DOSSIER TENDANCES TOURISMEXPRESS 2024 – La tendance en matière de gouvernance touristique, par Louis Rome

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Les nombreux bouleversements qui touchent l’ensemble de notre planète ne peuvent faire autrement que d’affecter l’industrie touristique mondiale. Si on ajoute à ça l’évolution à la vitesse grand V du modèle d’affaires de l’industrie, nous nous retrouvons avec les deux principaux ingrédients pour inciter les gouvernements à travers le monde à remettre en question leur modèle de gouvernance touristique. Quelle est la grande tendance qui s’en dégage?

Qu’est-ce qui motive la transformation des modèles de gouvernance dans le monde?

«De nombreux indicateurs nous démontrent que le monde est entré dans une période longue d’instabilité. Tensions politiques, crises géostratégiques, événements climatiques vont éprouver la résilience de l’industrie du tourisme de manière régulière et il est donc essentiel de lui donner les moyens de surmonter ces épreuves». (Revue Espaces – Tourisme et Loisirs #375)

La révision des modèles de gouvernance est motivée par une multitude de facteurs qui affectent le modèle d’affaires de l’industrie touristique mondiale, dont:

  • La pandémie, qui a été un important élément déclencheur;
  • Le contexte économique (instabilité, inflation, récession, etc.);
  • Le contexte géopolitique (environnement géopolitique volatil et conflictuel, etc.);
  • Les changements climatiques et leurs nombreuses conséquences (nouvelles stratégies vertes, etc.);
  • L’évolution du contexte social (mutations démographiques, etc.);
  • La compétitivité des destinations (concurrence intensifiée, transformation des modèles d’affaires, etc.);
  • Les changements dans les besoins et les habitudes voyageurs, incluant la relation entre les visiteurs et les visités (acceptabilité sociale, etc.);
  • Le virage numérique et l’importance de l’innovation (nouvel ordre technologique, intelligence artificielle, etc.);
  • Les impacts de la pénurie de main-d’œuvre, incluant la productivité et les compétences.

La nécessité de donner un coup de gouvernail ou guide à l’intention de nos décideurs

En France, deux organisations, Atout France avec sa réflexion prospective, intitulée «Horizons 2040» et ADN Tourisme avec son analyse 2033, c’est demain! 4 scénarios pour l’avenir du tourisme ont chacune présenté 4 scénarios, qui dans certains cas pourraient affecter le modèle de gouvernance français. Bien que notre modèle de gouvernance soit différent, l’exercice réalisé par les deux organisations pourrait alimenter de futures réflexions.

Tandis que l’enquête 2022 de l’OCDE sur les Tendances et politiques du tourisme résumé dans l’article: Quelles sont les priorités touristiques des gouvernements de 50 pays selon l’OCDE? fait trois suggestions à l’intention des décideurs publics pour faire face à la transformation de nos modèles de gouvernance.

Le renforcement de la résilience de l’écosystème du tourisme en encourageant la collaboration entre tous les acteurs touristiques

«Compte tenu de sa nature transversale, le tourisme influence, et est influencé par, de nombreux domaines de l’action publique. Aussi, la coordination entre ceux-ci et les différents niveaux d’administration est-elle importante pour garantir que le tourisme est bien intégré aux stratégies globales?»

L’organisation mondiale du tourisme (OMT) ajoute que la gestion de la destination «mobilise de nombreuses organisations et de multiples intérêts autour d’un objectif commun: assurer la compétitivité et la durabilité de la destination touristique». Le rôle de l’organisme de gestion de la destination (OGD) doit être de diriger et de coordonner les activités dans le cadre d’une stratégie cohérente vers cet objectif commun.

Le mélange public/privé/associatif au Québec avec les ATR, les ATS et l’Alliance est un exemple qui favorise cette collaboration. Selon l’OCDE, «Une collaboration étroite entre les pouvoirs publics et le secteur privé permet d’augmenter l’efficacité des actions conduites». Ce qui a un impact sur «le renforcement de la résilience qui aidera le secteur du tourisme à se transformer et à évoluer en cas de chocs graves à l’avenir et à continuer à s’adapter aux mégatendances que sont l’évolution de la demande touristique, la croissance durable du tourisme, l’émergence de technologies structurantes et le passage au numérique, ainsi que l’évolution de la mobilité des voyageurs». (OCDE, 2019).

Promouvoir des politiques globales, agiles, tournées vers l’avenir, propre à bâtir un avenir meilleur pour le tourisme

Pour y arriver, il est suggéré de rendre permanentes certaines mesures mises temporairement en place lors de la pandémie dans différents pays, pour renforcer la gouvernance du tourisme afin de soutenir la reprise.

Il est motivant de constater que, ce qui est devenu récemment permanent dans le modèle de gouvernance de plusieurs pays, en faisant une large place à la concertation et au mélange entreprises privées et OBNL, est implanté depuis des décennies au Québec. Pensons aux ATR, aux ATS et à l’Alliance (AITQ). Et nous pouvons en rajouter une couche avec notre modèle de partenariat industrie-gouvernement.

Promouvoir une reprise verte du tourisme

Faciliter la viabilité et la diversité des destinations avec des plans de gestion des destinations plus durables et plus résilientes. C’est souvent au niveau des destinations locales (principe de subsidiarité) que ces questions sont les mieux prises en charge et permettent de répondre à des besoins aussi divers que précis.

Parmi les actions proposées:

  • Promouvoir des modèles économiques et des destinations plus respectueux de l’environnement, via la réduction de l’empreinte carbone du tourisme.
  • Promouvoir une reprise et une transformation vertes du tourisme, via l’intégration de principes verts dans les politiques et la planification stratégiques.

La principale tendance en matière de gouvernance touristique

Globalement, selon l’OCDE, les États développent leur modèle de gouvernance en fonction de leur système politique, de l’importance du tourisme dans leur économie et de la maturité de leur industrie.

Dans la plupart des pays de l’OCDE, ce sont les ministères chargés du développement économique ou du commerce et de l’industrie qui sont responsables du tourisme à l’échelle nationale. Le tourisme est également fréquemment associé au développement régional, à la culture ou au sport.

«Collaboration et gouvernance, deux inséparables»

La gouvernance collaborative

Ce type de gouvernance ou de collaboration structurée exige, d’après l’OCDE, un partage explicite ou implicite des pouvoirs de décision, des responsabilités, du développement et de l’exécution des politiques entre les différents niveaux administratifs et territoriaux, notamment:

  • entre les différents ministères (ex.: via une table interministérielle) ou organismes publics;
  • entre les différents échelons des administrations relevant des niveaux de gouvernement: locaux, régionaux (ex.: via la subsidiarité) provinciaux, nationaux et supranationaux;
  • entre les différentes collectivités locales et régionales;
  • j’ajouterais le secteur associatif avec les ATR, les ATS et l’Alliance.

Nous voilà au cœur de la complexité et de la réalité transversale de l’industrie touristique.

Pour l’OMT la «capacité de direction des pouvoirs publics, caractérisée par la coordination et la collaboration, ainsi que par la participation de réseaux de parties prenantes» est une dimension importante de la gouvernance.

Toujours selon l’OMT: «La gestion de la destination mobilise de nombreuses organisations et de multiples intérêts autour d’un objectif commun: assurer la compétitivité et la durabilité de la destination touristique. Le rôle d’un organisme de gestion de la destination (OGD) doit être de diriger et de coordonner les activités dans le cadre d’une stratégie cohérente vers cet objectif commun».

Par son regroupement d’expertises et d’acteurs de tous les horizons, la gouvernance collaborative permet d’anticiper les difficultés futures, au lieu de se contenter de réagir aux chocs.

«Plus que jamais, pour assurer la compétitivité mondiale du Québec, il nous faudra nous unir, collaborer, faire preuve d’audace et de créativité», selon Martin Soucy (PDG de l’Alliance).

En conclusion

L’OMT assure que «La tendance est de confier aux OGD (que ce soit au niveau national ou régional), qui se concentraient traditionnellement sur le marketing et la promotion, des fonctions de direction avec des compétences élargies recouvrant la planification, la coordination et la gestion des activités sur le plan stratégique, dans le cadre d’une structure de gouvernance adéquate intégrant les diverses parties prenantes de la destination autour d’un objectif commun».

Tout en affirmant que «Les destinations n’en ayant pas encore sont toujours plus nombreuses à se doter, ou à planifier de se doter, d’un OGD pour être aux commandes».

Nous sommes donc au diapason avec la tendance mondiale en matière de gouvernance, mais nous ne devons pas baisser la garde et être toujours attentifs aux transformations inévitables de l’industrie touristique mondiale, qui ont indéniablement des incidences sur notre modèle d’affaires, donc sur notre modèle de gouvernance.

Louis Rome
Conseiller – stratégie en tourisme

 

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Sources :