Une industrie à « polyr »

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En octobre, l’École internationale d’hôtellerie et de tourisme (EIHT) du Collège LaSalle a reçu monsieur François-G. Chevrier, directeur général d’Événements Attractions Québec, monsieur Xavier Gret, président du Conseil québécois des ressources humaines en Tourisme (CQRHT), monsieur Mario Leblanc, directeur général de Tourisme Montérégie, ainsi que monsieur André Roy, PDG de l’Association Hôtellerie Québec (AHQ) en direct de Québec.

J’ai eu la grande chance d’y assister et de représenter mes collègues enseignantes et enseignants. J’étais accompagnée par 3 étudiants de notre école, mesdemoiselles Anastasia Chala et Brittany Felde futures graduées en Tourisme en 2022, et M. William Lavictoire, diplômé en 2021 en Gestion hôtelière.

Ce fut un vrai privilège de discuter des enjeux liés aux ressources humaines, dont la pénurie de main-d’œuvre, l’engagement des ressources à plus long terme, le rôle des institutions d’enseignement et des enseignants qui préparent la relève et les attentes de la relève. Monsieur François-G. Chevrier a joué le rôle de modérateur d’une main de maitre et a su canaliser et mousser le dialogue entre les professionnels et leurs prochains successeurs. 

Comme le bon vin, il a fallu près d’un mois pour décanter et analyser les tenants et les aboutissants de cette conversation honnête et carte sur table sur les plus grands défis que vit notre belle industrie touristique au Québec en ce moment et depuis quelque temps d’ailleurs. Qu’en est-il donc sorti ?

Un seul mot me vient à l’esprit en pensant aux échanges : Polyr ! N’y voyez aucune faute d’orthographe, mais bien le mariage subtil entre polyvalence et remodelage.

Le constat est flagrant, il y a une forte pénurie de main-d’œuvre au Québec tant au niveau des employés qu’à celui des gestionnaires. On parle d’une perte de 25 000 emplois. Cela a donc un impact sur les heures d’ouverture des établissements. Combien sont-ils obligés de fermer les lundis et les mardis ? L’impact financier est énorme, d’autant plus que depuis le début de la pandémie, les résultats sont plutôt maigres à cause de toutes restrictions sanitaires et les confinements à répétition. On chiffre à près de 1,7 milliard de manque à gagner ! Néanmoins, on dit qu’il y a toujours du positif qui ressort, et bien c’est vrai. Les organisations ont dû revoir leurs méthodes de travail, améliorer leurs processus afin de satisfaire la clientèle et ne pas « user » leurs équipes. On parle ici d’une optimisation des processus sans pour autant remplacer l’humain. Celui-ci est d’ailleurs au cœur des débats parmi les panélistes. Les gestionnaires en place se sont mis à aller sur « le plancher des vaches » ce qui leur a permis de mieux comprendre la réalité de leurs employés. Tous s’accordent à dire qu’il faut revivre le travail pour le réorganiser.

Des solutions ont été proposées, par exemple de faire payer le nettoyage des chambres comme cela se fait déjà aux États-Unis, tout en étant conscients que cela enlèverait la plus-value de séjourner dans un hôtel plutôt que dans une location.

Le partage du personnel est une autre avenue qui a été envisagée. Cela requiert une polyvalence des employés, des poly compétences qu’il faudra alors négocier avec les syndicats dans les prochaines conventions collectives qui acceptent le changement à condition d’être partie prenante. Le CQRHT a déjà engagé la discussion avec eux. Tous s’accordent à dire que plus de flexibilité apporterait plus d’efficacité et citent en exemple le Marriott qui a d’ailleurs déjà opté pour le « cross training ».

Les panélistes s’entendent sur le fait qu’une augmentation des salaires est nécessaire, non sans oublier les conditions de travail, en impliquant entre autres les employés et en leur offrant surtout de la diversité. La France a déjà pris le pas en augmentant de 9 % les salaires des travailleurs de l’industrie et en leur accordant un weekend par mois. La reconnaissance est importante pour les employés. C’est vivement souligné.

L’efficacité des employés passe par leur formation initiale qui a été longuement évoquée. Il est donc crucial pour la survie de l’industrie de faire un plus grand rapprochement entre l’industrie et le milieu éducatif, en intégrant pleinement les formations collégiales et universitaires au milieu de travail. D’ailleurs, plusieurs collèges dont le Collège LaSalle propose des programmes ATE (alternance travail études) et surtout AMT (apprentissage en milieu de travail) qui permettraient d’étudier et de gagner sa vie. Quoi de mieux que de combiner le gain de compétences, avec le gain d’argent et en fin de compte un diplôme reconnu et une expérience valorisante ?

Il s’agit maintenant d’attirer les futurs candidats dans lesdits programmes, car il faut plusieurs années pour préparer la relève.

Nous sommes en pleine transformation ! Même la clientèle aura besoin d’être « éduquée » afin d’accepter cette mouvance et d’épauler l’industrie. Qui dit augmentation de salaire dit augmentation de prix !

Recruter est devenu le véritable cri du cœur de notre industrie en pleine pénurie de main-d’œuvre. Comment s’y prendre ? Devrions-nous offrir plus de permis de travail aux étrangers ? Réembaucher des retraités ? Accommoder les personnes présentant un handicap. Tout est mis en place pour un développement social et humain durable. Des stratégies d’accueil et d’intégration sont réévaluées en moussant l’esprit d’équipe dès le départ et en créant une deuxième saison d’embauche. Les entrevues se font en présence et virtuellement.

La technologie doit devenir une alliée de taille afin de recruter rapidement et efficacement, mais les institutions académiques aussi. Comment ? Les 3 panélistes ont convergé sans hésitation sur l’aide et le soutien dont l’industrie a besoin. Le calendrier scolaire, la cédule de la semaine ne sont que des exemples cités allégrement. Commencer les classes à la mi-août alors que la saison estivale bat encore son plein ou bien encore avoir des cours un vendredi jusqu’à 18 heures semble des obstacles de taille. Nous devons mieux préparer la relève à s’adapter aux exigences de l’industrie en constante évolution.

Les programmes sont perçus comme quasi immuables puisque ce n’est que tous les 7 ans qu’ils sont réévalués. 7 ans semblent une éternité pour l’industrie ! Tous les participants, enseignants comme professionnels, ont bien conscience que mouvement et statisme ne font pas toujours bon ménage !

Ensemble, nous devons vendre le secteur d’activités, le valoriser et aller recruter des élèves à la source, dans les écoles secondaires, ici, au Québec et ailleurs, comme c’est déjà le cas pour beaucoup de collèges, dont le Collège LaSalle. Nous devons nous entraider dans cette démarche. Les professionnels de l’industrie doivent venir plus souvent dans les classes parler de leur métier, ils doivent prendre et superviser des stagiaires en leur accordant plus de temps voire les aider à se loger gratuitement durant leurs stages. Le compagnonnage étudiant/employé est une solution parmi tant d’autres.

Nous devons vraiment déployer tous les efforts possibles afin d’attirer les étudiants qui seront les futurs employés. Après tout, la génération d’aujourd’hui choisit les employeurs. Il suffit d’observer la recrudescence des sites comme « rate my employer ». La marque de l’employeur est donc devenue vitale pour la survie de l’industrie et, tous acquiescent que le marketing des RH est une réalité incontournable pour attirer et retenir les employés. Encore une fois, les écoles doivent être mises à contribution dans la rétention des employés en offrant par exemple des programmes de formation post-embauche. Une chose est certaine, la passion est de mise en amont comme en aval. Les savoirs sont essentiels avant et après l’embauche, surtout le savoir-faire et le savoir-être !

Il a été conclu que nous avions tous besoin les uns des autres afin de faire prospérer l’industrie touristique. Tout est une question d’attitude. C’est notre valeur sûre à tous !

Par Danièle Tayar, enseignante à l’École internationale d’hôtellerie et de tourisme (EIHT) du Collège LaSalle