Entrevue avec Pierre Bellerose – Retour sur SxSW 2022: événement phare du métavers
South by Southwest (SxSW) à Austin, au Texas, est le rendez-vous annuel pour connaître les tendances en interactif, en cinéma et en musique. On estime à 60 000 le nombre total de participants, dont 30 000 uniquement pour le volet « conférence Interactif ».
Pierre Bellerose y était. Il est président des Conseils d’administration de MT Lab, de Hub Montréal et de M pour Montréal, et a pris part à la Mission d’Investissement Québec à SxSW 2022, présidée par le ministre Pierre Fitzgibbon en mars dernier.
« L’immersif et l’interactif étaient bien sûr de toutes les discussions, mais le sujet de l’heure, c’était bel et bien le métavers ». Pierre Bellerose fait ci-dessous un retour sur ses découvertes.
Vous avez participé à SXSW avec une importante délégation québécoise qui regroupait des joueurs majeurs de l’industrie de l’immersif et du divertissement. Pourquoi c’était important d’être à Austin cette année?
Pierre Bellerose : « J’avais déjà participé au volet musical de SxSW en 2013. On avait créé une grosse activation promotionnelle pour faire connaître les artistes québécois et positionner Montréal comme destination musicale incontournable.
Ces dernières années, les expériences immersives ont pris beaucoup d’ampleur à SXSW. Après deux ans de COVID, on annonçait une reprise importante des conférences centrées, cette fois-ci, sur le métavers et les NFT. C’est la raison pour laquelle on s’est retrouvé à Austin avec une centaine de Québécois dont, entre autres, le Centre Phi, la SAT ou encore les 7 doigts de la main.
La redéfinition des expériences muséales faisait partie des volets importants. J’ai d’ailleurs assisté à une conférence très pertinente sur les musées du futur avec les représentants de la SAT, du Centre PHI et du fondateur de Meow Wolf.
C’était aussi l’occasion pour les Québécois de se positionner comme joueur dans cet "univers", de tirer de l’info et de créer éventuellement des alliances.
Je crois que les industries touristiques et culturelles seront grandement interpellées par cette nouvelle révolution technologique. Et quoi de mieux pour appréhender ce qui s’en vient que se baigner avec des milliers d’autres dans la grande mer du métavers en écoutant les plus grands experts et expérimenter les dernières avancées ? »
Qu’est-ce que le tourisme peut gagner avec le métavers?
Pierre Bellerose : « À Austin, on avait l’impression d’être à un moment charnière, face à l’émergence de quelque chose de complètement nouveau. J’ai senti une énergie et une fébrilité incroyables autour du métavers.
SxSW était le premier événement international depuis que Mark Zukerberg, le grand patron de Facebook, annonçait à la fin octobre 2021 que son entreprise s’appellerait désormais « Meta » comme le mot grec qui signifie « au-delà », mais, surtout, pour lancer son offensive « métavers » dérivé des mots méta et univers.
Les mondes parallèles créés dans le métavers touchent bien sûr l’industrie du divertissement et de la musique, mais ils interpellent également celle du tourisme et de la culture où le monde immersif prend déjà du galon.
Centré sur les connexions sociales dans le Web 3.0, le métavers promet de prendre des chemins très divers pour rejoindre les usagers, que ce soient des expériences de réalité virtuelle, de la réalité augmentée ou encore à travers des jeux vidéo en pleine mutation.
Pour le milieu touristique, les opportunités à moyen et long terme sont nombreuses et variées. Dans le Salon VR, j’ai pu tester des expériences à la fine pointe sélectionnées par un commissaire. À SXSW, on se retrouve comme dans une bulle pendant quelques jours. Toutes les personnes que l’on rencontre sont imprégnées du sujet, tous les projets que j’ai essayés vont aux limites du possible de l’immersif et des balbutiements du métavers. On peut dès lors imaginer à l’avenir de nouvelles approches pour les musées, les destinations, les attraits ou les événements immersifs, mais aussi pour la diffusion d’informations. »
Est-ce que le métavers ne va pas à l’encontre de l’esprit du tourisme ?
Pierre Bellerose : « Il ne faut pas penser que le métavers va empêcher les gens de voyager. Lorsque Google Image a commencé à proposer il y a plus de 15 ans des reproductions d’œuvres d’art en haute résolution, on a annoncé le déclin des musées. C’est l’inverse qui s’est passé. Les gens ont voulu voir l’œuvre en vrai. Avec le métavers, on peut penser que cela sera un peu dans la même mouvance. On va pouvoir vivre une expérience dans le monde virtuel immersif et, par la suite, avoir envie de plonger dans la réalité, sur place. »
Après votre visite à SXSW, comment visualisez-vous les changements dans le secteur du tourisme, de la culture et du divertissement?
Pierre Bellerose : « Les expériences présentées à Austin montrent bien que la fusion de l’immersif, de la musique, de l’interactivité permettent déjà d’assister à des événements avec d’autres avatars, d’avoir des échanges interactifs ou de faire de la cocréation virtuelle collective. On sent que les directeurs/directrices de création commencent à maîtriser la « bête » et qu’il est possible de présenter des histoires saisissantes avec un rendu Web 3.0.
De plus, les choses s’activent aussi dans les secteurs de la mode, des festivals ou encore de l’art visuel.
Pour le tourisme d’affaires, on peut imaginer créer un métavers complet dans lequel des petits groupes vont pouvoir s’immerger. Les propositions hybrides métavers/présentiel vont un jour apporter une nouvelle dimension aux événements d’affaires.
Le potentiel est immense même si la technologie liée au métavers n’est pas encore à maturité. »
Où se positionne le Québec dans le métavers ?
Pierre Bellerose : « Ça fait longtemps qu’au Québec, on s’intéresse aux expériences immersives. Des joueurs comme le Centre PHI ou la Société des arts technologiques (SAT) font du travail de pionnier au niveau de l’immersif et/ou du métavers. À Montréal, on retrouve une concentration d’actions pertinentes pour s’investir collectivement dans cette nouvelle vague technologique. Qu’on pense à l’industrie des jeux vidéo, l’intelligence artificielle, le bassin de créateurs numériques, d’artistes immersifs, de scénaristes… L’environnement technologique avec la 5G ouvre de nouvelles possibilités. Le mouvement s’accélère et notre milieu créatif est prêt. Toutes les étoiles et tous les joueurs sont enlignés. Montréal et le Québec ont le potentiel de devenir un des pôles mondiaux pour bien se positionner dans le métavers. Cette année, je l’ai bien senti à SxSW. »
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