Réaction à la chronique «Alors, on sauve les restos ou les hôpitaux?» de Francis Vailles, dans La Presse du 18 juin

Restauration, Gouvernements · · Commenter

Monsieur Vailles,

Nous sommes choqués de lire vos propos dans la chronique Alors, on sauve les restos ou les hôpitaux? du 18 juin dernier. Il semblerait qu’un choix s’impose entre les différents emplois souffrant actuellement de pénurie chronique et que le gouvernement devrait prendre l’initiative d’encourager les Québécois et les nouveaux arrivants à choisir des emplois « de qualité » plutôt que des emplois « temporaires, peu payants » et destinés à la « main-d’œuvre bon marché » pour la restauration ou l’industrie touristique en général. Outre les conséquences évidentes telles que la fermeture d’établissements, l’allongement des files d’attente, la disparition d’événements populaires et la perte de fleurons culturels qu’entraînerait un tel choix, permettez-nous de vous demander pourquoi vous cloueriez nos industries au pilori, alors qu’elles font partie intégrante de la société?

Pour débuter, permettez-nous de vous souligner l’importance de nos secteurs respectifs, tant pour l’économie québécoise et la création de richesse, que pour le rayonnement culturel du Québec. L’industrie du tourisme représente plus de 2 % du PIB québécois dont 34,5 % des capitaux sont des intrants nets à la balance commerciale de la province. Peu d’industries peuvent se targuer de créer autant de valeur et encore moins peuvent affirmer être un vecteur de croissance pour d’autres industries par leur rayonnement à l’international et la convoitise qu’ils créent pour les produits, autant gourmands que culturels, faits au Québec.

D’autre part, et puisque vous en parlez spécifiquement, les festivals permettent un accès à travers le Québec à des activités culturelles et sont une source de fierté pour tous les Québécois et Québécoises. Leur financement provient d’un ensemble de sources dont un investissement savamment calculé, générateur de richesse et de retombées économiques et sociales pour une multitude de communautés sur l’ensemble du territoire, et non une subvention à l’emploi saisonnier, comme vous l’insinuez. Aussi, pour chaque serveur embauché dans ce secteur, une foule de manœuvres aux spécialisations techniques s’activent en arrière-scène et aucun de ceux-ci n’est arraché à la restauration in situ.

Les employés qui constituent la main-d’œuvre de ce secteur vital ne sont pas des laissés-pour-compte qui préféreraient assurément être ingénieurs ou mécaniciens de machinerie lourde : les emplois de la restauration, tout comme ceux de l’hébergement et des festivals, sont des emplois enrichissants que plusieurs exercent par amour du métier. Ils représentent, dans bien des cas, le premier emploi qui servira à bâtir une expérience et une carrière. D’ailleurs, bon nombre de futurs professionnels travaillent dans nos entreprises lorsqu’ils sont aux études.

Par ailleurs, quel est l’intérêt d’avoir un emploi « payant » selon vos standards, s’il ne reste plus d’entreprises récréatives où dépenser son revenu discrétionnaire? Selon votre modèle, les travailleurs aux emplois payants devront se tourner vers d’autres destinations que le Québec pour savourer un bon repas, profiter d’une chambre d’hôtel propre et s’amuser en famille - avec ce que cela peut représenter comme fuite de devises! – puisqu’il n’est pas prioritaire d’investir dans des emplois de l’industrie touristique québécoise.

La société est composée d’une myriade de types de personnes, aux compétences variées et aux intérêts différents. De « prioriser », par une stratégie ou une autre, des secteurs aux « emplois indispensables » revient à dire que certains emplois sont « dispensables » et sont appelés à disparaître au profit, notamment, de la technologie. Nous pourrions abonder en ce sens pour tous les types d’emplois, en suivant cette logique, et dire qu’il serait plus profitable pour la société en général de remplacer les ingénieurs par des machines pourvues d’intelligence artificielle, vu la longue courbe d’apprentissage des humains, les heures de travail limitées et le risque d’erreur omniprésent. Si cette proposition choque, c’est parce que la plupart des gens préfèrent le contact humain à la programmation informatique et il en va ainsi pour tous les métiers, la restauration, l’hébergement et le secteur événementiel inclus.

En terminant, l’application aveugle de stratégies basées uniquement sur le concept d’emplois de qualité ou payants dévalorise le choix de carrière et les métiers de tous les Québécois et Québécoises ayant choisi de travailler dans nos industries respectives. Rappelons-nous une formule simple : il n’y a pas de sot métier!

Signataire sous le titre

Alain Mailhot
Président-directeur général
Association Restauration Québec (ARQ)

Signataires sous le texte

L’honorable Liza Frulla C.P., C.M., O.Q.
Directrice générale
Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec (ITHQ)

Manuela Goya
Vice-présidente – Développement de la destination et affaires publiques
Tourisme Montréal

Xavier Gret
Président-directeur général
Association Hôtellerie Québec (AHQ)

Eve Paré
Président-directrice générale
Association des hôtels du grand Montréal (AHGM)

Martin Roy
Président-directeur général
Regroupement des événements majeurs internationaux (RÉMI)

Sylvie Théberge
Directrice générale
Société des Attractions Touristiques du Québec (SATQ) et Festivals et Événements Québec (FEQ)