Le milieu des festivals montréalais : des défis, mais plusieurs opportunités (2e partie), par Pierre Bellerose

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Le 14 juin dernier, j’avais mis la table de mon analyse de l’état de situation des festivals montréalais par un premier billet qui tentait d’expliquer les dynamiques dernières le succès exceptionnel de l’écosystème des festivals montréalais depuis une quarantaine d’années.

En fait, je le résumais dans mon premier article par trois facteurs :

  1. Un nombre impressionnant de promoteurs dynamiques et créatifs;
  2. Un écosystème de financement public qui a su suivre et financer cette l’évolution et la croissance du milieu festivaliers montréalais;
  3. Mais aussi (et peut-être surtout) le développement de sites extérieurs centraux et dédiés à l’événementiel avec, bien-sûr, un rôle essentiel de la Place des Festivals (inaugurée en 2009).

Et à l’aube de l’été 2023, qu’en est-il du dynamisme de la trame événementielle montréalaise? Quels sont les défis et les tendances que l’on remarque?

Festival Mutek à l'esplanade Tranquille (2022)/Crédit: Myriam Ménard

Constatons, dans un premier temps, que le milieu des festivals montréalais a fait preuve de résilience et qu’au sortir de la COVID, la très vaste majorité de nos festivals sont de retour. Les touristes sont en grand nombre à Montréal et les Montréalais aussi participatifs qu’avant la COVID. En fait, peu de pertes durant les trois dernières années, sauf quelques petits et récents événements du secteur de la bouffe (YulEat, Omnivore et Bouffons Montréal) ainsi que les difficultés pour l’édition 2023 de Carifiesta.

Nous avons même vu l’apparition d’importants nouveaux festivals au cours des deux dernières années : Lasso Montréal (première édition en 2022), Festival Metro Metro (première édition 2021) et le Festival Fuego Fuego (première édition 2022). Selon son rapport annuel 2022, Tourisme Montréal a financé, dans le cadre de son programme d’aide aux événements et festivals, environ 70 événements en 2022. C’est énorme pour un programme qui est par définition dédié aux festivals qui rayonnent et qui accueillent des touristes. Et tout semble indiquer que ce chiffre ne baissera pas (au contraire) en 2023.

Malgré ce retour, et le retour relatif des clientèles, les festivals montréalais (comme beaucoup d’événements québécois) font face à plusieurs défis importants :

1. Une augmentation importante des coûts

Tous les festivals font face à des augmentations de coûts (liées entre autres à l’inflation) qui sont souvent de 15% et même supérieurs, dans plusieurs cas. Il sera difficile de refiler ce niveau de hausse aux clients, ce qui amène des choix difficiles au niveau de la programmation

2. Le défi des ressources humaines

La pénurie de main-d’œuvre n’est pas l’apanage des festivals, mais le caractère saisonnier de ce secteur, un taux de roulement de plus en plus élevé, l’utilisation des bénévoles et le besoin de personnel spécialisé (entre autres techniciens de scènes) rend l’exercice périlleux.

3. Le retour des programmes réguliers de financement public

Le financement public, relativement généreux au cours de la COVID, a permis aux festivals de passer à travers et de revenir en force. Toutefois, le retour aux programmes d’aide réguliers amène son lot d’incertitude. De plus, malgré des enveloppes maintenues, le nombre croissant de festivals soutenus réduit parfois le soutien reçu par chacun des promoteurs, compliquant ainsi les montages financiers.

4. Durabilité et responsabilité sociale

L'avenir des festivals à Montréal sera également influencé par leur engagement envers la durabilité et la responsabilité sociale. Les organisateurs doivent adopter des pratiques écoresponsables, telles que la réduction de l'empreinte carbone, la gestion des déchets, l'utilisation d'énergies renouvelables, et promouvoir l'inclusion, la diversité et l'équité dans leurs programmations. Des avancées significatives ont été observées au cours des dernières années, notamment avec la création d'une norme BNQ pour les événements écoresponsables, mais il reste encore à faire!

Des changements prometteurs pour les festivals montréalais

A. De nouveaux sites événementiels

Je l’ai écrit précédemment; l’un des facteurs différentiels de l’écosystème montréalais est la présence de plusieurs sites événementiels extérieurs dédiés aux festivals. Une des caractéristiques de cette reprise de 2023 est la venue de nouveaux sites extérieurs qui viennent s’ajouter à la Place des Festivals, au Parc Jean-Drapeau et au Vieux-Port de Montréal. Il s’agit d’ajouts exceptionnels qui permettront à des événements existants à mieux se déployer et à de nouveaux festivals d’émerger dans de meilleures conditions.

Le festival montréalais Yatai Mtl, juin 2023, Les Quais

Aucune destination mondiale n’a autant de sites festivaliers centraux et adaptés aux besoins des organisations festivalières et de ces promoteurs. Les ajouts récents viennent consolider le leadership international de Montréal dans ce secteur.

B. Enfin, les communautés prennent leur place

Un des reproches importants faits aux festivals montréalais dans le passé était sa faible diversité malgré la présence de quelques événements d’importance (dont Nuits d’Afrique, Présence Autochtone, la Fierté et Mundial Montréal). Force était de constater que les communautés ethniques, par exemple, étaient sous représentées.

Les choses sont en train de bouger considérablement, même si on sentait déjà des signes au cours des dernières années. Par exemple, le surprenant Festival Indien « Holi » qui en est à sa 4e édition cet été.

À l’été 2023, sur le seul nouveau site des Quais, au Bassin Peel, on retrouve trois nouveaux festivals liés à autant de communautés pour cette première programmation. Et l’Asie est à l’honneur!

  • YATAI MTL, festival qui célèbre le Japon et sa cuisine de rue – du 8 au 11 juin
  • Cho Ðêm MTL, festival culturel et de rue vietnamien – du 15 au 18 juin
  • POCHA MTL, festival culturel et de rue coréen – du 6 au 9 juillet

En fait, plusieurs événements des communautés émanant des quartiers montréalais et certains acteurs souhaitent proposer leurs offres et présenter leurs cultures à un plus grand nombre. Nous verrons ce type de manifestations issues des communautés grandir et se multiplier dans les prochaines années. Montréal change, et les festivals aussi! Et c’est tant mieux.

Montréal doit préserver son dynamisme pour demeurer résolument LA ville des festivals. Les autres destinations aussi bougent et on se doit de continuer de donner l’appui nécessaire à nos organisations festivalières phares et émergentes, tout en laissant une nouvelle place aux événements provenant des communautés.

Par Pierre Bellerose, qui est consultant en développement des affaires et stratégies, cofondateur du MT Lab et président des CA des événements Hub Montréal, Mundial et de M pour Montréal


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