OPINION - La restauration au Québec: près de 85% de nos restaurants seraient en mode survie!

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Plusieurs médias de la région du Québec ont abordé la semaine dernière la problématique de la restauration au Québec. Saturation du marché, suroffre, difficultés à s'ajuster aux nouvelles tendances de consommation, accès au financement ou problèmes de main-d’oeuvre nombreux sont les facteurs qui rendent la vie de nos restaurateurs particulièrement difficile.

Le retour à l’avant-plan de cette situation m’amène à faire une nouvelle réflexion dans la foulée d’un article que j’avais publié dans TourisExpress en février 2014.

LA RESTAURATION AU CANADA

Le Canada compte 80 000 établissements de restauration qui donnent de l’emploi à plus d’un million de travailleurs. Chaque jour, plus de 18 millions de Canadiens sont accueillis par nos restaurateurs, qui génèrent annuellement, à l’échelle canadienne, près de 45 milliards de revenus.

Près de 60% de ces revenus sont enregistrés dans les 200 principales chaînes de restauration, majoritairement de type "restauration rapide",  qui comptent 25 000 établissements.

Du côté de la demande, le ménage canadien moyen (couple avec deux enfants) dépense environ 2 900$ par an au restaurant.

LA RESTAURATION AU QUÉBEC

Le Québec compte plus de 20 000 restaurants, soit environ 25% de l’offre canadienne. Près de 5 000 établissements (25%) sont membres de l’Association des restaurateurs du Québec (ARQ). Le secteur de la restauration québécoise donne de l'emploi à plus de 210 000 travailleurs, soit environ 5% de la main-d’oeuvre de la Belle Province. De ce nombre, 80 000 travailleurs ont moins de 25 ans.

Les régions de Montréal, de la Montérégie et de Québec sont les régions qui ont les plus fortes concentrations de cette offre.
    
Quelques chiffres 

L'industrie de la restauration a généré en 2015 des ventes de plus de 11 milliards$, affichant une progression de 3,3% par rapport à 2014. Une fois l’inflation soustraite, cette croissance se transforme toutefois en stagnation, avec une faible progression de 0,5%

L’industrie est composée à 50% de petites entreprises de moins de 10 employés dont le chiffre d'affaires moyen est de 555 000$. Les bénéfices moyens d'un restaurant avant impôts variaient en moyenne entre 2,7% et 4%, une diminution par rapport à l'année précédente.

Les bénéfices moyens avant taxes d’un établissement québécois se situent aux environs de 21 000$.

Près de 65% des établissements sont opérés par des indépendants, alors que 35% appartiennent à des chaines.

QUAND LES QUÉBÉCOIS VONT-ILS AU RESTO?

Une analyse du Réseau de veille en tourisme "Le Portrait de la restauration au Canada" publiait en 2014 que le repas du soir était celui qui était le plus souvent pris au restaurant par les Québécois. Ce dernier représentait 30% de l’achalandage et 47% des recettes. Le petit-déjeuner représentait 17% de l’achalandage.

TABLEAU 1

QUE MANGENT LES QUÉBÉCOIS?

TABLEAU 2

Il est également intéressant de jeter un regard du côté de l’offre et de détailler les types d’établissements de restauration au Québec.
                                                                   
Ainsi, les restaurants de types petits-déjeuners, grillades, cafés, pizzerias et salades sont les cinq spécialités les plus importantes quand vient le temps de passer à table au Québec.

Près d’une vingtaine de catégories nous permettent de segmenter l’offre en terme de spécialités en restauration.

LES GRANDS GROUPES DE RESTAURATION

Au cours des cinquante dernières années, une douzaine de groupes de restauration québécois se sont développés. Ces groupes détiennent majoritairement des établissements au Québec, mais quelques-uns ont développé leur réseau hors Québec.

Certaines chaînes sont devenues, au fil des ans, de véritables éléments du patrimoine québécois ou des composantes sociales incontournables.

 GRAND GROUPES QUÉBÉCOIS DE RESTAURATION

TABLEAU 3

LA RESTAURATION ET L’INDUSTRIE TOURISTIQUE 

Selon les données de Tourisme Québec, la province compte près de 30 000 entreprises touristiques. De ce nombre, 50% sont des établissements de restauration qui sont en lien avec les différentes clientèles touristiques.

La présence de l'offre en matière de restauration est donc très importante au niveau de l'offre touristique québécoise, particulièrement en matière de produits du terroir.                   

TABLEAU 4

À titre d’exemple, dans une région comme Montréal, les restaurateurs ont enregistré en 2011 près de 25% des revenus de l'industrie touristique de la métropole, contre 31% pour le secteur de l’hébergement.

Le Réseau de veille précisait également dans son analyse ‘’Portrait de la restauration au Canada‘’ de novembre 2014 que les dépenses touristiques dans l’industrie canadienne des services alimentaires représentaient environ 18% des dépenses, dont 4% seraient attribuables aux touristes internationaux.

TABLEAU 5

LE TAUX DE « SURVIE » DES RESTAURANTS AU QUÉBEC

L’exploitation d’un établissement de restauration au Québec s’avère un défi de taille. Le défi est encore plus important quand l’on s’arrête à la pérennité de l’établissement.

Ainsi, seulement 15% des restaurants québécois franchissent leur 9e année d'opération. Qui plus est, 71% d'entre eux ferment leurs portes avant leur 5e anniversaire.

Annuellement, environ 300 restaurants font faillite au Québec.

Au niveau canadien, le Québec compte 25% des établissements, mais seulement 20% des ventes. Une adéquation qui explique le fait que la Belle Province affiche chaque année 60% des faillites de restaurants au Canada.

MAIS OÙ EST DONC LE PROBLÈME?

Mon bref regard sur la nature de l’offre, la demande et les problématiques de la restauration au Québec m’amènent rapidement à trois constats:

1. La diminution systématique du pouvoir d’achat des ménages québécois a un impact important sur la rentabilité de notre offre en matière de restauration.

En fait, les dépenses des ménages québécois en matières de restauration ont diminués de 6% depuis 2010, alors que les dépenses d’exploitation des établissements de restauration ont considérablement augmentés.

Les Québécois se retrouvent, à ce titre, en queue de peloton au Canada.

TABLEAU 6

De l’avis des restaurateurs québécois, bien peu d’entres eux pourraient faire face à une simple fermeture de rue où à un soubresaut de l’économie.

Le spectre de la hausse du salaire minimum est également une perspective que plusieurs envisagent comme un "problème de survie".

2. La restauration est en suroffre au Québec, notamment dans nos deux grandes villes.

Le ratio restaurant par 1000 habitants est particulièrement élevé dans les villes de Québec et Montréal.

À titre d’exemple, la ville de Québec compte maintenant un restaurant pour 350 habitants, alors que Chaudière-Appalaches compte un restaurant pour 450 habitants et qu’une métropole internationale comme New York a un ratio d’un restaurant pour 1000 habitants.

De plus, le développement d’une offre moderne et dynamique dans des secteurs comme LeBourgneuf à Québec ou au Dix 30 et dans le croissant nord (Laval, Basse-Laurentides et sud de Lanaudière) de la région de Montréal ont comme impact le déplacement des clientèles locales vers de nouveaux pôles de consommation.

3. La difficulté systémique pour notre industrie à developper nos clientèles hors-Québec notamment les marchés limitrophes américains.

La perte de nos 2 millions de touristes américains des dernières années et notre manque à gagner d’un autre million durant la même période amène le Québec à un déficit touristique de près de 3 millions de touristes américains.

Ces 3 millions de touristes, dans une hypothèse d’escapades de trois jours, enregistreraient plus de 10 millions de repas supplémentaires dans nos restaurants, majoritairement ceux de nos deux grandes villes. Il y a là une piste sur laquelle nous devrions nous attarder.

Sources:

Association des restaurateurs du Québec

Groupe Hebdo - 2016, Exceptionnelle pour les restaurateurs de Québec, 8 novembre 2016

HRImag - 85% des restaurateurs en mode survie: réalistes ou alarmiste?, 7 novembre 2016          

Portrait de la restauration au Canada - Réseau de veille en tourisme, novembre 2014

Collaboration spéciale, Éric Fournier