Eve Paré - Lettre d'opinion : Un besoin d’oxygène pour les entrepreneurs hôteliers, l’épine dorsale de notre industrie touristique

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Hier, le lundi 25 mai dernier, paraissait dans La Presse une lettre d’opinion d’Eve Paré interpellant les gouvernements à prendre action pour venir en aide aux entrepreneurs hôteliers. Comme c’est une version écourtée de la lettre initialement proposée que vous avez pu lire, nous vous proposons aujourd’hui la lettre dans son intégralité.

Bonne lecture!

Un besoin d’oxygène pour les entrepreneurs hôteliers, l’épine dorsale de notre industrie touristique

Le président du Conseil du trésor, Christian Dubé, mentionnait récemment dans un article qu’il « faudra venir en aide au secteur hôtelier, exsangue depuis la mi-mars ». En effet, depuis le début de la pandémie, on entend dire que l’hôtellerie sera probablement la dernière des industries à retomber sur ses pieds, lorsqu’il y aura retour à la « nouvelle norme ». Entre-temps, comment faire pour protéger cette industrie qui contribue au rayonnement de la ville à l’international? Comment empêcher les entrepreneurs hôteliers de mettre définitivement la clé sous la porte et à ces derniers de continuer à offrir des emplois de qualité aux Québécois? Comment continuer à pourvoir des services essentiels, lorsque l’occupation n’est simplement plus au rendez-vous?

Une reprise des activités qui prendra du temps à se faire sentir pour nos hôtels du Grand Montréal et du Québec

À Montréal, on estime que ce sont plus de trois hôtels sur quatre qui sont détenus par des entrepreneurs locaux. Alors que certains opèrent de manière indépendante, plusieurs ont opté pour le modèle de franchises. Arborant une bannière internationale, il n’en demeure pas moins que ce sont des entrepreneurs de chez nous qui possèdent ces établissements. Certes, les modèles d’affaires sont différents, mais les enjeux restent les mêmes, et tous contribuent à l’activité économique du Québec. Les entrepreneurs hôteliers vivent depuis plusieurs semaines sans revenus alors qu’ils font face à d’importantes obligations financières. Bien que les Montréalais puissent maintenant avoir un peu d‘air, que les commerces ouvrent de nouveau et qu’enfin, le beau temps se pointe le nez après un printemps plutôt maussade, nos hôtels, eux, continueront de faire face aux mêmes défis et pour un certain temps encore.  

Avec le nouveau report de l’ouverture des frontières, notamment celle de nos voisins américains qui n’ouvrira pas avant fin juin, l’industrie hôtelière se voit amputée d’une grande partie de son achalandage. Bon an mal an, ce sont 80 % des clients qui provenaient de l’extérieur du Québec. L’annulation de la tenue des festivals qui rythment la ville pendant l’été, de même que celle des grandes conférences internationales et des événements mondiaux qui font rayonner Montréal, accentue la réalité des hôtels de Montréal qui font face à un enjeu de rentabilité. En avril dernier, le taux d’occupation au centre-ville était de 3,6 % alors qu’il avoisine normalement les 70 % en cette période de l’année. On compte aussi, 86 % des équipes de travail de plus d’une centaine d’hôtels montréalais qui ont été mis à pied temporairement et il est difficile de dire à quel moment il sera possible de les rappeler au travail. De plus, la moitié des établissements hôteliers de la métropole ont suspendu leurs activités depuis la fin mars, car les carnets de réservations sont vides pour les mois à venir. Alors que plusieurs Québécois prendront leurs vacances au Québec cet été, Montréal, dans le contexte actuel, risque de ne pas être une destination privilégiée.

Bien que des mesures gouvernementales ont été annoncées pour atténuer l’impact de la pandémie sur les secteurs les plus touchés par la crise, l’industrie hôtelière a une réalité bien particulière. En effet, si les mesures constituant des prêts et des reports de paiements permettent d’offrir un répit momentané, les entrepreneurs hôteliers n’entrevoient pas le moment où leurs revenus seront suffisants pour leur permettre le remboursement des sommes et craignent ainsi que l’accroissement du niveau d’endettement soit si important que cela puisse compromettre la viabilité de certaines entreprises.

Une demande de soutien aux frais fixes, spécifiquement dédiée à l’industrie hôtelière

Les entreprises hôtelières du Grand Montréal, comme partout au Québec, sont structurées pour résister aux fluctuations saisonnières. Elles offrent des emplois qui sont très bien rémunérés, avec de belles perspectives de carrières et accompagnées d’avantages sociaux généreux. Néanmoins, il est clairement impossible de soutenir les importantes pertes de revenus qu’elles subissent présentement, et ce, pendant des périodes aussi longues et incertaines.

C’est dans ce contexte qu’il faudrait développer un programme d’aide d’urgence spécifiquement adapté à la réalité des entreprises hôtelières. L’objectif étant d’apporter une solution concrète et rapide à la problématique des frais fixes. Un allégement du fardeau financier des entreprises hôtelières permettrait par exemple de mettre en place un soutien au paiement des taxes foncières qui représente un montant colossal de leur budget d’opération. À Montréal, cette taxe arrive à échéance le 2 juillet et les hôtels ne sont pas en mesure de pouvoir s’en acquitter. Cependant, ce contexte incertain présage que ce ne sera pas le seul coût fixe que les hôteliers ne pourront pas payer; d’autres échéances viendront s’empiler et si le statu quo demeure, il risquerait de provoquer la fermeture de bon nombre d’établissements hôteliers ce qui mènerait à d’importantes pertes d’emplois. 

Dans le contexte d’une absence complète de la clientèle, les hôteliers voient cette échéance comme une charge de laquelle plusieurs ne se relèveront pas. Avec une industrie hôtelière fragilisée, c’est tout l’écosystème touristique de l’économie québécoise qui en pâtirait et à fortiori, la balance commerciale du Québec. Ainsi, dans le but d’éviter des fermetures définitives, l’industrie hôtelière doit pouvoir avoir les moyens financiers d’envisager une relance positive, dynamique et solidaire, au moment venu.

Une industrie nécessaire et engagée

Le 23 mars dernier, alors que le gouvernement du Québec plaçait les établissements hôteliers sur la liste des services essentiels, l’industrie hôtelière a, à ce titre, contribué positivement à l’effort collectif de solidarité, en mettant en place un certain nombre d’initiatives exemplaires, tant pour le bien-être physique, sanitaire, sécuritaire que mental des Québécois en période de confinement.

  • La communauté hôtelière a répondu présente en hébergeant les patients lors d’opérations de délestages des hôpitaux, en accueillant le personnel soignant et en offrant un toit pour les femmes victimes de violence.
  • Plusieurs hôtels ont rappelé leurs brigades culinaires pour distribuer, aux Banques alimentaires du Québec, des plats cuisinés dans le cadre du mouvement des Cuisines solidaires de la Tablée des Chefs.
  • Quelques établissements ont répondu à l’appel lancé par la Ville de Montréal d’offrir des draps, serviettes et autre matériel de première nécessité aux personnes en situation d’itinérance.
  • Unis par la passion du métier et leur volonté affirmée d’être utile et essentiel pendant cette crise sanitaire mondiale, les membres de l’AHGM ont mis en place le projet Ananas qui permet aux employés de l’hôtellerie de contribuer au bien-être des Québécois en partageant des astuces sous forme de capsules vidéo. Différentes personnes qui travaillent dans le milieu de l’hôtellerie partagent leur savoir-faire pour « reproduire le confort ressenti lors d’un séjour à̀ l’hôtel, mais à la maison ». Cette initiative permet non seulement de faire rayonner l’industrie, le savoir-faire montréalais tout en célébrant le talent de chez nous.
  • L’Association a aussi participé à l’effort sanitaire en offrant à ses membres et partenaires la possibilité de commander des masques fabriqués au Québec. Pour chaque masque vendu, un montant de 2$ sera remis aux Banques alimentaires du Québec.
  • Finalement, en signe de solidarité au personnel médical, plusieurs hôtels ont décoré leurs façades de lumières arc-en-ciel.

En attendant de pouvoir rappeler leurs équipes, de recommencer à accueillir des invités, de rouvrir les banquets et surtout de pouvoir continuer à contribuer à l’essor économique du Québec, les hôtels du Grand Montréal comptent sur le soutien et l’attachement des Montréalais, par le biais de leurs gouvernements responsables pour les aider à traverser cette période difficile en allégeant le fardeau économique. C’est dans ce contexte inédit que l’AHGM espère pouvoir compter sur un programme d’aide d’urgence spécifiquement adapté à la réalité des entreprises hôtelières et permettant d’apporter une solution concrète et rapide à la problématique des frais fixes. C’est la survie d’entreprises d’ici et celle de milliers d’emplois de qualité qui sont en jeu. Car nous savons que les beaux jours reviendront aussi pour nous un jour!

Eve Paré
Présidente-directrice générale de l’Association des hôtels du Grand Montréal