TikTok : Stop… ou, encore?, par Frédéric Gonzalo
Vous excuserez la référence à ce vieux hit des années 80 de l’artiste belge Plastic Bertrand, mais elle était trop facile. Bon alors, on fait quoi avec TikTok? On largue tout ça là par crainte d’espionnage industriel de la part du gouvernement chinois? Prenons notre gaz égal, et deux pas de recul, si vous le voulez bien, pour tenter de bien comprendre le contexte.
La genèse de cette hystérie histoire
TikTok est sous les feux de la critique depuis quelque temps déjà. Aux États-Unis, Donald Trump n’avait pas apprécié s’être « fait avoir » lorsque des milliers d’utilisateurs de TikTok en Corée du Sud s’étaient procurés des places bidon lors de rassemblements populaires durant la campagne électorale de 2020, créant des salles vides faisant mal paraitre le président. TikTok avait d’ailleurs été menacée d’être bannie (et demeure sous vigilance étroite) par les législateurs américains, sans succès.
Un événement de campagne pour le camp républicain, en 2020, victime d’une action concertée par des utilisateurs coréens de TikTok
Au Canada, alors qu’on apprend des cas d’ingérence chinoise dans le processus électoral fédéral au cours des dernières années et que le NORAD fait éclater des ballons chinois dans le ciel… quel hasard, le gouvernement décide également de serrer la vis à TikTok en demandant de retirer l’application des téléphones de tout employé, politiciens et députés!
C’est dans la foulée de cette décision que le gouvernement québécois de François Legault a décidé de faire de même, décision qui fait tache d’encre depuis : Hydro-Québec, Caisse Desjardins, les établissements d’enseignement (universités, cégeps), organismes municipaux et OBNL, etc.
Que reproche-t-on à TikTok?
Car voilà, contrairement à Meta (Facebook, Instagram, Messenger, WhatsApp), Twitter ou Linkedin par exemple, TikTok est la seule plateforme majeure qui n’est pas propriété américaine. Elle appartient à l’entreprise chinoise ByteDance, qui a aussi popularisé Douyin, l’équivalent de TikTok en chinois.
Si on se dit les vraies affaires, c’est son principal défaut, et celui qu’on nomme à peine dans le débat actuel : il s’agit d’une entreprise chinoise! L’enjeu est donc politique, d’abord et avant tout.
D’un point de vue technique, on nous dit que TikTok peut colliger énormément d’informations au sujet de ses utilisateurs, ce qui peut mener à un potentiel de risque élevé pour influencer, à travers les contenus. On parle d’informations liées à nos intérêts, comportements, déplacements géographiques, etc. Bref, que cette information, une fois entre les mains de décideurs et gouvernements étrangers (la Chine), pourrait représenter un risque important de sécurité.
Vous savez quoi? C’est tout à fait vrai! Mais c’est tout aussi vrai pour Facebook, Instagram, Twitter, Linkedin, Pinterest et j’en passe! TOUTES ces plateformes procurent des mines de données qui peuvent par la suite influencer, via l’algorithme de leur plateforme respective, les utilisateurs.
« Oui mais une entreprise américaine, c’est mieux qu’une entreprise chinoise »
J’ai lu et entendu cet argument la semaine dernière à quelques reprises. Je cherche encore à savoir en quoi ce serait mieux avec une entreprise américaine. Vous saviez que Facebook a été trouvée coupable de participer à influencer le cours d’élections à travers le monde, dont les élections américaines en 2016? C’était d’ailleurs le sujet d’un documentaire fascinant et pertinent toujours disponible sur Netflix, si la chose vous intéresse!
Le documentaire « L’affaire Cambridge Analytica », disponible sur la plateforme Netflix
Et vous pensez que Elon Musk, nouveau propriétaire de Twitter, va se plier allègrement aux demandes des différents législateurs?
Permettez que je rappelle que Linkedin, maintenant propriété de Microsoft depuis 2016, a été victime à quelques reprises de vols de base de données. On parle de millions d’utilisateurs dont les données se sont retrouvées entre les mains de malfrats, données qui ont été aperçues dans le dark web, tout comme celles dérobées à Desjardins il y a peu de temps.
Permettez aussi que je vous pose une question toute simple. Avez-vous Google Maps sur votre téléphone mobile? Ou encore l’application MétéoMédia? Ces deux applications mobiles collectent énormément d’information géolocalisée sur votre compte, très souvent sans que vous vous en rendiez compte.
Bref, si on voulait être cohérent avec le mouvement de panique actuel, ce n’est pas que TikTok que l’on devrait désinstaller de nos téléphones mobiles. Ce sont TOUTES les applications de réseaux sociaux, de même que Google Maps, MétéoMédia et plusieurs autres!
Oui, mais, TikTok peut lire nos courriels, non?
Le dernier argument qui circule beaucoup est certainement celui qui frappe le plus l’imaginaire. Et potentiellement le plus dangereux. Certaines sources avancent que l’application TikTok pourrait avoir une porte de sortie (une back door), un peu comme un cheval de Troie, qui ferait en sorte que lors de l’installation sur votre téléphone, il y aurait alors moyen d’accéder à d’autres applications de votre appareil. Dont les courriels, bien sûr.
C’est sur cette dernière prémisse que les récentes décisions gouvernementales de bannir l’application ont été prises. Or, il importe de le préciser, aucune preuve ne supporte cette théorie pour l’instant. Le ministre québécois Éric Caire l’a même réitéré récemment, disant que la décision était prise « à titre préventif ».
Devrait-on quitter TikTok, en tant qu’entreprise touristique?
J’y arrive enfin. La réponse est assez simple : NON.
Après tout, ce sont près de 26% des consommateurs canadiens qui s’y trouvent, une proportion qui s’élève à près de 68% quand on regarde les utilisateurs de moins de 30 ans! TikTok est ainsi devenue une plateforme mainstream, incontournable, pour atteindre les voyageurs, en particulier les plus jeunes.
Lire aussi : Le passage à l’âge adulte pour TikTok
Plus important encore, il importe de faire la différence entredeux décisions, soit « avoir une présence d’entreprise sur TikTok » et « avoir TikTok sur son téléphone mobile d’entreprise ».
Vous pouvez très certainement maintenir une présence pour votre destination, restaurant, hôtel ou attrait sur la plateforme TikTok, par l’entremise de publications régulières, de la publicité ou des partenariats avec des influenceurs. La pertinence de la plateforme demeure, envers et malgré tout, surtout chez les jeunes consommateurs.
Par contre, par mesure de sécurité si vous décidez de retirer l’application de votre téléphone mobile, ainsi que sur l’ensemble des téléphones de vos employés et/ou fournisseurs, la décision vous appartient et s’aligne avec la précaution préconisée par nos élus en ce moment.
Assurez-vous néanmoins de ne pas confondre ces deux décisions!
Frédéric Gonzalo est consultant et conférencier, spécialiste en marketing numérique. Il collabore à TourismExpress depuis 2012. Cette chronique « Tourisme et marketing numérique » est publiée à toutes les deux semaines. Questions? Suggestions de sujets? Contactez-le directement à frederic@gonzomarketing.biz.
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