Qu'est-ce que le tourisme intelligent ?
C’est à Sherbrooke qu’avait lieu la 5e édition des Francophonies de l’E-Tourisme (#FET5) cette année, du 13 au 16 juin dernier, sur le thème des « villes intelligentes, destinations intelligentes ». Nous étions plus d’une vingtaine de professionnels du tourisme, professeurs universitaires et consultants, provenant du Québec, de la France, de la Belgique et de la Suisse, réunis pour discuter du sujet pendant deux jours, culminant sur une plénière le jeudi au théâtre Granada, au centre-ville de Sherbrooke.
Cet évènement annuel a été créé conjointement par des intervenants du Réseau de Veille en Tourisme de l’ESG-UQAM ainsi que les acteurs derrière le blogue français etourisme.info. Le Réseau de Veille vient d’ailleurs de publier un excellent compte-rendu et je vous invite aussi à lire un premier billet découlant de la première journée de visite à Montréal, avant le début de ces FET5.
Tourisme intelligent ≠ tourisme connecté
Mon intention ici n’est donc pas de vous tracer une analyse fine des tenants et aboutissants du tourisme intelligent, mais plutôt de dresser quelques constats qui se sont dégagés de ces trois journées de franches discussions.
Tout d’abord, il importe de clarifier que ville intelligente ne veut pas dire ville connectée. C’est-à-dire qu’on a trop souvent le réflexe de penser que l’intelligence d’une ville, d’une destination ou d’un territoire passe par la connectivité (web, mobile ou autre) alors qu’il s’agit plutôt de la mise en commun du savoir et de créer des synergies. De comprendre où et quand les gens consomment, comment on peut améliorer le flux des transports et du stationnement, et si on peut transformer l’énergie des piétons marchant sur des trottoirs en électricité pour un quartier du centre-ville. La connectivité est une composante importante de l’équation, mais elle n’est pas une fin en soi.
L’importance de l’infrastructure
Dans ce contexte, on se doute bien que l’infrastructure à mettre en place est un des premiers prérequis. Si on veut favoriser le transport électrique par exemple, on voudra voir se multiplier les bornes de chargement aux bons endroits, en alignement avec le design et le mobilier urbain qui s’applique aux quartiers choisis.
Et le wifi, dans tout ça? Devinez-quoi : le wifi demeure une priorité que trop peu d’entreprises maitrisent encore à ce jour. On réalise qu’une bonne connexion, fiable et de qualité, demeure chose rare autant dans les hôtels que les centres de congrès ou de réunion. Si on est capable de fournir une bonne connexion dans un avion volant à 800 km/h par 30,000 pieds d’altitude, me semble qu’on devrait pouvoir faire de même dans un hôtel qui vise la clientèle d’affaires… alors que ce n’est pas toujours le cas.
Les objets connectés
Évidemment, impossible de parler de tourisme intelligent sans parler des objets qui vont révolutionner notre réalité. Réalité qui sera autant virtuelle qu’augmentée. On parle bien sûr des téléphones intelligents, mais aussi des beacons, de l’affichage numérique et autres outils qui doivent permettre au voyageur de mieux se repérer dans une destination ou lors d’une visite d’un attrait.
Mais attention : comme plusieurs l’ont souligné lors de nos discussions, il ne faut pas perdre de vue que pour certains voyageurs, pour ne pas dire une majorité, l’information souhaitée peut être aussi banale que « où sont les toilettes » ou encore « comment me situer par rapport au stationnement et la billetterie ». On doit donc prévoir des outils conventionnels, tels cartes ou brochures, ou encore de l’affichage aux endroits névralgiques, sans nécessité de connexion mobile.
Les enjeux d’éthique et de gouvernance
De chauds débats ont aussi été tenus quand est venu le temps de discuter de l’imputabilité de la mise en place de grands projets par rapport à une destination intelligente. Quel est le rôle du privé versus les instances gouvernementales, municipales ou territoriales? Et surtout, à qui reviennent les données colligées via les applications ouvertes?
On peut savoir qu’un individu fait tel trajet pour se rendre du point A au point B, comme on peut retracer, grâce aux bracelets RFID notamment (pensez Festival Osheaga ou Disney, par exemple), le parcours d’un festivalier entre les toilettes, sa consommation de bière ou de crème glacée, etc. Se posent alors de multiples questions sur l’accès à la vie privée, et l’utilisation qui peut être fait de ces données à des fins commerciales.
On n’a qu’à penser au marketing rendu disponible grâce aux données qu’on laisse sur Facebook pour réaliser la pointe du iceberg…
L’humain au cœur de l’équation
Bien que la présentation du jeudi après-midi ait été exhaustive et portant sur plusieurs aspects de la dynamique de territoire intelligent, j’ai constaté un souci récurrent tout au long des discussion des trois journée passées avec le groupe : celui de toujours garder l’humain au cœur des préoccupations.
On peut malheureusement tomber dans le réflexe de développer une application mobile simplement parce qu’il y a une commande (politique, directive ou autre), sans que cela aide pour autant l’expérience du client. Au même titre, on se doit de comprendre le potentiel de la réalité virtuelle et ses déclinaisons en tourisme, comme le font déjà d’autres industries comme celle des jeux vidéos ou de la porno, chefs de file quant à l’innovation pour atteindre les consommateurs.
Mais au final, il importera toujours de prendre quelques pas de recul pour s’assurer que les projets en cours répondent bien à un véritable besoin, et que le client soit au cœur de la réflexion, plutôt que d’axer les efforts sur la technologie.
Pour voir la webdiffusion de la conférence, cliquer ici
Enfin, merci à Destination Sherbrooke et tous ses partenaires pour l’organisation de ce bel événement!
Collaboration spéciale : Frédéric Gonzalo
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