La théorie du verre d’eau ou la disparition lente du service en restauration, par Sylvain Drouin
Manger hors de chez soi, au restaurant ou à l’hôtel, devrait être une expérience d’évasion, une parenthèse du quotidien. C’est un moment où l’on accepte de se laisser prendre en charge le temps de quelques instants, en échange d’un service digne de ce nom... et d’un pourboire à la fin de l’expérience.
Pourtant, force est de constater, que bien souvent, l’expérience se dégrade. Les petites attentions se font rares, remplacées à un service de plus en plus automatique, sans âme et plus souvent qu’autrement, décevant.
Avant d’aller plus loin, il faut reconnaître que plusieurs établissements, petits ou grands, modestes ou hauts de gamme, urbains ou en région, arrivent tout de même à surprendre, maintenir des standards élevés et créer une expérience remarquable. Il faut saluer leurs efforts.
Mais pour beaucoup, les failles commencent dès l’accueil. Prenons l’exemple du vestiaire : de nombreux établissements ont abandonné ce service. Résultat? Les manteaux risquent de se salir ou de provoquer des accidents. Sans en faire une obligation, pourquoi ne pas maintenir cette attention, même si elle occupe des pieds carrés « peu rentables »?
Ensuite vient le menu. Trop souvent, on nous laisse seuls face à un code QR ou un document, sans explications. Le client ne devrait jamais avoir à demander ce qu’est le « poisson du jour » ou à découvrir, au moment de commander, que son choix n’est plus disponible. Ces informations doivent être communiquées proactivement, avec le sourire.
Durant le repas, une autre frustration s’installe : la chasse à l’eau. Combien de fois doit-on quémander pour remplir son verre? Si certaines tables d’hôtes optent pour des bouteilles d’eau sur la table, cela ne devrait pas exempter le personnel de les remplacer lorsqu’elles sont vides. L’hydratation ne devrait pas être une bataille.
Une fois les plats terminés, on néglige de plus en plus le besoin de nettoyer la table. Aussi variés sont les goûts des clients, il y a fort à parier que la salière ou la bouteille de ketchup ne seront pas nécessaires pour le dessert ou le café. Il en va de même pour la cuillère à soupe ou l’assiette à pain laissée sur la table. Un petit coup de guénille ou de ramasse-miettes peuvent aussi venir rendre les discussions de fin de repas beaucoup plus intéressantes lorsqu’on ne craint pas de mettre le coude sur quelque chose.
Enfin, n’oublions pas les petites attentions qui ajoutent une touche de magie : des dessins à colorier pour les enfants, infuser le thé directement à la station, remplir le verre de vin à table, ou encore prendre en note les préférences des clients réguliers. Ces gestes, bien que simples, marquent les esprits et fidélisent la clientèle.
La direction doit accorder une attention particulière à ces détails. Ils sont souvent les premiers sacrifiés, et pourtant, ils font toute la différence entre une soirée ordinaire et une expérience inoubliable.
En attendant que ces gestes reviennent en force, je vous en prie… remplissez au moins les verres d’eau!
Sylvain Drouin
Consultant indépendant en hôtellerie
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