Hébergement illégal - Charles Lapointe prend position

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Au cours de ma carrière en tourisme, dont 24 ans à la tête de Tourisme Montréal, rares sont les sujets qui ont suscité autant de questionnements que l’hébergement illégal. Et pour cause : ce phénomène mondial frappe aujourd’hui notre industrie de plein fouet. 

Depuis plus d’un an, l’industrie touristique a vu naître et grandir le modèle d’affaires de la réservation et de la location de lieux d’hébergement privés en ligne. Selon ce modèle, les touristes communiquent directement avec des résidents ou des propriétaires pour trouver un appartement ou une chambre à destination. Ce phénomène permet à notre clientèle d’avoir accès à de nouvelles solutions d’hébergement et répond sans doute à un besoin bien réel, mais il n’est régi par aucune règlementation ni aucune mesure de taxation relative à l’hébergement commercial. Certains gestionnaires immobiliers financent même leurs propriétés au moyen de ce type de location. Le phénomène dépasse donc largement la simple location d’un chalet privé pour un week-end.

Toutes les régions du Québec sont touchées et tous les types d’hébergement (hôtels, gîtes, résidences de tourisme, etc.) voient leurs revenus compromis. Nous en sommes aujourd’hui à un carrefour : il faut trouver des solutions et repenser nos façons de faire. À long terme, c’est la vitalité de l’industrie touristique québécoise et montréalaise qui en dépend.

À cet effet, je tiens à saluer les efforts de notre ministre du Tourisme, M. Pascal Bérubé, qui, depuis son entrée en fonction, a fait de l’hébergement illégal son cheval de bataille.

Mais par où commencer ? Le sujet est si complexe, l’ampleur de la question est si vaste. Les attentes des voyageurs ont changé et les règles du jeu également.

Tourisme Montréal ressent bel et bien la frustration qui règne chez ses membres. Car les intervenants touristiques qui acquittent des taxes, se procurent des permis et se conforment aux règlements et aux différentes exigences des classifications en place sont dans les faits confrontés à une concurrence déloyale.

Ceux-ci collaborent seuls au financement des campagnes qui visent à faire la promotion de la destination, et qui bénéficient à tous, en plus d’être privé d’une partie de leurs revenus.

Cette iniquité prive également les Québécois d’une richesse qui leur appartient, le tourisme étant le 4e secteur en importance de l’économie de la métropole. En 2012, les dépenses touristiques s’élevaient à 2,4 milliards de dollars et le tourisme à Montréal contribuait au maintien de 47 000 emplois dans la province.

Tenant compte de ces observations, nous nous permettons de formuler certaines pistes d’intervention:

1) Tout d’abord, il faut assurer une surveillance constante du phénomène de l’hébergement illégal afin de suivre son évolution – exponentielle – dans le temps et de mieux comprendre le modèle d’affaires des sites où s’effectuent les transactions frauduleuses.
Tourisme Montréal est disposé à collaborer avec Tourisme Québec quant à l’exercice d’une telle surveillance sur son territoire.

2) Il faut veiller à ce que les promoteurs immobiliers qui profitent du système et les acteurs importants de cette industrie « souterraine » soient dénoncés et que des sanctions soient infligées pour les infractions commises. On pourrait envisager une période de grâce durant laquelle les contrevenants seraient invités à intégrer le système d’hébergement légal et à régulariser leur situation.

3) Conséquemment, toute personne proposant la location d’une solution d’hébergement serait tenue de verser des taxes (TPS, TVQ et taxe d’hébergement de 3,5 %) à l’État même si elle n’a fait l’objet d’aucune classification.

4) Enfin, il faut s’assurer d’une concertation optimale entre les différentes associations touristiques régionales (ATR), les différentes associations hôtelières, les villes concernées et le ministère du Tourisme du Québec.

En date du 3 juillet 2013, 2 780 logements à Montréal étaient inscrits sur le site web Airbnb. Au moment où vous lirez cette lettre, il y a tout lieu de croire que ce chiffre sera encore plus élevé. Loin de s’essouffler, ce phénomène grandit sans cesse, alimenté principalement par la quête d’authenticité des voyageurs et l’essor des médias sociaux.

Qu’attendons-nous pour rétablir une concurrence juste et équitable pour tous et tirer profit de cette nouvelle façon de voyager?

L’honorable Charles Lapointe, Président-directeur général de Tourisme Montréal.