ENTREVUE: Julie Roussel, la passionnée du tourisme durable, par Jean-Michel Perron
Elle parle et s’active avec aise et conviction comme une vétérane, alors que ça ne fait que 6 mois qu’elle œuvre dans notre secteur à titre de conseillère en tourisme durable à ÉAQ. Julie fait ainsi partie de la 1re génération d’employés en tourisme dédiés spécifiquement à la durabilité comme Neal Millet-Haydock chez Tourisme Charlevoix ou Fanny Beaulieu-Cormier à Tourisme Montréal. Le pionnier au Québec étant Hugues Sansregret de la SÉPAQ…
Entrevue avec une convaincue de pouvoir changer le monde un pas à la fois.
JMP — Qu’est-ce qui t’a amenée à t’impliquer professionnellement dans le volet durable du tourisme? Tes motivations?
JR – Avec mes études en géographie et en sciences de l’environnement, j’ai fait mes premiers stages en gestion de l’environnement urbain. Le tourisme me permet de m’amuser tout en travaillant… je suis trop heureuse et le développement durable, ça fait partie de moi. C’est la même chose dans ma vie personnelle qu’au travail. Ce n’est pas évident, les enjeux rattachés à la durabilité, mais je vois toujours le positif. Ainsi, on ne doit pas que viser le « Zéro déchet », si 40% ou 50% de réduction est atteint, c’est très correct ! Je carbure aux projets, je suis dans l’action, car je veux avoir un impact positif.
JMP — Comment s’articule l’approche durable à l’interne, chez ÉAQ, et quel rôle y joues-tu?
Premièrement, ils ont créé un poste de chargé de projet sur le mandat du transport actif et collectif qui s’élargit maintenant sur d’autres volets de la durabilité. Actuellement, il consiste à coordonner les approches de durabilité qui sont transversales touchant autant — par exemple — le développement de l’offre, que le marketing.
Une politique de développement durable pour notre organisation à l’interne se met en place cette année et lors du dernier congrès, il y avait aussi un atelier, un panel et une conférence spécifiques sur le sujet.
Nous travaillons actuellement, entre autres, sur un guide relatif aux crédits carbone et la compensation carbone ainsi que sur deux outils : un tableau de bord avec indicateurs de performance pour les entreprises touristiques, ainsi qu’un répertoire des fournisseurs de produits et de services qui s’inscrivent dans l’économie circulaire.
ÉAQ avait mis dans son plan stratégique 2022-2025 le déploiement d’expertises pour le DD. En septembre dernier, on a obtenu un mandat de 3 ans relatif au transport actif et collectif (projets innovants pour les festivals) avec les volets suivants :
- Accompagnement de projets spécifiques
- Sensibilisation
- Comparables en mobilité durable à l’international tenant compte de notre hiver et du support gouvernemental (rapport d’étape livré à l’été 2023)
JMP — Sens-tu un réel intérêt de vos membres à se transformer durablement?
JR — Les PMEs n’ont pas eu le temps de se poser la question. C’est le gouvernement qui en parle et la plupart de nos membres se sont retrouvés au pied du mur pour agir dans un contexte de changements majeurs, accélérés par la pandémie. Ils ont été ainsi un peu bousculés par les multiples enjeux actuels rattachés à la gestion de leurs entreprises, avec peu de ressource humaine pour les accompagner dans la transition durable. Mais en tourisme, il n’y a pas de réfractaires à l’idée de devenir durable, ils sont ouverts et des fois, faut le dire, n’ont pas le choix. avec les critères durables exigés par des commanditaires.
JMP — Quels sont les principaux enjeux à considérer pour réussir — à titre d’AT représentant des centaines d’entreprises — notre transition durable en tourisme?
JR —
- Il faut absolument considérer les réalités individuelles (pas du mur-à-mur) avec leurs priorités différentes. Comme ATS, il faut trouver une façon d’influencer avec un tronc commun….il nous faut adapter le discours selon l’avancement de chacune des PMEs;
- La démarche se fait dans un contexte de compétition entre PMEs (ex : pour le financement, les clients), mais le tourisme durable, ce n’est pas ça la finalité….il faut être dans un esprit de partage et altruistes, car nous avons tout à gagner de collaborer ensemble à sauver notre planète.
JMP — Est-ce le coût rattaché à des actions durables peut être un frein à la transition des entreprises
JR — Oui et non. Il y a certainement cette perception (ex. : acheter local coûte plus cher). J’ai l’impression que les gens ont l’argent, mais il faut qu’ils répartissent autrement leur budget d’opération et de développement… Le développement durable vient avec un changement de mentalité. Et surtout, ça ne peut pas être fait du jour au lendemain. Donc c'est normal que la perception actuelle est qu'il y a un frein financier à la transition durable, car c'est certain que si les entreprises changent du tout au tout en même temps, ça va leur coûter plus cher. Je n’ai pas encore d’études à citer, mais dans la littérature scientifique, c'est de plus en plus évident que la durabilité est rentable.
Vélos-taxis de Festivoix, source : festivoix.com/fr/blogue/prepare-ta-viree-au-festivoix
JMP — En terminant, Julie, peux-tu nous donner des exemples d’actions durables effectuées par certains de vos membres?
JR — D’entrée de jeux, je tiens à préciser que l’important, ce n’est pas la grandeur du pas vers la transition durable qui compte, mais l’addition de tous les petits pas que tous ensemble nous pouvons faire, qui vont faire une différence ! Alors voici quelques exemples que j’ai découverts depuis mon arrivée :
Igloofest et Piknic Électronik : dévoilement sans conférence de presse pour réduire l’empreinte écologique
Festivoix : vélos-taxis pour le déplacement entre les scènes et que ces vélos soient utilisés pour plein d’autres choses durant l’année (vélos cargos, vélos bibliothèques, vélo eau, vélo vidéo publicitaire, vélo livraison)
Contact Nature : que leur mission même est à la fois de protéger les milieux naturels, tout en ayant une finalité récréotouristique
Carnaval de Québec : l’effigie de cette année est faite de tubulures d’érablières québécoises recyclées, que j’ai vues sur le terrain quand je suis allée les visiter dans le cadre du projet sur les bonnes pratiques en matière de carboneutralité dans les festivals et événements
Festival M.A.D : plusieurs initiatives d’inclusivité (#dresstoexpress, vêtements de designers autochtones mis de l’avant, casting publique sans critère de sélection physique), ils cherchent vraiment à rendre le monde de la mode accessible à tous et ils suivent présentement la formation MEPS pour améliorer encore plus leurs pratiques sociales.
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Merci Julie. Passion, conviction, partage : tes valeurs représentent un atout certain pour notre tourisme.
Jean-Michel Perron
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