Transport aérien régional au Québec : un début d’année mitigé, par Mohamed Reda Khomsi
Les années se succèdent et se ressemblent pour le transport aérien régional au Québec. En ce début d’année 2023, les dirigeants de l’aéroport régional de Mont-Joli ont fait savoir qu’aucun transporteur n’offre désormais la liaison directe entre Montréal et leur aéroport. Dans un reportage réalisé par les équipes de ICI Radio-Canada Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine, le maire de Gaspé et président de l’UMQ souligne que « le transport aérien régional n’a jamais été aussi mal ». Pourtant, il y a presque un an lors du lancement du Programme d’accès aérien aux régions (PAAR) par le ministre du Transport de l’époque, presque tout le monde se réjouissait, à raison, de l’arrivée de ce programme, qui était censé donner un nouveau souffle aux régions. Qu’est-ce qui est arrivé en l’espace de quelques mois pour que les perceptions changent complètement ?
Le prix n’est qu’une partie de l’équation
En 2018-2019 j’ai mené, avec la collaboration de mes collègues Isabelle Dostaler de Memorial University et Sanaa Malyadi de l’Université du Québec à Montréal, une étude pour le compte du ministère de Transport pour dresser le profil de la demande du transport aérien régional de passagers au Québec. À ce titre, nous avons mené un sondage auprès de 1500 répondants prélevés aléatoirement au sein d’un échantillon représentatif des ménages de six régions suivantes : le Bas-Saint-Laurent, du Saguenay–Lac-Saint-Jean, de l’Abitibi-Témiscamingue, de la Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine, de la Côte-Nord et du Nord-du-Québec. L’objectif de cette enquête était double : d’une part, brosser le portrait des utilisateurs du transport aérien régional au Québec et d’autre part, et surtout, identifier les barrières qui font en sorte que les habitants de ces régions n’utilisent que très rarement ce moyen de transport. Pour cette dernière catégorie de citoyens, et sans surprise, le prix a été identifié comme la barrière qui limite le plus le recours au transport aérien régional, néanmoins, la question de la fiabilité du service avait presque le même poids que le prix lorsque c’est le moment de décider de prendre, ou non, l’avion pour faire un déplacement vers une autre région. Autrement dit, en l’absence de vols réguliers d’une région vers une autre, de la possibilité de faire des aller-retour le même jour et de la disponibilité des vols directs, les voyageurs vont plutôt utiliser d’autres moyens de transport, souvent la voiture, même si le prix du billet d’avion est abordable.
La nécessité d’une réelle politique en matière de transport aérien régional
À partir des résultats de l’enquête et de l’analyse des meilleures pratiques en la matière, nous avons formulé plusieurs recommandations, mais la principale fut la nécessité de développer une réelle politique en matière de transport aérien régional. Plus concrètement, le problème le plus important pour le secteur c’est la faiblesse structurelle de la demande de et vers les régions éloignées de la province. À partir de là, il faut déployer des outils pour stimuler la demande et la baisse des prix est certainement un outil très efficace pour atteindre cet objectif. Cependant, cette avenue ne résout qu’une partie du problème dans la mesure où le voyageur qui se déplace vers ces régions, que ce soit pour le loisir ou pour affaires, a besoin de services complémentaires durant son séjour dans le territoire. D’un point de vue purement touristique, si l’offre d’hébergement est limitée au point où il est difficile de trouver des disponibilités tout au long de l’année, que l’offre de restauration est réduite à l’extérieur de la haute saison et que les moyens de transport à l’intérieur de la région sont faibles, il est difficile d’imaginer que la baisse de prix à elle seule pourrait résoudre le problème du transport aérien régional.
Dans ce contexte l’annonce du ministère du Transport de rendre permanent le comité sur le transport aérien régional est certainement une très bonne nouvelle. Ce comité, qui aura pour objectif, entre autres, de réfléchir à de nouvelles mesures pour améliorer la situation du transport aérien régional, sera certainement, enfin espérons-le, un outil de pression supplémentaire pour faire avancer le dossier dans le bon sens. Cela étant dit, le fait que les premières conclusions de ce comité ne sont attendues qu’en 2024 déçoit un peu, dans le sens où, aussi bien le diagnostic que les solutions sont connues et qu’il ne manque que la volonté de les mettre en pratique pour éviter de perdre encore des années de développement aux régions du Québec.
Mohamed Reda Khomsi
Professeur-chercheur & Directeur des cycles supérieurs en tourisme
Département d’études urbaines et touristiques
École des sciences de la gestion
Université du Québec à Montréal
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