Des défis à relever pour une meilleure mise en marché du tourisme québécois
Combien de fois ai-je vu et entendu des spécialistes du marketing touristique se questionner sur ce qu’il faudrait faire, ne pas faire ou mieux faire pour réussir la mise en marché du Québec, de sa région, de son attrait ou de son hôtel. Règle générale, le livre des excuses refait rapidement surface et le coupable, selon la position où l’on se trouve, est souvent facilement identifié : celui-ci est tantôt le ministère du Tourisme, tantôt l’association touristique régionale (ATR) ou encore le membre de l’association touristique qui ne comprend rien. Je vous propose donc un regard sur ce qui pourrait aider le marketing touristique québécois à produire les résultats attendus.
Une question de structures ou de culture ?
Le débat de transformer le ministère du Tourisme en agence ou société d’état refait périodiquement surface. Pourtant, aucun gouvernement en place au cours des deux dernières décennies n’a su ou n’a voulu trancher la question. Et ce n’est pas si mal serais-je tenté de dire. En effet, des expériences vécues ailleurs nous ont appris que la création d’une structure, soi-disant moins politique, n’était pas la panacée à tous les problèmes de mise en marché des destinations. Tant et aussi longtemps qu’un profond changement de culture ne se concrétisera pas, ceux qui ont placé des attentes énormes envers une nouvelle structure risquent fort d’être déçus. Présentement, la volonté manifeste de transformer la notoriété de la destination en décision d’achat, ce que nous appelons conversion dans le jargon touristique, ne fait pas suffisamment partie de la culture qui règne au ministère du Tourisme ou du moins n’est pas adéquatement assumée dans les stratégies de mise en marché du ministère. On peut donc, en toute honnêteté, se demander si un simple changement du statut pourrait provoquer cette nouvelle culture, plus en phase avec les attentes des entreprises touristiques.
Si la culture qui règne au ministère du Tourisme doit changer, il nous apparaît tout aussi pertinent de questionner la balkanisation et l’éparpillement des efforts qui résultent de l’existence de 21 ATR et de 19 associations touristiques sectorielles. Une diminution du nombre ou un regroupement de ces associations afin d’améliorer l’efficience de la mise en marché du tourisme québécois a également fait l’objet de discussions au cours des dernières années. Qui peut sérieusement penser qu’une coordination et coopération accrues ne pourraient pas donner de meilleurs résultats avec les mêmes ressources ? Est-il normal que Montréal et Québec n’aient pas une stratégie de commercialisation parfaitement intégrée sur des marchés internationaux longs courriers comme la France, le Royaume-Uni ou le Brésil ? Est-il normal de retrouver des opérateurs de destinations de ski québécoises qui font bande à part dans un salon de ski aux États-Unis et qui et ne s’intègrent pas à l’effort collectif ? Ce sont des exemples parmi tant d’autres de mauvaise coordination et coopération qui n’aident pas à renforcer la marque « Québec ».
Se regrouper sous un positionnement fort
De 2006 à 2011, le ministère du Tourisme a imposé, c’est à mon avis le terme qui convient, une image de marque aussi inspirante qu’une pierre tombale : « Fournisseur d’émotions depuis 1534 ». De toute évidence, ces émotions n’ont guère trouvé preneurs, et ce, pas plus au sein de l’industrie touristique que chez les potentiels et trop rares visiteurs étrangers. Fort heureusement, le ministère et son agence de publicité ont initié il y a quelques années une réflexion en profondeur sur l’image à projeter. Cette réflexion, basée sur une consultation de ses principaux partenaires et une évaluation des pistes soumises par l’agence auprès de clients potentiels, a débouché sur une image de marque, Québecoriginal, qui fait consensus au sein de l’industrie. Porteuse et accrocheuse, elle permet des déclinaisons qui favorisent son adoption par une majorité de joueurs sur les marchés étrangers.
Mais la mise en place de ce positionnement met en lumière une autre faiblesse du marketing touristique québécois : le manque d’agilité ou l’incapacité de mettre en place rapidement des solutions qui pourtant, sont urgentes. Cette caractéristique est doublée par une réelle difficulté à saisir rapidement les opportunités. Aux dernières nouvelles, les ATR et les autres partenaires du ministère du Tourisme attendaient toujours après un cahier de normes à la fois souple et précis qui leur permettrait d’utiliser et de diffuser pleinement cette image de marque. Ce n’est là qu’un exemple de ce manque d’agilité, sachant très bien que plusieurs interlocuteurs de l’industrie pourraient également nous en fournir. Qu’est-ce qui peut expliquer cette difficulté d’agir bien et vite ? La lourdeur gouvernementale ou le modèle associatif évoqués précédemment représentent sans aucun doute une partie de l’équation. Mais on peut aussi l’expliquer par un esprit entrepreneurial insuffisamment développé, combiné à une imputabilité qui fait cruellement défaut. Trop de professionnels du marketing touristique au Québec ne travaillent pas avec le sentiment d’avoir le couteau sur la gorge, comme s’ils devaient répondre de leurs erreurs ou de leur lenteur à procéder. La hiérarchie et la gouvernance dans les organisations touristiques québécoises sont sûrement un peu la cause du problème, mais il y a lieu de se questionner rapidement sur ce manque d’engagement et le sentiment d’urgence qui font malheureusement défaut.
Pouvoir compter sur les meilleurs professionnels
Nous avons toutes et tous en tête un partenaire insistant, qui veut des résultats et qui questionne sans cesse nos stratégies. Au lieu de le considérer comme une plaie dont on ne peut se débarrasser, peut-être devrions-nous remercier chaque jour le destin de l’avoir mis sur notre chemin. Car, c’est ce type de partenaire qui pousse sans cesse les professionnels du tourisme à s’améliorer et à révéler au grand jour ceux et celles qui n’ont pas le Québec touristique tatoué sur le cœur. Pour progresser, notre industrie a besoin de professionnels compétents et pertinents. Pour y travailler, il faudrait pouvoir démontrer, non seulement des compétences et des connaissances inattaquables en matière de tourisme et de marketing, mais il faudrait également démontrer une grande motivation à innover et une capacité à se remettre en question. Mon expérience au sein de l’industrie touristique me révèle toutefois que nous n’en sommes pas encore là. D’une part, à défaut de pouvoir embaucher des professionnels de la mise en marché plus aguerris, l’urgence de former et de mobiliser les effectifs marketing du ministère du Tourisme est une priorité. Il s’est perdu au cours des dernières années des expertises essentielles au ministère, notamment en matière de commercialisation via les réseaux de distribution. D’autre part, on peut également s’interroger sur la capacité pour toutes les ATR d’attirer et de retenir ces professionnels émérites et performants dont l’industrie a tant besoin. Encore une fois, la mise en commun d’expertises nous semble une piste qui gagnerait à être privilégiée. L’expérience du Québec Maritime est d’ailleurs un modèle dont plus d’ATR devraient s’inspirer.
Et si on s’y mettait
À la lecture de ce qui précède, on peut toujours se dire que l’explication facile aux problématiques de structure, d’organisation, de positionnement et de ressources humaines, c’est les autres. Et si on osait se regarder dans le miroir et convenir que nous sommes toutes et tous une partie du problème et surtout, de la solution.
Pour améliorer la mise en marché du Québec, en particulier sur les marchés extérieurs, plusieurs autres aspects demeurent à approfondir, d’autres questions demandent des réponses. J’aurai l’occasion au cours des prochaines semaines de continuer à partager mes réflexions sur le marketing touristique québécois. Parmi les thèmes qui restent à aborder, on pense entre autres à l’intelligence de marché, à la gestion efficiente des ressources mises à notre disposition, aux stratégies de prix, à la fidélisation des clientèles et bien entendu, aux immenses défis et opportunités auxquels nous confrontent les technologies mobiles.
Daniel Gagnon, collaboration spéciale
Note : J’ai écrit ce texte quelques jours avant la rencontre stratégique annuelle de l’Association québécoise de l’industrie touristique (AQIT) qui s’est tenue le 9 décembre dernier à Boucherville. Les pistes de réflexion présentées dans ce texte correspondent en plusieurs points aux consensus qui se sont dégagés au terme de cette rencontre.
L’auteur a travaillé pendant près de 20 ans à l’Office du tourisme de Québec comme Directeur des communications et de la publicité puis comme Directeur de la mise en marché. En 2013, il a fondé Toutazimut communications stratégiques, une entreprise de consultation en marketing touristique qui accompagne et conseille des entreprises et des organisations de l’industrie touristique québécoise.
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