande flotte de véhicules dédiés à ce type de projet.
Et l’origine de vos clients?
70% d’Europe (France, Belges, Suisse), les autres Québécois. Il est toujours agréable de voir que les Européens trouvent notre électricité si peu chère. De plus, leur réalité face à la crise climatique est un peu plus affectée que la nôtre. Ils prennent donc conscience davantage de leurs choix de consommation et sont enclins à modifier leurs comportements tranquillement vers des alternatives plus en adéquation avec leurs valeurs.
Quelle est ta vision, pour ton entreprise?
J’aimerais me concentrer sur le développement de notre offre. Je vise que d’ici 12 à 24 mois, mon entreprise ne dépende pas que de ma seule personne. Je souhaite que Bromont Campervan devienne pérenne.
Je rêve de partir d’autres entreprises, comme par exemple une antenne en Europe. On discute présentement avec OTL Open Tourisme Lab en Occitanie à ce sujet.
Je remarque que nous sommes privilégiés ici, au Québec (électricité verte à faible coût, régions touristiques variées, accueil fort...). À part les motorisés, la motoneige électrique, le vélo électrique et le bateau électrique ont chacun leur fort potentiel de développement touristique.
Il faut être ouverts également aux nouvelles tendances, dont le partage, incluant pour les véhicules motorisés la plateforme Swap the Road.
Qu’est-ce qui te motive dans la vie?
Sortir les gens de leur zone de confort… faire des choses différentes avec des impacts moins négatifs pour l’environnement, mais je ne veux pas, non plus, donner de leçons aux gens. Personnellement, je veux surtout lier ma passion pour le plein air et les activités de mon entreprise. Organiser des événements, être un acteur omniprésent dans le monde du tourisme afin de porter des projets qui ont une incidence sur l’image de marque du Québec touristique. Que les gens qui pensent à un voyage au Québec ne se posent même pas la question lorsqu’ils viennent nous voir: c’est LA chose à faire pour une découverte réussie de notre belle province où ils pourront dire ‘’Je me souviens’’.
Je te laisse imaginer: un système de partage de véhicule comme Communauto, mais pour le tourisme. 500 unités + à travers le Québec, toutes alimentées de manière responsable.
L’avenir est-il dans le transport solo en tourisme ou en commun?
Lorsqu’on vend le Québec à l’étranger avec tous les attraits à faire partout à travers la province, est-ce rendre service aux visiteurs et à notre planète? Moi je ferais idéalement des voyages dans un périmètre de 300 à 400 km avec transport en commun interurbain et rendu à destination, comme pour Communauto, offrir des motorisés locatifs électriques dans ces régions.
L’exemple qu’on vit avec des clients qui louent des vans pour faire la péninsule gaspésienne ou se rendre à Natashquan est quant à moi un peu dépassé. On peut faire mieux pour s’aligner avec toutes les intentions du MTO et être conséquent avec nos objectifs de minimiser notre impact tout en incluant des solutions pour les zones touristiques éloignées. Je ne dis pas qu’il faut arrêter de faire voyager les gens dans ces régions, loin de là, mais nous pensons qu’une distance moindre et d’augmenter la visite d’attraits est plus pertinent pour que l’expérience soit davantage mémorable. Le dépaysement que procurent les grands espaces n’implique pas nécessairement de faire 2000 à 3000 km en deux semaines.
Pourquoi, à ton avis, as-tu remporté un Prix excellence tourisme dans la même catégorie que la Sépaq et Tremblant? (encore une fois bravo!)
À cet effet, je souhaite remercier le MT Lab pour m’avoir appuyé, car ç’a été l’élément déclencheur de notre projet électrique. C’est incroyable ce qu’on a fait en 1 an et sans eux, je ne serais clairement pas rendu où j’en suis aujourd’hui. Il fallait que des gens croient en nous et il n’y a rien de plus gratifiant. On souhaite être acteur de changement et ça devient alors plus grand que nous… et que notre compte en banque!
Les retombées médiatiques de la dernière année étaient bien au-delà de ce que je pouvais imaginer. Nous avons été portés par un élan de supporteurs, de néophytes et d’acteurs engagés qui, à leur manière, nous ont appuyés à véhiculer un message qui va bien au-delà d’une location de voiture, mais d’une expérience touristique québécoise qui fait rêver plus d’une association touristique outremer.
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Conclusion
Une personne authentique, dynamique et innovante qui agit pour le bien de sa compagnie, de sa famille, de sa région et pour aussi la planète. Amenez-en des Olivier en tourisme. Je n’ai pas de doutes que ses capacités de développeur pourront servir à mettre en place une offre touristique unique pour le Québec en entier. Allez! Vers l’infini et plus loin encore.
Jean-Michel Perron
PAR Conseils
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Note 1 : « Il faut bien l’avouer, l’autonomie est le nerf de la guerre. Selon une étude de Winnebago, un rayon d’action de 200 kilomètres conviendrait à 54% des propriétaires de VR, surtout habitués aux courtes distances. Bref, si le VR électrique n’est pas fait pour les amateurs de longs périples, il convient plutôt bien aux adeptes du tourisme dit « lent ». » – Magazine Camping Caravaning, mai 2023
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