Tourisme québécois : bonifions et déclinons stratégiquement nos actions durables, par Jean-Michel Perron

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Tourisme durable à Unamen Shipu : homard frais, culture autochtone millénaire et transformation du site touristique, de l’essence au solaire en mai 2022

A. CONSTAT

Pour débuter, permettez-moi un bilan intérimaire suite au dépôt, à l’hiver 2021, du Plan d’action pour un tourisme responsable et durable 2020-2025 de Tourisme Québec.

Le chemin parcouru est énorme depuis février 2021 :

  • SUPER : Le gouvernement du Québec dépose son plan d’action en tourisme durable (TD) en février 2021 avec une enveloppe à faire percoler dans différents programmes
  • SUPER : Tourisme Québec commence à intégrer des critères écoresponsables dans ses programmes réguliers (approche dite de la «carotte», il ne faudra pas oublier celle aussi du «bâton», c’est-à-dire des contraintes/pénalités à ne pas agir durablement, sur le modèle des politiques de l’Union européenne)
  • SUPER, MAIS ON SAUTE ICI DES ÉTAPES : Avec le 22 M$ annoncé récemment (enveloppe PATRD) portant sur l’adaptation aux changements climatiques, au soutien aux actions concertées et le Plan montagne 4 saisons, tout ça est logique et bienvenue, mais il manque les étapes essentielles et non encore réalisées de DIAGNOSTIC du tourisme durable québécois (quel est l’impact GES de notre tourisme?), de l’ORIENTATION en durabilité qu’on se donne permettant au Québec de se démarquer, des OBJECTIFS concrets à atteindre collectivement et des INDICATEURS DE PERFORMANCE… On se donne les moyens d’agir, mais vers quels objectifs et comment mesurera-t-on notre évolution?
  • SUPER : L’initiative spontanée et bénévole (+ 5000 heures) de 195 leaders en tourisme durable dans Tourisme durable Québec constitue, comme organisation indépendante, une «partie prenante» de l’effort collectif (réalisations en 1 an: bilan des certifications en tourisme, Parcours durable optimal, comité scientifique, Café-Jasette, Symposium, etc.). À cet effet, on aurait dû penser les inviter à participer au panel sur le TD aux Assises, si on parle d’une démarche inclusive…
  • SUPER : La prise de conscience de tous de l’importance d’agir maintenant, qui se traduit par les plans régionaux récents en TD (Iles, Sag-Lac, Montréal et Québec) et les initiatives sectorielles (AEQ, EAQ,…)
  • SUPER : les dizaines de PMEs québécoises qui pratiquent déjà la durabilité en tourisme, il faut les célébrer encore plus!

B. SUGGESTIONS

En plus des différents chantiers essentiels à entreprendre (diagnostic GES touristique, orientation distinctive, objectifs & indicateurs de performance), il faut ajouter ceux-ci :

1. Il est URGENT de réaliser la mise en commun des ressources et des outils entre toutes les organisations en tourisme du Québec, alors que les AT enclenchent leurs actions durables. Assurons-nous de mettre en commun les fonds publics et les compétences pour créer des outils, des formations et des processus de calibre international, crédibles et optimaux. Surtout que le plan du MTO le prévoit déjà par ces mesures :

  • 4.1.2 Soutenir les initiatives de planification et de gestion durable et concertée des destinations touristiques.
  • 5.3.1 Mettre en place des mécanismes de consultation et d’échanges sur l’adaptation aux changements climatiques en collaboration avec les associations touristiques
  • 5.1.1 Soutenir la recherche et l’appropriation des connaissances par les différents acteurs du secteur touristique.

Il faut, pour ce faire, désigner, afin de coordonner toutes ces actions et ces efforts, une entité distinctive à outiller, et clairement mandatée par toutes les ATs. Sinon, ce sera le bordel dans les façons de faire et un gaspillage d’argent éhonté… Ce qui ne doit pas décourager la création individuelle, basée sur la réalité géographique ou sectorielle, de plans en transition durable. Car il n’y a pas de durabilité si ça ne part pas du milieu, de la base.

2. Recommandations claires sur les CERTIFICATIONS crédibles en TD pour les secteurs touristiques et en parallèle, considérer une certification nationale permettant aux visiteurs de rapidement reconnaître une expérience vraiment durable (réf : le modèle finlandais).

3. Réaliser une veille stratégique sur les innovations durables des destinations touristiques internationales afin de nourrir/questionner toutes les actions québécoises en TD.

4. Éviter l’écoblanchiment. Le risque est élevé de faire, volontairement ou pas, des actions qui paraissent durables, mais qui en réalité nous éloignent d’une contribution optimale à l’atténuation des changements climatiques.

Il faut mettre à profit le comité scientifique de Tourisme durable Québec, qui regroupe 5 sommités, le tout présidé par Claude Villeneuve, l’une des sommités mondiales en écologie… Ce comité doit être la caution morale et la crédibilité de notre démarche collective.

5. Ecomarketing du Québec : lorsque nous innovons en tourisme durable, utilisons nos bons coups (entreprises privées ou organisations) comme contenus promotionnels, au même titre que des expériences touristiques mémorables. L’outil commun et unique de compensation carbone pour les destinations commandé par Destination Québec cité et partagé avec Tourisme Montréal est un bel exemple à diffuser, qui participe ainsi à donner au monde l’image d’un Québec innovant et durable.

C. DEUX CHANTIERS SPÉCIFIQUES À PRIORISER

1. Le transport (couvert par l’axe 2 du Plan d’action) en tourisme représente autour de 75% de nos GES. Que ce soit pour les visiteurs ou nous-mêmes, les employés du tourisme, il faut impérativement adopter une pléiade de mesures qui vont bien au-delà de la voiture électrique et d’un réseau de bornes de recharges. À part l’avion, il nous faut une stratégie claire et innovante de transports en commun interrégionaux pour nos visiteurs, la mobilité douce rendue à destination et le partage des véhicules... Nos partenaires sont les municipalités, les communautés autochtones et les MRC. Soyons proactifs à ce chapitre afin d’être durable en 2030. Et c’est sans parler de l’erreur à venir du TGF entre Québec et Montréal; est-il trop tard pour changer ce projet pharaonique et d’une autre époque?

2. Notre biodiversité : forêt, rivières et mer. Avec les enjeux des changements climatiques et de la pollution, la perte de notre biodiversité s’accélère. La forêt québécoise représente un actif incroyable avec ses centaines de milliers de lacs et de rivières, le fleuve Saint-Laurent, sa vastitude, ses saisons marquées… mais nous la protégeons mal collectivement et son exploitation est déséquilibrée. Tout comme ce que vient de décider le tourisme français en priorisant la protection et la mise en valeur de leur biodiversité pour l’avenir durable de leur tourisme, nous devons, gens du tourisme québécois, non seulement démontrer que nos activités peuvent laisser une faible empreinte négative sur l'environnement tout en générant des retombées économiques locales importantes, mais nous devons devenir des gardiens de la forêt québécoise, acceptant, en plus d’opérer nos entreprises en nature, d’aider à conserver et à régénérer des zones naturelles beaucoup plus vastes que celles actuellement protégées. Et en passant, la biodiversité, c’est autant sur le Plateau-Mont-Royal qu’à Anticosti ou au Lac-à-l’eau-Claire, tout près de la baie d’Hudson (là où se trouvent de rares phoques d’eau douce, voir ma photo prise dans ce nouveau parc national). Et c’est surtout ne pas tuer un ours blanc égaré en Gaspésie, une espèce déclarée vulnérable depuis 2009…

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« Un pas à la fois! » dit-on pour encourager nos entreprises à adhérer à la transition durable. Certes, mais le rythme des pas – un à la fois –  doit s’accélérer, car la planète, elle, avec tous ses êtres vivants, subit notre rythme effréné de développement économique depuis la Seconde guerre mondiale, mais un rythme insouciant depuis des décennies en regard de l’environnement et se meurt ainsi, littéralement.

Jean-Michel Perron

Conseiller chez PAR Conseils 

Blogueur sur Tourte Voyageuse