Élimination temporaire de la TPS : Véritable manne ou cadeau empoisonné?, par Sylvain Drouin
Le 21 novembre dernier, le gouvernement fédéral annonçait lors d’une conférence de presse habilement mise en scène, une abolition de la TPS sur différentes choses dont les factures au restaurant entre le 14 décembre 2024 et le 15 février 2025.
Bien que toute réduction de taxes puisse être considérée comme une bonne nouvelle, il faut tout de même se questionner sur les bienfaits d’une telle mesure tant pour les clients que pour les restaurants.
Commençons par les clients. Il est vrai qu’avec la hausse de l’inflation, la facture a passablement augmenté et que cela a réduit pour plusieurs la fréquence des visites. Certains avancent que les gens vont se laisser plus facilement gâter par une gâterie sucrée ou un verre de vin supplémentaire, mais je n’en crois rien.
Tout d’abord, il faut se rappeler que les prix présentés sur la carte sont majoritairement avant les taxes. Il sera donc nécessaire pour le client de faire le calcul mental nécessaire pour être en mesure de chiffrer son économie. Deuxièmement, on doit reconnaître que cela représente un rabais relativement faible qui ne risque pas de transformer le comportement du consommateur. Sur un verre de vin à 15$, on parle d’une différence de seulement 0,75$. Pour une facture de 100$, cela revient à seulement 5$. Est-ce que le client va vraiment « se lâcher lousse » en dépensant deux ou trois fois ce montant sauvé? Permettez-moi d’en douter.
Du côté des restaurateurs, cela s’avère être un puissant casse-tête alors que les changements se font lors de deux des périodes les plus achalandées de l’année. Un système de ventes contient généralement quelques dizaines, voire des centaines d’items différents. Pour plusieurs restaurateurs, l’ajustement se fera manuellement dans la nuit entre le 13 et le 14 décembre. Imaginez devoir faire cela, sans commettre d’erreur au risque de recevoir de nombreuses plaintes. Il faudra faire la démarche inverse en pleine fin de semaine de célébration des amoureux alors que le risque désormais sera d’oublier de facturer cette même taxe et se faire rattraper par ce même gouvernement.
En hôtellerie, on ne s’en sort pas non plus. Qu’allons nous faire avec les forfaits déjà vendus et payés comprenant de la nourriture pour une date comprise dans cette période de grâce? On va procéder à un remboursement de quelques dollars qui risque de prendre énormément de temps à l’équipe de réception, à l’audition de nuit et à la comptabilité. Comment faire en sorte de pouvoir offrir des forfaits durant cette période, mais pour une date subséquente?
Cerise sur le gâteau, cette mesure n’a toujours pas été votée à environ deux semaines de la date magique puisqu’elle est jointe à une autre mesure un peu plus contestée. Ce climat d’incertitude engendre beaucoup plus de stress présentement que d’avantages pour la restauration. On doit s’y préparer et parfois même engager des sommes pour y arriver, sans toutefois avoir la confirmation que cela va bien fonctionner.
C’est ce qu’on appelle une fausse bonne idée!
Sylvain Drouin
Consultant indépendant en hôtellerie
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