Quel est l’avenir de la tarification dans les événements et attractions au Québec?, par Mohamed Reda Khomsi
Vous avez probablement lu ou entendu parler de l’annonce du Super Aqua club de Pointe-Calumet qui va introduire la tarification dynamique dès cet été pour mieux gérer l’achalandage sur le site tout au long de la saison estivale. Plus concrètement, les gestionnaires du parc souhaitent offrir des prix plus avantageux aux clients qui décideront de visiter le Super Aqua Club lorsque la météo s’annonce moins favorable. Par la même occasion, Dominic Gagnon, le PDG de l’entreprise Connect&Go qui accompagne le parc dans ce projet, souligne que contrairement à ce qui est appliqué en événementiel, l’introduction de la tarification dynamique dans le cas présent ne permettra pas d’augmenter les prix lorsque la demande est plus forte. Le prix maximum à payer sera toujours celui qui est affiché à la porte.
Source: page Facebook du Super Aqua club
État des lieux des stratégies de tarification dans les attractions au Québec
À l’exception de Super Aqua Club, très peu d’attractions au Québec ont adopté des stratégies de tarification dynamique pour moduler leur prix en fonction de l’achalandage. Pour le moment, la grande majorité des politiques tarifaires sont en fonction de la saison et/ou en fonction de l’âge du client. En sus, la vente en ligne demeure plus ou moins modeste dans la mesure où il n’y a pas d’incitatif financier important pour se procurer les billets à l’avance, et les politiques d’annulation sont très peu flexibles pour ceux qui souhaitent changer la date d’un billet acheté quelques jours ou quelques semaines à l’avance. À partir de là, la vente au guichet le jour même demeure importante puisque les familles, qui sont la principale clientèle de ces attractions, ne voient pas d’intérêt à réserver plus tôt et attendent d’avoir les conditions climatiques les plus favorables avant de faire le déplacement.
La situation dans d’autres pays
Les stratégies tarifaires appliquées sur le marché québécois ne sont pas très différentes de ce que nous pouvons observer dans d’autres marchés comme au Canada, aux États-Unis ou en Europe. Cela dit, l’introduction de la tarification dynamique dans ce secteur remonte à plusieurs années, voire à plus d’une décennie dans certains pays. À ce titre, Disneyland a été parmi les pionniers à mettre en place ce type de stratégie, mais d’autres attractions, de plus petite taille, ont introduit cette technique depuis quelques années et les résultats furent intéressants:
- Gulf Islands Waterpark : ce parc aquatique situé à Gulfport, deuxième plus grande ville du Mississipi, propose dès 2018 des réductions exclusives pour les clients qui achètent leur billet en ligne à l’avance. Les résultats étaient au rendez-vous puisque dès la première année de la mise en place de cette nouvelle stratégie, les ventes en ligne ont augmenté de 21% et le montant du panier d’achats moyen a augmenté de 5$;
- Le Parc Astérix : ce parc situé à Plailly dans l’Oise (Nord de la France) propose une tarification modulable en fonction de la flexibilité associée à chaque billet. À titre d’exemple, un billet non daté pour un adulte et réservable jusqu’à la veille de la visite coute 59 euros alors qu’un billet daté et réservé au minimum 7 jours avant la visite coute 51 euros soit 13% moins cher;
- Le zoo d’Indianapolis propose depuis plusieurs années aux clients qui réservent en ligne un code de couleur pour les orienter dans leur choix. Pour des journées, où l’achalandage attendu est très important, une couleur orange foncé indique que le prix sera plus élevé, parfois même de 50%, que celui des autres dates. Pour la première année du lancement de cette nouvelle stratégie, les ventes du zoo ont augmenté de 12%.
Source: page Facebook du Parc Astérix
Pourquoi la tarification dynamique est « un mal » nécessaire
Il existe plusieurs raisons (pénurie de main-d’œuvre, optimisation des coûts, réduction du gaspillage alimentaire…etc.) qui militent pour que nos attractions adoptent de plus en plus cette stratégie, néanmoins, la plus importante à nos yeux concerne la dépendance à la météo. En fait, dans un contexte où les changements climatiques vont de plus en plus marquer nos saisons, les attractions québécoises doivent trouver des solutions pour réduire leur dépendance vis-à-vis de cette variable. Un article publié sur TourismExpress il y a presque 10 ans démontrait, à la suite d’un sondage administré par ÉAQ (anciennement SATQ-FEQ) auprès de 3 000 Québécois, que la météo est un facteur d’influence (66,3%) aussi important que la qualité du produit (76,6%). Imaginez ce que seront les résultats aujourd’hui à la lumière des différents phénomènes météorologiques que nous avons vécus dans les dernières années. Pour faire face à cette situation, les attractions peuvent recourir à des technologies propulsées par de l’intelligence artificielle et qui permettraient d’appliquer une stratégie tarifaire adaptée à leurs réalités. Reste à voir si les gestionnaires sont prêts à faire le saut, mais des initiatives comme celle du Super Aqua Club pourraient encourager d’autres attractions à lui emboiter le pas.
Création d’un observatoire EAQ - ESG UQAM sur l’innovation des pratiques tarifaires en attraction et événementiel
Tenant compte de ce qui précède et dans l’objectif de partager des données pertinentes sur les stratégies de tarification avec les attractions et festivals membres d’ÉAQ, Événements Attractions Québec a lancé, en collaboration avec le Groupe de recherche et d’intervention tourisme, territoire et société de l’ESG UQÀM que je représente en tant que chercheur, un projet d’observatoire sur l’innovation tarifaire dans les attractions et les festivals soutenu par le ministère du Tourisme. La mission principale de cet observatoire consiste à surveiller, approfondir et élaborer de nouveaux outils et de nouvelles stratégies en matière d’innovation afin de rendre l’industrie de l’événementiel et des attractions du Québec plus innovante et compétitive.
Plus concrètement, l’observatoire va récolter dans un premier temps des données de tarification des différentes attractions et festivals afin de capter l’évolution des stratégies tarifaires des membres tout au long de la saison. Par la suite, l’observatoire compte identifier les tendances, les pratiques et l’offre de financement dans l’industrie de l’événementiel et des attractions au Canada et à travers le monde dans l’objectif toujours de nourrir la réflexion des festivals, événements et attractions touristiques dans la mise en place d’une stratégie tarifaire efficace et efficiente.
Les premiers résultats de recherche de l’observatoire devraient être partagés auprès des membres au cours de l’hiver 2024.
Mohamed Reda Khomsi Ph.D
Professeur I Directeur des cycles supérieurs en tourisme
Département d’études urbaines et touristiques
École des sciences de la gestion
Université du Québec à Montréal
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