Le tourisme au Québec, industrie de pacotille? par Frédéric Gonzalo
Si vous doutiez que le tourisme était peu considéré par les bonzes de notre gouvernement, la présente pandémie le démontre de la manière la plus éloquente qui soit. On n’a qu’à voir les annonces de relance pour en avoir la confirmation : après les usines et les commerçants, ce sera bientôt au tour des cliniques de soins esthétiques, massothérapie et salons de coiffure dès le 1er juin!
Pendant ce temps, l’industrie touristique patauge dans l’inconnu et l’incertitude. À quand l’ouverture des terrains de camping? On ne sait pas. À quand le démarrage des pourvoiries? On ne sait pas. Est-ce qu’on peut se louer un chalet ou réserver un gîte cet été? On ne sait pas. Est-ce qu’on pourra aller à La Ronde, au Parc Safari ou au Village Vacances Valcartier? On le saura bientôt, dit-on. Même chose pour les restaurants et les terrasses…
On savait déjà que les festivals et événements étaient annulés jusqu’au 31 août, certains (comme celui de St-Tite, en septembre) à l’automne n’auront pas lieu non plus. Lueur d’espoir, les sentiers de la SEPAQ sont en réouverture partielle depuis le 20 mai et les musées viennent d’annoncer leur ouverture dès le 29 mai!
Pfff, le tourisme…
Le tourisme, c’est de la grosse business. En 2018 on estimait qu’il y avait 1.8M* d’emplois liés au tourisme au Canada, et au Québec c’est plus de 409,000 travailleurs – ou un emploi sur 10! Selon les dernières études, cette industrie représente un apport annuel de plus de 2 milliards de dollars en revenus fiscaux au Québec, dont plus d’un milliard de dollars en TVQ et ce sans parler de la taxe sur l'hébergement!
Pourtant, quand on voit les mentions à ce sujet dans les journaux et médias sociaux, je vois trop souvent le réflexe des gens qui associent tourisme = voyage = dépense discrétionnaire non nécessaire. Bref, « arrêtez de vous plaindre, les enjeux de santé liés à la pandémie sont bien plus importants. » Comme si les deux étaient mutuellement exclusifs… Néanmoins, on va rouvrir les boutiques de soins esthétiques, où les enjeux sanitaires seront au moins aussi réels que dans une pourvoirie ou un terrain de camping, non?
Je n’ai rien contre les salons de coiffure, soyons clairs - même que je suis dû pour y faire un tour! Mais est-ce générateur de business comme peuvent l’être des entreprises touristiques, surtout en région? Quand une station de ski décide de fermer, quel est l’impact pour le village, les commerces avoisinants, les restos, les bars, les fournisseurs?
C’est comme si nos décideurs occultaient le facteur « saisonnalité » de notre industrie. Et la saison estivale se lance habituellement avec le long weekend du congé des Patriotes… la semaine dernière!
Il n’est pas minuit moins 10. Il est passé minuit!
Pour être plus concret : combien de jobs et d’entreprises dépendent de l’ouverture ou de la fermeture d’un endroit comme l’hôtel Sacacomie, en Mauricie? Le Manoir Richelieu et le Casino, dans Charlevoix? Tremblant, dans les Laurentides?
Et on ne parle même pas du tourisme d’affaires, des congrès et réunions qui devront également se réinventer d’ici l’automne. On a des nouvelles quant à des subventions adaptées à la réalité de ce secteur névralgique, générateur de revenus particulièrement pour les hôtels en milieu urbain?
Ce que nos décideurs devront comprendre, c’est qu’à chaque jour qui passe, le risque augmente de ne PAS avoir une saison touristique au Québec cet été. Pour certaines entreprises, tant qu’à ouvrir au début juillet, aussi bien ne pas ouvrir du tout. Surtout si l’on doit accepter 50% ou 33% de la clientèle afin de respecter la distanciation sociale. Le modèle d’affaires ne tiendra pas la route pour plusieurs.
Bref. Il est grand temps de casser l’incertitude et d’annoncer des dates d’ouverture. Il y aura des contents et des mécontents, mais au moins on saura à quoi s’en tenir.
Frédéric Gonzalo, collaboration spéciale - Cconsultant, conférencier et formateur en marketing numérique, spécialisé en tourisme
*Source: Alliance
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