Une société d'État pour le tourisme au Québec; son autonomie. Partie 2 de 2
L’autonomie d’une société d’État est essentielle, tout en n’oubliant jamais que, quelle qu’elle soit, elle sera toujours redevable au gouvernement. Transparence, orientations stratégiques, concertation, objectifs mesurables et accessibles, développement économique durable et imputabilité, doivent être des leitmotivs pour les dirigeants de la SITQ. Voici quelques éléments de réflexion pour assurer son autonomie.
Autonomie politique :
Parce que le marketing touristique et le marketing politique ne font pas bon ménage.
Autonomie d’action et de gestion :
- Dans la définition de sa mission, le développement économique d’un tourisme durable devrait être au cœur des priorités. Celui-ci devrait reposer sur la satisfaction de la clientèle (produit, service, RH, etc.) et le développement des régions.
- La SITQ serait responsable des orientations stratégiques et de la stratégie touristique qui en découlerait. Toutefois, la société devrait s’inspirer du Plan de développement de l’industrie touristique (PDIT 2012-2020) comme source de réflexion et l’adapter en fonction de l’évolution des conditions économiques et des autres éléments qui pourraient affecter l’industrie.
- La société se fixerait des objectifs réalistes et mesurables en concertation avec les autres acteurs touristiques, pour chacun des 5 secteurs d’activités et ce à court, moyen et long terme. C’est sur l’atteinte ou non de ceux-ci qu’elle serait évaluée, de même que ses dirigeants (imputabilité).
- L'intelligence des marchés et des produits;
- La structuration et le développement de l'industrie;
- Le développement de l'offre (produits/services);
- Le marketing;
- L'accueil, l'information et le service à la clientèle.
- Pour les ressources humaines, les procédures standards pour la création d’une société d’État s’appliqueraient aux fonctionnaires du ministère. Tout en respectant ces règles, la SITQ pourrait faire du recrutement à l’extérieur de la fonction publique pour répondre à ses besoins.
- Lors des Assises annuelles du Tourisme, la SITQ devrait démontrer ses réalisations (reddition de comptes, imputabilité et transparence). L’événement serait idéal pour expliquer et détailler ses objectifs et plans d’action annuels en plus d’aller chercher de l’« input » au sein de l’industrie pour mieux planifier ses actions futures.
Autonomie financière :
L’autonomie financière est la base de l’indépendance d’une organisation. La SITQ aurait besoin de moyens financiers à la hauteur de sa mission et de ses actions. L’exemple de la Commission canadienne du tourisme (CCT) est un modèle de financement à éviter, car celle-ci est trop dépendante de la volonté politique, faute de revenus autonomes suffisants. Il y a plusieurs sources de revenus potentiels qui devraient être évaluées. Par exemple :
Le gouvernement
Une partie des sommes qui seraient dégagées, suite à la réduction de la taille de Tourisme Québec pour créer la Direction générale du Tourisme (DGT), seraient redirigées vers la SITQ. La loi constituant la SITQ inclurait, entre autres, une définition de la mission de la société et de certains de ses mandats et responsabilités. Le gouvernement contribuerait donc à une partie du financement de la société pour qu’elle puisse respecter ses engagements, sous la forme de contrats de gestion, d’honoraires, etc.
Le Fonds de partenariat de l’industrie touristique
Le fonds de partenariat de l’industrie touristique serait sous la responsabilité de la SITQ.
Le modèle coopératif
Le financement de certaines activités (marketing et autres) de la société pourrait être inspiré par le modèle coopératif utilisé au sein du milieu associatif. Par exemple, la SITQ pourrait se fixer des objectifs de partenariats pour le montage financier de ses actions de marketing.
La taxe sur l’hébergement
Que les régions ne me lancent pas des tomates, mais il est vrai que les revenus, en tout ou en partie, de la taxe sur l’hébergement pourraient être utilisés. Ne soyons pas dupes, lors de discussions de corridors ou derrière des portes closes dans les officines du gouvernement, cette hypothèse a déjà été abordée. Toutefois, je ne suis pas à l’aise avec celle-ci. Peut-être parce que j’ai travaillé à son implantation lorsque j’étais DG de l’ATR de la Gaspésie (1999-2004). Mais il y a d’autres raisons qui motivent mon hésitation.
- La taxe a une connotation régionale très forte et dans le modèle de décentralisation, que tous les gouvernements ont préconisé depuis 50 ans, elle est un exemple d’outil pour fournir aux régions les moyens d’agir;
- La taxe a ses spécificités régionales, par exemple, l’investissement de Tourisme Montréal d’une partie de la taxe, dans le Grand Prix du Canada jusqu’en 2024;
- À beau dire que la taxe appartient à l’industrie, mais j’en connais plusieurs qui entrevoit avec difficulté que les revenus de la taxe provenant de Montréal, ou de Québec ou d’une autre région, servent à financer des actions pour l’ensemble du Québec ou pour la région voisine. Il y a des mentalités à changer.
Une contribution touristique
Tous les secteurs seraient mis à contribution : hébergement, attraits, activités, événements, restauration, etc., auprès desquels serait perçu une contribution de x% ou une fraction de pourcentage sur les ventes. C’est en quelque sorte la formule de la taxe sur l’hébergement qui s’appliquerait à tous, mais selon un pourcentage adapté à chacun des secteurs. Si cette avenue est utilisée, la composition du CA de la SITQ pourrait être modifiée, en autant que la majorité simple pour les entreprises privées soit maintenue.
Le Fonds d’indemnisation des clients des agents de voyages (FICAV)
Le Fonds est géré par l’Office de la protection du consommateur (OPC). « Il a été créé pour que les voyageurs puissent être remboursés si un fournisseur n’est plus en mesure d’offrir les services achetés auprès d’un agent de voyages titulaire d’un permis de l’Office ».
Le fonds avait une capitalisation d’environ 90M$ en 2013. La contribution des voyageurs au Fonds est passée de 3.50$ (0.35%) par tranche de 1 000$ à 2.00$ (0.2%) en 2012. Pour l’année 2013, la contribution des clients a rapporté plus de 7M$ et c’est sans compter les revenus de placements (fonds) de plus de 6M$.
Étant donné que la part la plus importante des revenus des agences provient de la vente de voyages hors Québec, il me semble qu’il serait pertinent d’évaluer la possibilité de mettre à contribution les Québécois qui voyagent à l’étranger pour tenter de freiner l’augmentation du déficit de la balance commerciale qui a subi une hausse vertigineuse de 853% entre 2001 et 2011, pour s’établir à -3.1 milliards de dollars en 2011. Par exemple :
- Le Fonds passerait sous le contrôle de la SITQ, et, par le fait même la loi et le règlement sur les agences de voyages;
- Une partie des revenus du Fonds, provenant des placements et de la contribution des voyageurs, qui hausserait son taux à celui d’avant 2012, soit de 3.50$ par tranche de 1 000$, serait remise à la SITQ;
- Une autre option, si faisable, consisterait à ce que tous les achats, de voyages vers l’extérieur du Québec, que ce soit via une agence titulaire d’un permis du Québec ou tout autre moyen, fassent l’objet du prélèvement d’un pourcentage afin de financer la SITQ;
- Si une des trois options est retenue, un représentant de la FICAV devrait sièger au CA de la SITQ.
Comment passer le GO!
La ministre du Tourisme, Mme Dominique Vien pourrait créer un comité totalement indépendant qui aurait comme objectifs de réfléchir sur le modèle d’affaires de l’industrie touristique et son mode de gouvernance.
Le comité aurait « comme mandat d’aller chercher l’adhésion des partenaires concernés par ce nouveau modèle de management, à partir d’un plan d’affaires complet qui identifiera concrètement les étapes à franchir, les aspects financiers, légaux et organisationnels permettant de mesurer les avantages du modèle développé et les gains réalisés ». Citation provenant du Rapport Rozon de mai 2011. Comme quoi, cela est toujours d’actualité.
La prémisse de base de la réflexion du comité serait, la clientèle touristique, de même les réalités des régions et des PME touristiques.
Tous les secteurs d’activités de l’industrie seraient invités à participer à la réflexion collective. Sondages, tables de concertation, sous-comités de travail, etc. pourraient être utilisés. De plus, un sommet de l'industrie touristique pourrait être organisé.
Le comité ferait un rapport, incluant des recommandations pour un modèle de gouvernance plus performant, à la ministre et à la Commission sur la révision permanente des programmes, dirigée par Lucienne Robillard.
Le comité devrait être considéré par la Commission comme interlocuteur privilégié de l’industrie touristique en matière de révision des programmes.
Pour le choix des membres du comité, il y a naturellement une multitude de possibilités, mais l’indépendance et la compétence des membres devraient être les deux critères de base.
Un échéancier devrait être dressé rapidement afin de se coller à celui de la Commission sur la révision des programmes.
Conclusion :
Société d’État ou pas, il est important de revoir notre modèle. TourismExpress vous invite à faire connaître votre point de vue. Réagissez en commentant les parties 1 et 2 de l’article, en utilisant la section commentaires ci-dessous. Écrivez-nous dans l’espace « À vous la parole ». Ou enfin, écrivez-moi à l’adresse suivante : louisrome@tourismexpress.com.
Louis Rome
Rédacteur en chef
louisrome@tourismexpress.com
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