Les étoiles Michelin au Québec, un bon coup marketing, par Frédéric Gonzalo

Restauration, Économie · · Commenter

Grosse nouvelle, la semaine dernière : le guide Michelin arrive au Québec et dès 2025, on devrait connaitre les premiers restaurants qui auront l’honneur d’arborer une, deux, voire trois étoiles sur leur devanture! Une annonce qui a fait couler beaucoup d’encre et qui suscite également son lot de critiques.

Le restaurant Le Champlain à Québec

Car on va se le dire : il s’agit d’un investissement monétaire assez conséquent. Les médias ont certes fait état de la contribution de DEC (Développement Économique Canada), qui se chiffre à 450,000$ sur trois ans. Mais tous les autres partenaires dans cette aventure investissent également : l’Alliance de l’industrie touristique du Québec, Tourisme Montréal, Québec Destination Cité, et Montréal Centre-ville.

On ne sait malheureusement pas le montant exact de cet investissement, car Michelin exige une clause de confidentialité dans ses contrats. Mais TourismExpress a su de source sûre que l’investissement serait de 600,000$ par année, sur une période de trois ans, pour un investissement total de 1,8M$. (Ce montant inclus la contribution de DEC)

Est-ce dispendieux? C’est beaucoup moins cher que pour deux matchs des Kings de Los Angeles durant leur pré-saison au Centre Vidéotron, mettons. Mais encore?

L'importance des étoiles Michelin

On connait Michelin, la compagnie française de pneus qui existe depuis bientôt 150 ans. Or, au début des années 1900, l’entreprise crée son fameux « guide Michelin » qui répertorie les meilleures adresses où s’arrêter lorsqu’on voyage… en voiture, bien sûr, question de bien user ces pneus qui les chaussent!

Encore aujourd’hui, l’existence des étoiles Michelin s’avère un gage de succès, pour ne pas dire d’un certain prestige, même s’il existe dorénavant plusieurs autres plateformes ou labels qui évaluent également l’offre de restauration. On pense notamment à l’application québécoise Tastet, mais aussi les avis déposés sur Google, TripAdvisor, OpenTable, RestoQuébec, Yelp et plusieurs autres.

Si les étoiles Michelin ont longtemps été une marque forte uniquement présente en France, puis en Europe, leur arrivée en Amérique du Nord est encore récente. Au Canada, ce n’est que depuis 2022 que l’on peut ainsi visiter des restaurants étoilés Michelin à Vancouver, et depuis 2023 à Toronto.

Les bénéfices

Obtenir une étoile Michelin, qu’est-ce que cela rapporte, concrètement? Selon l’ancien chef Joël Robuchon, cité dans le magazine Food & Wine en 2021, « l’obtention d’une seule étoile peut augmenter votre chiffre d’affaires d’au moins 20%. Une deuxième étoile, une augmentation de 40%. Et une troisième étoile, c’est 100% d’augmentation ».

Pour des restaurateurs ayant reçu la fameuse étoile, tant en Europe qu’au Canada, il semble que cette citation s’avère même parfois sous-estimée. Mais attention : augmentation de l’achalandage ne signifie pas forcément augmentation de la profitabilité – surtout quand on sait ce qu’il en coûte en matières premières et main d’œuvre pour livrer l’expérience requise dans ces établissements haut de gamme.

Les critiques

Plusieurs voix se sont élevées pour marquer leur désaccord face à cette annonce. Premièrement, l’investissement de fonds publics dans cette aventure semble laisser un goût amer dans la bouche de certains observateurs.

Pour d’autres, il s’agit d’une pression indue qui sera déposée sur des restaurateurs qui en ont déjà beaucoup à gérer depuis la sortie de pandémie. Vous connaissez peut-être l’histoire de ce chef français qui s’était suicidé il y a quelques années lorsque son restaurant avait perdu une étoile – eh oui, la décotation existe aussi!

Source: ICI RDI, 29 août 2024

Puis il y a le fait qu’on ne sait pas trop comment sont octroyés ces fameuses étoiles. Vous connaissez les critères, vous? Quand on regarde la liste connue et partielle, on se demande bien comment sera évalué « la personnalité du chef » et le poids accordé à des facteurs tels que l’harmonie des saveurs et la maitrise des techniques. Surtout que les évaluations sont faites à l’aveugle, par des inspecteurs anonymes qui n’annoncent pas leur venue dans un établissement au préalable.

Au final, un bon coup marketing! 

En fin de compte, il faut poser la question aux restaurateurs eux-mêmes, car ils seront les premiers gagnants de cette nouvelle. Or, un sondage a été effectué auprès des membres de La Table Ronde, organisme qui veille aux intérêts des meilleures tables du Québec. Les deux tiers (66%) des membres étaient favorables, selon Patrick St-Vincent, directeur du développement et des relations avec les membres de La Table Ronde.

Je reprends ici au passage la citation de Normand Laprise, chef reconnu du restaurant Toqué, à Montréal, qui disait l’an dernier que « Montréal n’a pas besoin de Michelin pour confirmer qu’elle est une ville gastronomique, mais être reconnu par Michelin serait magnifique ».

Le restaurant La Tanière 3, à Québec, candidat potentiel aux étoiles Michelin?

Revenons donc à la question posée au début de cet article. 1.8M$ sur trois ans, est-ce cher payé? À l’échelle de la destination provinciale, 600k$ par année pour environ 12 restaurants qui se verront octroyés une ou plusieurs étoiles, cela revient à environ 50,000$ par restaurant. (NOTE: aucun restaurant ne paie pour obtenir ou conserver une étoile, l’investissement provient de la destination et de partenaires)

Mais surtout, il s’agit d’un label, ou d’un badge d’honneur pour une destination qui cherche à se positionner sur l’échiquier du tourisme gourmand sur la scène mondiale. Il y a des touristes qui veulent manger dans un resto Michelin comme d’autres veulent visiter un site du patrimoine de l’UNESCO ou d’autres veulent héberger dans un Relais & Châteaux.

En ce sens, l’arrivée du guide Michelin est prometteuse pour la destination et marque un joli coup d’un point de vue marketing territorial et gourmand!  

Frédéric Gonzalo, Collaboration spéciale

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Nominations

NOMINATIONS SEMAINE DU 19 AOÛT 2024

  • Brasserie 701 de l'Hôtel Place d'Armes – Aurore Rousseau
  • Groupe Germain – Montréal et Toronto – Paul de La Durantaye, Nicolas Lazarou et Jean-Philip Dupré
  • Palais des congrès de Montréal – Nicolas Joël
  • AQS – Catherine Rocheleau & Audrey Bouquot

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