Mobilité en événementiel: à l'aube de 2020, où en sommes-nous?

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Voici un nouveau billet d'une série proposée par l'Association des professionnels de congrès du Québec (APCQ). Cette association touristique sectorielle participe à la croissance du tourisme d'affaires au Québec en favorisant les alliances entre les intervenants du milieu, en développant la connaissance stratégique et en générant des occasions d'affaires pour l'industrie du tourisme.

Un milliard de personnes vivent avec une forme de handicap, ce qui représente environ 15 % de la population mondiale. Selon le Rapport mondial sur le handicap[1], le nombre de personnes handicapées ne fait qu'augmenter. En effet, la population vieillit et les personnes âgées ont un risque plus élevé de développer une forme d'invalidité. Des facteurs environnementaux, tels que les accidents de la route, les catastrophes naturelles et divers conflits mondiaux contribuent également à l'augmentation de l'invalidité. Pourtant, bien qu'elles représentent «la plus grande minorité du monde», les personnes vivant avec un handicap sont souvent oubliées et leurs besoins, souvent négligés. Si cette affirmation est véritable dans la vie de tous les jours, imaginez ce qu'il en est en tourisme d'affaires. Lorsqu'on organise un événement, à petite ou grande échelle, les probabilités qu'au moins une personne vivant avec un handicap soit présente sont immenses et quasi garanties. Pourtant, les personnes à mobilité réduite ou qui présentent des limitations physiques sont la plupart du temps négligées et oubliées lors de l'organisation d'un événement. Quel est l'impact d'une telle situation pour les acteurs de l'industrie ? Et pour les personnes touchées ?

Isabelle Ducharme, présidente du C.A. de Kéroul

Isabelle Ducharme, présidente du C.A de Kéroul, un organisme à but non lucratif dont les actions visent à rendre le tourisme et la culture accessibles aux personnes à capacités physiques restreintes, est d'avis que «la question est loin d'être simple.»

«C'est complexe et pas tout à fait encore compris, la notion de mobilité et d'accessibilité en tourisme d'affaires, explique-t-elle. Disons que ce n'est pas un automatisme pour les organisateurs d'événements de réfléchir à nos besoins, et ce sont encore des démarches supplémentaires pour la personne qui vit avec un handicap et ce, qu'elle soit présente dans la salle ou qu'elle participe en tant que panéliste.»

Mme Ducharme sait de quoi elle parle, puisqu'elle se déplace en fauteuil roulant, en plus d'offrir et de participer à de nombreuses conférences sur la mobilité, l'accessibilité et bien sûr de nombreux autres sujets entourant le tourisme.

«Pour le vivre encore assez régulièrement, les organisateurs d'événements vont peut-être penser à nous fournir une table pour prendre la parole, mais ils ne penseront pas qu'il faut qu'on s'y rende, à cette table. Parce que je suis en fauteuil roulant, je ne peux pas me déplacer dans une salle s'il y a des marches ou si cela nécessite que je doive monter sur une estrade et qu'il n'y a pas de rampe d'accès. Pour une présentation, je ne peux pas me rendre au lutrin, et souvent, pour que je ne sois pas différente des autres ou pour éviter de faire deux montages dans la salle, tous les panélistes seront assis à une table pour m'accommoder et pour rendre la situation plus homogène. Par contre, je dois le mentionner, et cela doit être réfléchi en amont pour l'organisateur.»

Du côté de l'Hôtel Château Laurier Québec, accueillir un événement, quel qu'il soit, nécessite d'abord et avant tout une excellente communication avec les organisateurs, mais surtout avec les employés, et c'est encore plus vrai lorsqu'on accueille des personnes vivant avec un handicap.

«C'est un incontournable pour nous d'être inclusif et nous sommes en mesure d'appuyer les organisateurs d'événements et de nous adapter, confie Aude Lafrance-Girard directrice générale de l'Hôtel Château Laurier Québec. Nous avons déjà accueilli un événement où la grande majorité des participants étaient sourds et muets. Pour ce faire, nous avions prévu un service de traduction simultanée, en plus de sensibiliser les employés à la venue du groupe. C'est un aspect non négligeable du tourisme d'affaires : la communication avec les employés. Il faut que tous les membres de l'équipe soient informés qu'un groupe nécessitant des besoins particuliers est sur le point d'arriver à l'hôtel et une fois qu'ils sont sur place, tous les employés doivent demeurer à l'affût. S'ils repèrent quelqu'un qui semble perdu ou inconfortable, ils doivent être proactifs, allez vers eux et ne pas attendre.»

Aude Lafrance-Girard, DG l'Hôtel Château Laurier Québec

Même son de cloche du côté de l'Hôtel Universel de Rivière-du-Loup qui accueillait à la mi-octobre le congrès du Regroupement provincial du comité des usagers (RPCU). Ce groupe de 500 personnes avait des besoins particuliers et l'hôtel a dû se prévaloir d'équipements temporaires pour transformer certaines de ses chambres afin de les rendre accessibles pour la durée du congrès. «Nous avons bien sûr des chambres accessibles, mais parfois, il nous en faut plus qu'à l'habitude, comme dans ce cas-ci, explique Joanna Lortie, vice-présidente à l'Hôtel Universel de Rivière-du-Loup. On a donc fait installer, temporairement, des barres d'appui dans certaines chambres pour en adapter le plus possible et ce n'est pas la première fois qu'on le fait. Chaque fois qu'on rénove ou qu'on agrandit l'hôtel (quatre rénovations, trois nouvelles sections depuis 1973) on augmente le nombre de chambres permettant d'accueillir aisément les personnes présentant un handicap. Par contre, c'est bien d'avoir la latitude de "convertir" encore plus de chambres lorsque le besoin se présente.»

Selon Mme Ducharme de Kéroul, l'organisateur se doit de savoir d'emblée qui sera présent à l'événement, parce que, «plus on est prêt, et moins la personne à mobilité réduite va sentir qu'elle dérange». C'est exactement le cas de l'Hôtel Universel qui, en sachant exactement les besoins et le nombre de personnes présentes, a pu s'adapter et trouver des solutions en amont. Cependant, peu importe le niveau de préparation de l'organisateur, c'est tout de même le lieu qui demeure le plus important facteur lorsqu'on parle d'accessibilité en tourisme d'affaires.

«Il y a de nombreux facteurs qui peuvent être facilitants ou très dérangeants pour les personnes vivant avec un handicap lors d'un événement, explique Mme Ducharme. Si tu as prévu un micro-cravate, ça fait une différence, la hauteur des tables, la hauteur du lutrin et le type et l'installation de l'écran sont également des facteurs dont il faut tenir compte, mais, en général, il y a des salles et des lieux qui s'y prêtent tout simplement mieux. Plus les salles sont modernes et récentes, plus elles ont été conçues de façon «accessible», donc ça facilite grandement les choses pour tout le monde.»

Kéroul offre un service-conseil aux établissements qui souhaiteraient améliorer leur "cote d'accessibilité". L'organisme se déplace pour évaluer la situation avant de faire un rapport comprenant ce qui devrait être fait, avec une cote d'accessibilité, et des pistes de solution afin de devenir un lieu plus accessible. Services dont se prévalent régulièrement les hôtels Château Laurier Québec et Universel.

«En tant qu'hôtelier, lorsqu'on doit rénover, on s'assure de faire les changements pour que tout soit plus accessible, explique Aude Lafrance-Girard de l'Hôtel Château Laurier Québec. Dans des situations majeures, on va consulter Kéroul, ils vont nous conseiller sur les modifications à apporter et les mesures à mettre en place. Par exemple, lorsqu'on a refait le lobby, le printemps dernier, on a tenu à garder les portes d'entrée «régulières» et à ajouter une porte tournante, plutôt que de modifier l'ensemble des portes, parce qu'on a pensé à notre clientèle à mobilité réduite. Et, rappelons-le, aujourd'hui, lorsque tu entres dans une chambre adaptée, en tant que client, tu ne le remarques presque pas, les différences sont mineures. Il y a 20 ans ça paraissait, maintenant ça ne parait plus, c'est plus beau, plus design et plus subtil. Donc, pourquoi ne pas en transformer plus si on peut le faire ?»

Pourtant, «des lieux accessibles on en a très peu au Québec, nuance Mme Ducharme, c'est plutôt du partiellement accessible que l'on retrouve. Cela signifie que l'établissement possède des salles de bain qui peuvent accueillir les fauteuils roulants, mais qui n'ont peut-être pas de barre d'appui, ou leurs salles de réunions sont sur deux étages, et seulement l'un des étages est accessible. Un lieu partiellement accessible ne nous empêchera pas d'y aller, mais c'est quand même limité et c'est pourtant la réalité de la très forte majorité des établissements au Québec.»

Fort heureusement, les hôteliers sont de plus en plus sensibilisés à cette réalité et souhaitent plus que jamais être inclusifs. Mme Lafrance, de l'Hôtel Château Laurier, tient mordicus à ce que son hôtel soit "inclusif", pour tous : «Lorsqu'on parle de lieu inclusif, il faut inclure tout le monde et il faut accepter les différences de chacun. C'est une décision d'affaires d'être inclusif, bien sûr, mais c'est surtout une question éthique et morale. Il faut que tout le monde se sente bienvenu dans ton établissement, et ça va bien plus loin que la mobilité et l'accessibilité...»

À la question, "est-ce une décision d'affaires d'être accessible?", Mme Lortie de l'Hôtel Universel est transparente. «Si on n'avait pas de demandes, on n'aurait peut-être pas fait tous ces changements au fil des années pour rendre l'hôtel accessible, donc oui c'est en partie une décision d'affaires, mais pas seulement cela. On est sensible à cette clientèle et on veut pouvoir accueillir tout le monde chez nous, sans discrimination.»

André Leclerc, fondateur de Kéroul , 40me anniversaire de l'organisme

Rappelons que l'organisme Kéroul soulignait le 29 octobre dernier ses 40 ans d'existence. Porté depuis ses tout débuts par la volonté de faire évoluer la place des personnes vivant avec des limitations physiques, son président-direct général André Leclerc souligne haut et fort l'évolution constatée depuis ces quatre décennies. C'est d'ailleurs grâce à des bâtisseurs du calibre de M. Leclerc que l'industrie peut se targuer d'avoir parcouru un long chemin sur l'accessibilité offerte aux  personnes présentant un handicap dans les différents événements.  Pour plus d'information sur Kéroul, visitez leur site internet officiel.


[1] who.int/disabilities/world_report/2011/fr

Les mots pour le dire

Si vous êtes curieux d'en savoir plus sur le tourisme d’affaires, consultez le Vocabulaire élaboré par l'Association des professionnels de congrès du Québec (APCQ) en vue d'uniformiser les termes à privilégier, de les diffuser auprès de son réseau d'organismes et d'intervenants qualifiés et de contribuer ainsi à uniformiser la terminologie fondamentale de cette sphère d'activité. Le vocabulaire disponible sur congres.com contribue à différencier le tourisme d'affaires de celui d'agrément.

Ce texte est le troisième d’une série de billets proposés par l'APCQ, l’association touristique sectorielle qui participe à la croissance du tourisme d’affaires au Québec en favorisant les alliances entre les intervenants du milieu, en développant la connaissance stratégique et en générant des occasions d’affaires pour l’industrie.

Renseignements
Ginette Bardou, directrice générale, APCQ
1 888 969-1307
info@congres.com

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