Devenir une icône touristique, quelle est la recette magique?, par Jean-Michel Perron
3 nouvelles icônes en 2022 à Montréal, au Massif et à Saint-Faustin
Tout le monde le sait, l'une de nos forces au Québec, c’est la créativité. Alors laissons-la s’exprimer et supportons-la financièrement. Plus il y en aura, plus le Québec dans son ensemble sera perçu comme une destination originale à découvrir. Car, en tourisme, depuis les temps immémoriaux, il y a deux valeurs universelles menant à la réussite et qui ne changent pas: l’accessibilité et l’unicité.
Saluons ces 3 nouveaux lieux emblématiques qui sauront attirer les visiteurs, je vous le garantis. Si j’avais à gager un bitcoin, ce serait sur chacun d’ eux.
L’Anneau de Montréal
« Land art » urbain, de jour et de nuit. 50 000 livres, 90 pieds : prouesse technologique (chauffante l’hiver, suspendu dans les airs) mais surtout une signature architecturale originale en plein centre-ville marquant le retour à une vie plus normale post-covidienne dans le secteur de Place Ville-Marie. Construite à Trois-Rivières (vous voyez, Montréal a besoin des régions !).
« Ce nouveau symbole suspendu de Montréal saura se faire une place de choix dans nos cœurs et sur les photos qui feront le tour du monde », estime pour sa part, Yves Lalumière, PDG de Tourisme Montréal, cité par Le Journal de Montréal.
Tu as bien raison Yves. Je prédis même des exploits illégaux en volant à travers l'anneau… de belles images virales à venir sur TikTok et YouTube.
L’effet papillon (Massif, Charlevoix)
C’est le nom de ce nouveau restaurant, inspiré des restos alpins d’Europe. Le chef David Forbes promet une expérience gastronomique régionale et sensorielle avec 90 places (+60 en terrasse) qui offrira l’une des plus belles vues au Québec. C’est dans le Camp-boule, récemment rénové, au Massif de Charlevoix. Autant pour les skieurs que pour les cyclistes de montagne l’été, ou les visiteurs de passage.
Le Sentier des cimes (Saint-Faustin-Lac-Carré, Laurentides)
Source : Erlebnis Akademie AG
Avec ses 1 250 mètres de passerelles de bois et une tour de 40 mètres de hauteur (13 étages), ce sentier suspendu et aérien permettra une vue spectaculaire sur la forêt laurentienne et une expérience là aussi sensorielle (tu pourras marcher suspendu dans le vide sur un filet) unique. Seul autre exemple existant en Amérique du Nord : Malahat Skywalk sur l’île de Vancouver (600 mètres de passerelles et 32 mètres de hauteur : yes, here we go Laurentides, 10 mètres de plus !)
Mais quelle est la recette magique pour s’assurer de construire un attrait, un emblème, une icône qui va réellement devenir un produit d’appel, justifiant un déplacement spécifique de visiteurs ?
- C’est vraiment original et distinctif. J’écrivais dans ces pages en 2016 (lire ICI) que le nouveau pont Champlain, malgré la prétention des promoteurs, ne deviendra pas, une fois construit, une icône montréalaise. Me suis-je trompé ? Je ne pense pas. L’Anneau, lui, sera distinctif. Le Sentier des cimes et le resto l’Effet Papillon le seront tout autant. Succès commercial assuré, car le bouche-à-oreille va carburer à plein tube, comme disent les cousins d'outre-Atlantique.
- De la qualité et de la constance. Les icônes touristiques de ce monde, de fabrication humaine, exigent un investissement et une mise à niveau récurrente minimaux pour se payer des matériaux et des équipements de qualité qui vont durer dans le temps et dont l’expérience de visite sera de qualité égale et constante, peu importe la saison et l’âge des lieux…
- Ça répond à un besoin, à une attente des visiteurs. Les voyageurs veulent vivre une expérience, idéalement sollicitant plusieurs sens. Ils veulent être surpris par la dimension des lieux, le paysage, la beauté, la poésie, les goûts, l’ambiance, le silence, les étoiles ou l’émotion d’être simplement là et de vivre de quoi d’unique…
- Durable et responsable. Nouveaux critères maintenant à considérer par les visiteurs : l’icône touristique respecte l’environnement (empreinte carbone), les citoyens impactés, et régénère plus que ce qu’il prend de la Nature…
Ça, c'est la manière de penser développement touristique en 2019, avant la pandémie, et surtout, avant notre conscientisation sur les changements climatiques, la perte de notre biodiversité et la pollution qu'on ne peut nier aujourd'hui devant les constats scientifiques. Il faudrait dès lors utiliser, avant de supporter tout projet touristique subventionné, une grille d'analyse qui répondrait – entre autres – aux questions suivantes (dont je n'ai évidemment pas toutes les réponses):
L'ANNEAU:
Comme l'acier ou l'aluminium génèrent énormément de GES dans leur fabrication, n'aurait-il pas été mieux de le faire en bois, symbole fort du Québec nordique ?
Avec tous les problèmes de logements abordables à Montréal, ce 5 M$ n'aurait-il pas été mieux investi sur cet enjeu, ou le fait de créer une icône qui risque d'attirer plus de visiteurs payants qui vont générer plus de revenus et d'emplois, on sert mieux ainsi la société ?
L'EFFET PAPILLON:
Transformer un bâtiment déjà existant, ça c'est durable, mais comme les prix des repas risquent d'être élevés à cause des coûts élevés d'opération et que sa localisation est éloignée des résidents de Petite-Rivière-Saint-François et de Baie St-Paul, ne rend-on pas ainsi le tourisme moins accessible et les déplacements des clientèles générateurs de GES ?
LE SENTIER DES CIMES:
Une tour de 13 étages ne vient-elle pas nuire à la qualité paysagère de cette forêt ou plutôt, le fait de faire un sentier vertical va moins impacter la biodiversité qu'un sentier entièrement horizontal ?
Tous ces arbres maintenant coupés pour ce projet ne capteront plus, pour se nourrir, de CO2, est-ce durable si en ce faisant, d'autres arbres ne sont pas replantés ?
Ne serait-on pas mieux, au Québec, de commencer à parler de décroissance, de maximiser les espaces urbains et naturels déjà utilisés au lieu de gruger encore plus sur nos milieux propices à la biodiversité ?
Jean-Michel Perron
Conseiller chez PAR Conseils
Blogueur sur Tourte Voyageuse
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