Comment le démantèlement du réseau des CLD affectera le développement touristique prochainement?
C’est dans la foulée des annonces faites par Mme Dominique Vien, ministre du Tourisme, lors des Assises du tourisme 2015 ainsi que ma participation, à titre de panéliste, au Congrès annuel de la SATQ dont la thématique était liée au développement touristique, soit « croissance, performance et entrepreneuriat », que j’écris cet article. En effet, l’annonce de la création d’une agence de marketing indépendante du ministère du Tourisme et l’appui massif qu’a reçu cette initiative longtemps réclamée par l’industrie sont une bonne nouvelle en soi.
Toutefois, aucune annonce concernant de nouveaux fonds en développement, dont les EPRT, n’a été faite lors des Assises. Pourtant, lors de la présentation du bilan du plan de développement de l’industrie touristique 2012-2020, nous avons appris que pour 9 M$ d’argent public investi sur l’ensemble du Québec dans le cadre des EPRT, ce sont des investissements privés totalisant 206 M$ qui ont été faits, ce qui représente 23 % de rendement. Aucun autre fonds n’a su créer un tel effet de levier!
Dans les faits, le 9 M$ investi par le ministère du Tourisme devait être à parité avec des sommes provenant du milieu, notamment des CRÉ et des CLD. Si l’on ajoutait ces sommes, on pourrait parler d’un investissement public de 18 M$ pour des investissements privés complémentaires totalisant 206 M$, ce qui demeure un excellent retour sur investissement. Depuis la création du PADAT, l’industrie a perdu simultanément le fonds d’aide stratégique aux attractions touristiques qui était une contribution non remboursable du ministère du Tourisme. Nul besoin d’être un grand financier pour savoir qu’un prêt versus une subvention peut mettre une pression sur la gestion financière d’une entreprise; malgré la flexibilité offerte par le programme PADAT, ça reste un prêt et qui dit prêt, dit intérêt!
Le ministère du Tourisme n’annonce donc pas d’investissements en ce sens, les CRÉ sont disparus et les CLD qui restent font ce qu’ils peuvent avec ce qu’ils ont, les autres ayant été récupérés par les MRC et passablement transformés. La plupart d’entre eux n’offriront plus de subventions ou seulement des pinottes… D’ailleurs, rappelons que la majorité d’entre eux ont coupé leurs uniques ressources spécialisées en tourisme. Ceci fait donc mal, très mal, particulièrement aux régions où l’exode des expertises se fera sentir, si ce n’est déjà fait.
Pour en revenir au Congrès et au panel sur le développement touristique, les panélistes devaient donner leur perception et vision de ce qui se passera dans l’avenir et dans le financement des projets touristiques.
C’est sans surprise que tous étaient unanimes sur le fait que le secteur des « Festivals et événements » était le plus à risque dans la mouvance actuelle. Que de nouvelles initiatives de concertation et de mobilisation devaient être créées pour mobiliser le milieu déjà fragilisé par la perte de ses ressources. Encore une fois, ce sont les régions et les secteurs hors zones urbaines, qui sont à risque, puisque les zones urbaines ont davantage de leviers financiers et peuvent justement en profiter pour amalgamer plusieurs services sans couper dans lesdits services.
Sur le panel, nous retrouvions une région (Abitibi-Témiscaminque), une ville (Rimouski) et un territoire de MRC qui ne compte pas de zone urbaine (Matawinie). Un des constats qui est ressorti est qu’il n’y a pas de modèle unique de fonctionnement concernant le développement touristique.
À la question, qui s’en occupe chez vous? Personne n’a donc la même réponse, ce qui fait que le promoteur qui aurait un projet doit s’armer de patience et se croiser les doigts afin de trouver les ressources dont il aura besoin pour bâtir son projet, dépendamment des décisions qui auront été prises par les politiques municipales et territoriales de l’endroit où il souhaite s’implanter. Selon la vision des élus, le tourisme est priorisé ou non. Et selon la réponse, il y a des services professionnels spécialisés ou non dans une ville ou un territoire où vous voulez implanter le projet. Adieu vision commune de développement, bienvenue anarchie!
Ceci est d’autant plus « in your face » que nous avons eu un bel article daté du 12 novembre 2015 sur le Rapport mondial de l’OMT, établi en collaboration avec l’Institut Griffith pour le tourisme, sur les partenariats public-privé dans le tourisme, à l’échelle mondiale. Les conclusions de ce rapport démontrent que ces partenariats ont « souvent besoin d’un tiers ou d’un acteur occupant une position prépondérante qui prenne les rênes du développement du partenariat et en assure des retombées pour toutes les parties prenantes » a expliqué le professeur Scott. Ces partenariats favorisent le développement socioéconomique.
En résumé, il semble que le Québec s’en aille en partie à l’aveuglette dans sa mission de développement, en ayant justement coupé les ressources qui exécutaient le rôle cité dans le rapport de l’OMT d’une part et d’autre part par le non-renouvellement des EPRT, ces deux éléments qui sont si importants pour créer la richesse.
Est-ce que collectivement le secteur touristique ne pourrait pas définir quels sont les rôles clés nécessaires en développement et le profil des ressources nécessaires à sa mise en œuvre ? Doter les régions et/ou les territoires d’un minimum de ressources expertes et professionnelles attitré à cette fonction, et ce de manière systématique avec une véritable volonté politique de mettre des moyens de réussites en place pour tout le Québec, peu importe de qui relèveront ces ressources? N’oublions jamais que la chaîne n’a de force que celle de son maillon le plus faible.
Collaboration spéciale, Marie-Andrée Alarie, Commissaire en développement touristique, MRC Matawinie
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