Une passionnée de nature et un bleuet bionique, Véronyque Tremblay, PDG (x 2), par Louis Rome
Je dois être un inculte, car je ne savais pas que parmi nos DG et PDG d’ATS, il y avait une ex-ministre qui, il y a presque 9 ans jour pour jour, était assermentée comme députée du comté de Chauveau. Une PDG qui a en plus travaillé dans les médias et dont la région d’origine est le Saguenay–Lac-Saint-Jean. C’est simple, vous mélangez les ingrédients que sont la politique active, une vaste expérience dans les médias et une femme originaire de Saint-Ambroise et vous avez Véronyque Tremblay, PDG de l’AHQ et de l’AQS, d’où le (x 2) dans le titre.
ENTREVUE AVEC UNE FEMME PASSIONNÉE, ET C’EST PEU DIRE
L’entrevue s’est déroulée au bureau de l’Association Hôtellerie du Québec (AHQ) et de l’Association québécoise des spas (AQS), à trois coins de rue de chez moi, dans le Vieux-Longueuil.
Pas compliqué, son CV pourrait avoir 48 pages. Non, j’exagère, 22 pages et demie pourraient faire l’affaire. Donc j’y vais dans une tentative de résumé.
Une pro des médias
Véronyque a obtenu son DEC en Arts et technologie des médias au Cégep de Jonquière en 1994. Dès sa sortie de l’école, elle a fait un stage à Caraquet, au Nouveau-Brunswick, qu’elle a complété à Carleton-sur-Mer, en Gaspésie, dans une station associée à TVA.
Dès 1994, elle est présentatrice de nouvelles et reportrice à TVA Chicoutimi et ensuite pour le réseau Radio-Nord (radio et TV) en Abitibi. Un an plus tard, elle se retrouve à TQS Québec, où elle est reportrice et chef d’antenne pendant 8 ans. En 2003, elle déménage dans la métropole pour devenir chef d’antenne à LCN et TVA Montréal. En 2011, elle quitte la télé pour la radio du FM93 à Québec et contribue à la mise sur pied du réseau Cogeco Nouvelles, tout en étant chroniqueuse et blogueuse au Journal de Québec de 2014 à 2015.
Un saut dans le vide
Après 21 ans dans les médias, Véronyque se laisse séduire par la politique après avoir été approchée par le bureau du premier ministre de l’époque pour l’élection partielle du 8 juin 2015. « Je faisais régulièrement des chroniques sur les enjeux politiques et là je me suis dit, c’est beau la critique, mais maintenant, montre ce que tu as dans le ventre, va faire tes preuves, plutôt que de critiquer. »
Pour elle, la politique, c’était un grand saut dans le vide, d’autant plus que le comté de Chauveau était loin d’être gagné d’avance à la suite du départ pour la scène fédérale de Gérard Deltell, alors député pour la CAQ. « Je me présentais sous la bannière du PLQ dans un comté caquiste. Le défi était énorme.
J’aime les gros défis et j’ai été comblée, car j’ai gagné mes élections contre une animatrice-journaliste beaucoup plus connue que moi, qui était candidate pour la CAQ. Et contre toute attente, après deux ans comme députée, j’ai été nommée ministre déléguée aux Transports en 2017. »
Parmi ses nombreuses responsabilités, elle avait les infrastructures routières de tout l’est du Québec, et du nord, le transport aérien régional, ainsi que les sentiers « hors route » comme la motoneige et le VTT.
Une députée active
Dans son comté de Chauveau, dont fait partie Wendake, elle avait plusieurs dossiers et projets liés au tourisme. Comme ministre, elle a également présidé le Sommet sur le transport aérien régional, avec plusieurs enjeux touristiques. Elle a également eu le plaisir de travailler sur la politique de mobilité durable.
Elle était également responsable du dossier du troisième lien à Québec, un sujet chaud d’actualité qui faisait l’objet de nombreux débats. Questionnée sur le sujet, elle m’a répondu avec un grand sourire « pas de commentaire ».
Après les élections de 2018, Véronyque a travaillé comme DG et organisatrice en chef du PLQ jusqu’en 2019. « J’organisais des événements politiques, gérais un OBNL avec des milliers de membres et ses règles de gouvernance, ce qui m’a préparée à gérer l’AHQ et l’AQS. »
À ce moment-là, elle a aussi décidé de retourner aux études, un rêve qu’elle caressait depuis longtemps. « Le moment était venu. C’était aussi une manière pour moi de couper les ponts avec la politique. J’ai fait ma maîtrise à la Sorbonne, un certificat en gouvernance de sociétés et un autre en développement durable, tout en commentant l’actualité à l’émission télévisée La Joute et en rédigeant des chroniques dans le Journal de Québec et de Montréal. »
Un autre saut, mais celui-là au cœur de l’industrie touristique
Quand elle a eu l’opportunité de travailler pour l’AHQ/AQS (novembre 2021) avec son expérience dans le secteur des médias, doublé de celle acquise en politique et de sa connaissance de nombreux enjeux de l’industrie touristique, elle n’a pas hésité à faire le saut.
Une PDG et son équipe qui ont le don d’ubiquité
Ça prenait bien une PDG passionnée et bionique pour être à la tête de deux associations. Les CA de l’AHQ et de l’AQS ont signé un contrat de gestion et de services administratifs en novembre 2021 pour mutualiser leurs ressources humaines et financières tout en conservant leur personnalité juridique.
« Les deux associations sont dans bien des cas complémentaires et les membres ont des besoins similaires. Par exemple, pour la troisième année consécutive, nous organisons un congrès annuel conjoint et une soirée gala conjointe. Les participants des deux associations sont réunis dans la même salle la première journée avec des sujets communs, tandis que le lendemain, ils sont dans deux salles séparées avec des conférenciers et des panels spécifiques aux enjeux et aux besoins de chaque association. »
Notre belle équipe
Le CA de l'AHQ
Le CA de l'AQS
Quels sont vos défis comme association (x 2)?
« Nos actions sont ajustées en fonction des enjeux et des besoins de nos membres, que ce soit au sujet des assouplissements dans la surveillance des piscines d’hôtels, des enjeux de sécurité liés à la présence d’itinérants aux abords des hôtels, l’accès aux terrasses des touristes qui voyagent avec leurs chiens, la pénurie de main-d’œuvre et la lutte contre la concurrence déloyale. Tout en agissant comme levier de développement pour nos membres, par exemple, en transformation numérique et technologique, de même qu’en transition durable, etc. »
En consultant le rapport annuel de 2023 il est évident que l’AHQ est aussi très active en représentation politique et en lobbying, en plus de produire des sondages et des enquêtes pour permettre à leurs membres d’être constamment à l’affût de la moindre tendance et d’ajuster le tir, le cas échant. « Il nous faut une destination innovante et au goût du jour et pour y arriver, nous devons être attentifs aux nouvelles tendances, autant pour notre clientèle québécoise qu’internationale. »
Comment est l’après-pandémie?
Les secteurs de l’hôtellerie et des spas sont en constante évolution. Pendant la pandémie, plusieurs de nos membres se sont endettés. Tout augmente, les coûts de la main-d’œuvre, les taux d’intérêt jusqu’à tout récemment, et l’inflation sur l’ensemble des produits (nourriture, buanderie, etc.). Malgré cela, nos membres doivent constamment investir dans leurs entreprises pour répondre aux besoins de la clientèle, qui évolue à la vitesse grand V. L’incertitude économique est toujours là, mais on demeure positifs puisqu’il y a eu une belle reprise, et la clientèle est au rendez-vous.
Comment ça va au niveau de la main-d’œuvre?
« Ça va beaucoup mieux. À la fin de la pandémie, la pénurie de main-d’œuvre était notre enjeu numéro un. Maintenant, c’est plutôt la qualification de la main-d’œuvre. Je suis fière de notre secteur et de l’ensemble de l’industrie, car tout le monde s’est mis à travailler ensemble. Je pense aux journées Portes Ouvertes, à l’embauche de réfugiés, à l’immigration, à l’ouverture aux personnes atypiques, au travail pour valoriser la formation en hôtellerie, pour revoir les conditions générales de travail. Ça va mieux mais c’est fragile, il faut demeurer vigilants face aux nouvelles pratiques et tendances. »
À propos des résidences de tourisme
Pour les résidences de tourisme, nous avons fait de grands progrès avec la nouvelle loi sur l’hébergement touristique, que nous avons appuyée et qui porte fruit. Le taux de conformité des annonces de locations d'hébergement de courte durée s’est vraiment amélioré, mais il faut demeurer vigilants. On voit encore plusieurs personnes qui affichent la location de leur condo ou de leur chalet sur les médias sociaux, sans qu’ils soient enregistrés. Il faut aussi rejoindre ces hébergements illégaux. C’est aussi important que les municipalités encadrent encore plus ce type d’hébergement pour éviter d’aggraver la pénurie de logements. Nous prônons l’équilibre.
Qu’en est-il pour les spas?
« Le secteur des spas et du mieux-être est l’un de ceux qui connaît la plus forte croissance dans le monde, incluant au Québec. Ç’a été là aussi très difficile pendant la pandémie, car ils étaient tous fermés. Mais bien que ç’a été très dur, c’est reparti en lion. Le besoin était vraiment là. Toutefois, il y a une pénurie énorme en massothérapie, dont la formation est uniquement offerte dans des écoles privées. On n’a rien contre le privé, mais on pense que si des écoles publiques offraient la formation en massothérapie, ça permettrait de recruter davantage, et même d’élever les standards. »
Qu’est-ce que tu aimes le plus dans ton travail de PDG?
La réponse est venue rapidement « J’aime tout! J’ai une équipe de passionné(e)s, deux CA proactifs et des membres tout aussi passionné(e)s. Et c’est sans compter que notre membership est en augmentation. Pour l’AHQ, on a des collaborations de plus en plus étroites avec les autres associations hôtelières. Ça va aussi très bien avec les ATR et les autres ATS.
« Mon seul bémol c’est que parfois, il y a trop de réunions. On veut y participer, car c’est important, mais aussi, ce qui est essentiel, c’est d’être au service de nos membres. Le défi, c’est de trouver l’équilibre entre les deux. » Pas facile à faire pour une PDG bionique.
Le 75e de l’AHQ
« C’est en 1949 qu’est née l’AHQ. Les 75 ans de l’AHQ seront célébrés lors d’une soirée gala, le 29 octobre, dans le cadre du congrès Hôtellerie et Spas, du 29 au 30 octobre au Sheraton Laval, sous la thématique S’inspirer pour évoluer.
On va en profiter pour souligner la contribution de nos anciens présidents et présidentes qui ont contribué à forger l’AHQ. »
Le mot de la fin
« J’adore mon travail. » Pour ça je n’en ai aucun doute, car tout au long de l’entrevue qui a passé à la vitesse de la lumière, Véronyque riait abondamment et avait le sourire d’une PDG accomplie.
Louis Rome, collaborateur TourismExpress
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