À l'approche des séries... notre jeu est-il trop défensif?
J'écoutais avec attention la semaine dernière le premier ministre Couillard faire le bilan économique de sa première année à la tête du Québec.
Je dois vous avouer que je suis en accord avec presque la totalité des mesures qui ont été mises en place et à mon avis, plus d'efforts auraient dû être consentis afin de revoir plus à fond les mécanismes de gestion de l'état québécois.
J'étais particulièrement attentif à sa vision de création d'emploi et de richesse pour le Québec. En fait, il est impératif pour la société québécoise d'améliorer sa compétitivité et sa productivité.
Et inévitablement, je me suis retrouvé confronté entre cette vision proactive du développement économique du Québec et la dure réalité de notre industrie. Comment se fait-il que le tourisme ne contribue-t-il pas plus à la création de richesse au Québec?
C'est comme si le Gouvernement du Québec n'avait pas l'heure juste à l'égard des problèmes de notre industrie et de son potentiel d'exportation mal exploité.
Pour prendre exemple sur notre sport national, c'est comme si le coach faisait une mauvaise lecture de ce qui se passe sur la patinoire.
UNE INDUSTRIE EN DÉCROISSANCE
La situation de notre industrie est à contresens des objectifs de M. Couillard. 6575 chambres ont disparu de notre parc hôtelier (un phénomène unique au monde), 350 restaurants ferment leurs portes chaque année (représentant 60 % des faillites canadiennes), et 16 des 20 derniers mois ont affiché une décroissance dans nos établissements hôteliers. Les hôtels de Montréal ont d'ailleurs vendu 250 000 chambres de moins en 2014. (revoir l'article : Prévisions touristiques pessimistes pour 2015)
Nous ne sommes pas dans les 100 premiers au monde avec notre taux de croissance annuel inférieur à 1 %. Nos concurrents se situent entre 4 % et 6 % de croissance annuelle. Le Québec a perdu, je le répète, 2 M de touristes américains (notre principal marché) dans la plus grande indifférence au cours des dix dernières années (revoir l'article : Que s'est-il passé avec les marchés américains?).
Si nous étions dans la NHL, nous ne ferions pas les séries. En fait, nous aurions terminé la saison dans les bas fonds du classement.
REVISION DU MODÈLE D'AFFAIRES
Je me suis toujours demandé si ce terme était juste. Il y a un modèle d'affaires de l'état québécois, mais y a-t-il vraiment un modèle d'affaires de l'industrie touristique québécoise?
Bref, une réflexion sur notre « modèle d'affaires » a été initiée par Tourisme Québec il y a un an. Après douze mois, Tourisme Québec vient de faire connaitre ses orientations quant à l'exercice en cours. Louis Rome en a d'ailleurs fait un excellent résumé hier sur TE.
Une réflexion qui dure et perdure
Les représentants de l'industrie touristique réfléchissent depuis 2006 sur les fondements de nos façons de faire. Depuis, cinq ministres et trois gouvernements se sont succédés : Mme Gauthier, M. Bachand, Mme Ménard, M. Bérubé et Mme Vien.
Nous avons connu les Comités produits, la Table TQ-ATR, le Comité marketing hors Québec, le Comité performance, le Comité Rozon, la préparation et le lancement du PDIT, la Table stratégique, les Comités St-Laurent et Hiver, le dévoilement de leurs planifications, le Comité marketing stratégique, tout le processus de réflexion sur notre modèle d'affaires et maintenant les orientations de TQ face à la révision de ce modèle.
Tout au cours de ces dix ans, la performance de notre industrie a continué à décroitre.
Bref, nous n'avons jamais fait les séries, les coachs se succèdent et il y a beaucoup de roulement de personnel dans le club.
UNE INDUSTRIE BIEN SILENCIEUSE
Tous adhèrent à la révision et à une amélioration de nos façons de faire. Tous seront également favorables aux dix orientations identifiées dans le document rendu public par Tourisme Québec hier.
Les lacunes proviennent davantage de notre culture, qui ne favorise pas la vision globale de notre destination.
En fait, les réactions sont soit géographiques, sectorielles ou gouvernementales. Un peu comme si le joueur de centre ne connaissait pas ses ailiers ou son gardien de but.
Rares sont les points de vue qui ont une vision générale et documentée de la destination. Chacun défend son territoire, sa zone de confort et ses acquis. Il n'y a pas de plan de match et les règles du jeu semblent mal connues.
Un bel exemple est celui de la rumeur qui annonçait les intentions de Tourisme Québec de centraliser la gestion de la TSH ou d'en augmenter le niveau de perception. Dès lors, les réactions ont été nombreuses et ont créé un certain émoi. En fait, je vous dirais un peu ironiquement que les réactions ont été plus fortes face à cette rumeur que lors de la perte de nos 2 M de touristes américains.
La presque totalité des acteurs impliqués sont des représentants d'organismes qui dépendent financièrement, et à différents niveaux, des orientations de Tourisme Québec.
La vingtaine d'ATR, la quinzaine d'ATS, la trentaine d'évènements et la quarantaine d'autres produits ou organisations touristiques d'importance ont tous des liens financiers avec Tourisme Québec. Cette réalité complique pour le moins l'exercice de réflexion en cours tout en ne favorisant pas les débats et l'émergence de leadership de compétence. Peu de joueurs sont prêts à aller dans les coins pour sortir « la puck ». (revoir l'article : Révision du modèle d'affaires de l'industrie - le Réseau des ATR rend public son mémoire)
Résultat: nous assistons à une sorte de chasse au trésor ou chacun essaie de bien se positionner dans le processus en cours.
L'INDUSTRIE EN PAIE-T-ELLE LE PRIX?
Les pertes économiques ou les déficits de croissance qu'a subis notre industrie au cours des dix dernières années seront probablement impossibles à rattraper.
Les rédacteurs du PDIT constatent d'ailleurs que les objectifs prévus (même s’ils étaient minimaux) sont inatteignables.
La compétition des autres destinations est féroce, notre croissance insuffisante et notre capacité à se réorganiser, beaucoup trop lente.
Le dépôt, après douze mois, des orientations de TQ à l'égard de la révision de notre modèle d’affaires est un peu comme un éléphant qui accouche d'une souris. Un peu comme si tout le monde souhaitait le joueur de concession et se ramassait avec le 50e choix au repêchage.
C'est comme si Tourisme Québec avait dû patiner de reculons sur ses intentions de revoir les mécanismes de gestion de la TSH et aurait senti le besoin de déposer quelque chose.
Notre jeu de puissance n'est pas assez productif, nous ne comptons pas assez de buts et notre équipe manque de profondeur.
Les séries sont commencées.
L'heure n'est plus à la réflexion, mais bien à l'action...
Collaboration spéciale, Éric Fournier
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