Vaccin obligatoire en tourisme? Enjeux légal, moral et éthique, par Jean-Michel Perron
Au printemps prochain, évitons un autre début de haute saison touristique chaotique en débattant immédiatement sur la place que les non-vaccinés pourront occuper en tourisme et en loisir. Israël, pays le plus vacciné au monde avec plus de 50 % de sa population ayant obtenu au moins 1 dose (et 2,6 millions, 2 doses), patauge là-dedans. Une population d’ailleurs presque similaire au Québec avec ses 9 millions de citoyens. Regardons-y de plus près.
Les activités de loisirs, depuis le dimanche 21 février, ouvrent leurs portes, mais uniquement aux personnes vaccinées. Dans 2 semaines, au tour des restaurants, des salles communes et des conférences. Seuls les clients avec leur certificat de vaccination et leur code QR pourront y être.
La politique du gouvernement israélien est claire : « Quiconque ne sera pas vacciné sera laissé derrière ! ».
On sait que les voyages internationaux vont requérir une preuve de vaccination permanente à compter des prochains mois, mais va-t-on l’obliger également au Québec pour des activités culturelles, sportives et touristiques, alors que la vaccination ne sera jamais obligatoire et que sans immunité collective (70 % à 90 % des gens doivent être alors vaccinés), la COVID-19 va demeurer une épidémie ?
Irréaliste de poser la question? Encore une fois, voyez Israël : un grand centre d’achat de Tel-Aviv, la semaine dernière, n'a rouvert ses portes qu’aux vaccinés ou à ceux ayant récupéré de la COVID-19. Dans la ville de Karmiel, le maire a pris la même décision, en plus de vouloir exiger des employés de la mairie la double dose de vaccins. D’autres villes souhaitent exiger la même condition des enseignants. Des hôteliers menacent leurs employés de congédiement s’ils ne sont pas vaccinés. Légalement, un employeur ne peut forcer un employé à se faire vacciner, mais pourrait n’embaucher que des travailleurs vaccinés si cela peut nuire aux affaires… Ceci heurte les droits individuels, mais les conséquences négatives sont justifiées par l’intérêt collectif, selon la Dre Maya Peled Raz, médecin et juriste reconnue. « C’est une question de choix pour les activités de loisirs et touristiques : tu entres si tu es vacciné ; tu ne l’es pas, on ne peut te laisser mettre en danger les autres... »
Imaginez, le gouvernement s’apprête à passer une loi forçant tout employé non vacciné en contact avec le public à être testé tous les 2 jours et signaler aux autorités locales qui ne l’est pas. L’absence de lois et de règlements clairs fait place à des initiatives non concertées et illégales alors que des commerces exigent la preuve de vaccination, d’autres pas.
Que fera Québec si un hôtelier gaspésien exige une preuve de vaccination l’été prochain à tous ses clients parce que de nombreux vaccinés ne voudront pas côtoyer des non vaccinés à son hôtel ? Si un guide d’aventures se voit refuser un emploi faute de preuve de vaccination ? Si on ne souhaite pas manger dans un resto, boire dans un bar et aller au gym avec des non vaccinés ?
Sur une base simplement économique, comme la clientèle internationale sera obligatoirement vaccinée, à titre de PME touristique, j’ai tout intérêt à privilégier pour 2022 une approche stricte interdisant les non vaccinés afin de rassurer mes autres clientèles; en 2021, avec les vaccins non encore pleinement déployés et mes clients qui sont majoritairement québécois, il faut être prudent à court terme dans une approche rigide… mais au final, il faudra se conformer à une loi qui n’existe pas encore. Un débat sociétal qui, encore une fois, va opposer la « préséance » des droits individuels versus le bien commun. Devinez quelle position prendra Québec et quelle position prendre Ottawa ? D’où l’urgence d’en débattre maintenant.
Jean-Michel Perron
Conseiller en tourisme (PARConseils.ca) et blogueur (Tourte Voyageuse)
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