DOSSIER TENDANCES TOURISMEXPRESS 2024 – 11 tendances en tourisme durable 2024, par Jean-Michel Perron
En 2024, le défi sera d’adapter rapidement le tourisme pour le mieux-être de la planète, des voyageurs et de la biodiversité, en intégrant l'écoconditionnalité, l’IA, les nouvelles technologies, le marketing durable et de nouvelles habitudes de voyage, tout en gérant l'écoblanchiment et les changements sociétaux.
1 – Les changements individuels requis sont atteints (!)
Dans un sondage international récent[1], on constate que les citoyens considèrent faire le maximum pour agir (et voyager) durablement et que ce sont aux gouvernements (incluant certaines réglementations contraignantes) d’en faire plus.
- 36% des habitants dans le monde sont climatosceptiques, une proportion qui stagne plus qu’elle ne régresse.
- L’écoanxiété touche 30% des habitants dans le monde. La vulnérabilité aux catastrophes vécues depuis 10 ans n’incite pas les populations à craindre davantage leurs effets à l’avenir. (JMP: Et comme le degré de préoccupation élevé des citoyens envers les changements climatiques est à 33% en Europe et 34% en Amérique du Nord – les plus bas taux de la planète –, on peut penser que le pourcentage de voyageurs réellement sensibles aux pratiques durables en tourisme se situe autour de 30%, malgré les sondages[2] (76%) qui disent que les voyageurs en majorité veulent consommer durablement, mais (74%) ne trouvent pas assez d’offres touristiques durables).
- Les populations considèrent que la clé du sauvetage climatique est entre les mains des gouvernements, beaucoup moins à la main des citoyens.
- Dans les pays à PIB élevé, les politiques visant à restreindre le coût ou la liberté de circulation en voiture se voient opposer un refus catégorique – les seules ouvertures concernent l’interdiction des vols courte distance et le malus écologique. Mais la taxe carbone sur les énergies, compte tenu du contexte inflationniste que connaissent toutes les économies, est hors de question.
2 – Les actions durables concrètes des voyageurs[3]
- 67% ont éteint la climatisation dans leur hébergement lorsqu'ils n'y étaient pas
- 60% ont réutilisé la même serviette plusieurs fois
- 55% ont utilisé leur propre bouteille d'eau réutilisable
- 77% ont éteint les lumières et les appareils électroménagers dans leur hébergement lorsqu'ils n'étaient pas là
- 45% ont recyclé leurs déchets lorsqu'ils voyageaient
- 40% ont choisi de ne pas avoir leur chambre nettoyée quotidiennement
3 – Tourisme chaotique: adaptation & résilience
Avec le tourisme de revanche qui perdure malgré l’inflation, soutenu par le 10% des plus riches d’entre nous; avec des niveaux d’activités touristiques pratiquement semblables à 2019, soit avant la pandémie; les interruptions et l’insatisfaction de séjours causées par les événements extrêmes (inondations, feux de forêt, vagues de chaleur, tempêtes…) et les faiblesses de la chaîne de services (aéroports chaotiques, fragilité des opérations de compagnies aériennes, disponibilité de restaurants…) vont se poursuivre et même s’accélérer. L’impact sur les voyageurs et sur des PMEs en tourisme commande le développement d’une résilience et de planifier adaptation en conséquence. Les entreprises et les OGD (ATR et offices de tourisme) se doteront de plans afin de minimiser les impacts sur leurs opérations/rentabilité et de mieux communiquer avec les voyageurs dans ces circonstances.
4 – Gestion des flux touristiques: interdiction, limitation, tarification et répartition
Que ce soit pour des secteurs d’activité (ex.: croisières à Amsterdam); des pays (tarification à 100$ USD/jr au Bouthan); des parcs naturels ou des quartiers (Vieux-Québec), les organisations touristiques et les destinations miseront sur différentes approches afin de minimiser les impacts négatifs de trop nombreux visiteurs envers l’environnement/les résidents et afin de maximiser les retombées positives pour la qualité de l’expérience des visiteurs et le respect de la biodiversité/des résidents.
- L’interdiction temporaire ou permanente peut être parfois nécessaire afin de préserver un lieu. Le tourisme ne peut prétendre pouvoir s’exercer partout.
- La limitation du nombre de visiteurs devient une pratique courante exigeant une planification de la part du voyageur.
- La tarification (comme à Venise, aux Îles Galápagos ou au Bouthan) peut avoir un effet sur le volume de visiteurs, mais ça reste à démontrer, car l’impact premier sera uniquement de rendre le tourisme inaccessible aux moins fortunés.
- La répartition dans le temps (heure de la journée, jour de la semaine, mois de l’année) et dans l’espace afin d’équilibrer une destination, constitue sans nul doute la voie principale à emprunter, malgré parfois des résultats mitigés.
Le hic, avec la gestion des flux, est de pouvoir au départ se baser sur des données réelles (comportement des visiteurs, caractérisation du lieu et calcul de sa capacité de support) et ensuite de communiquer/convaincre les visiteurs d’agir selon ce que l’organisation/la destination souhaite.
5 – IA en tourisme durable
Les impacts majeurs de l’intelligence artificielle sur nos vies personnelles et professionnelles se précisent, dont en tourisme. L’IA, à moyen terme, pourrait ainsi permettre, dans une perspective de gestion des flux touristiques, d’accompagner individuellement les visiteurs en temps réel sur une destination donnée tenant compte des préférences personnelles de ceux-ci, de la météo, des modes de transport, des files d’attente à telle ou telle attraction ou quartier urbain.
Autre potentiel pour l’IA: conseiller les visiteurs sur des produits, services et expériences réellement durables d’une destination touristique. Bien nourrie de données pertinentes, l’IA pourrait leur dire quels sont les hôtels ou les restaurants conseillés selon leurs préférences individuelles (donc dénoncer en passant l’écoblanchiment), même indiquer les certifications les plus performantes dans le secteur.
6 – Marketing durable, communications responsables
On peut définir le marketing durable en tourisme comme la promotion et la communication de votre positionnement, de vos valeurs, de vos offres touristiques et de vos pratiques – auprès de chacune des parties prenantes – qui impactent positivement les dimensions environnementales, sociales et économiques du tourisme. Nous entrons dans une ère de communication et de promotion responsables qui ne repose pas que sur le volet de base de la «vente» d’expériences, de séjours et de forfaits. Tenir compte des résidents et de son environnement naturel (faisant partie de ce qu’on appelle maintenant les «parties prenantes») est devenu un incontournable pour toute PME.
De plus, une entreprise touristique qui agit durablement dans son quotidien a le pouvoir d’influencer son client, non seulement durant son séjour, mais également à son retour chez lui. Le rôle sociétal du tourisme s’enrichit.
Le marketing durable vise également à limiter l’impact climatique et environnemental des activités publicitaires et de communication. De nouveaux outils sont actuellement déployés à cet effet.
7 – Tourisme régénératif
Terme déjà galvaudé – comme d’ailleurs l’approche de l’économie circulaire – le tourisme régénératif n’en demeure pas moins une véritable approche durable: laisser le milieu visité dans un meilleur état que lorsque vous êtes arrivé sur place. Bref, on ne fait pas que minimiser l’impact de son séjour, on contribue positivement à rendre meilleure une communauté, une organisation sociale locale, ou encore à aider à préserver ou à reconstituer un environnement naturel, une partie de la biodiversité locale. Le «1% pour la planète» d’AEQ s’inscrit dans le tourisme régénératif. Cette tendance se confirme, mais encore faudra-t-il s’assurer de contribuer par des actions ayant le plus fort impact (ex.: décarboner les transports en tourisme ou préserver une forêt primaire) afin d’éviter l’écoblanchiment. À noter que 66% des voyageurs[4], à travers le monde, souhaitent faire du tourisme régénératif.
8 – Des cadres réglementaires et de planification pour les entreprises touristiques
Les contraintes pour les entreprises touristiques vont s’accélérer, selon les régions du monde, principalement sur leur impact climatique et environnemental. L’Europe et la Californie mènent le bal avec les règlements relatifs aux déclarations obligatoires, entre autres sur le bilan carbone pour les moyennes et grandes entreprises et les normes comptables de déclaration. Ce n’est qu’une question de temps que toute PME – incluant ici au Québec – devra montrer patte blanche sur ses impacts environnementaux et climatiques. L’obligation québécoise, dès janvier 2024, pour toute entreprise consommant plus de 75 000 litres d’eau par jour, de rendre publique leur consommation, n’est qu’un heureux premier pas vers la transparence nécessaire pour éviter l’écoblanchiment.
De plus, le développement de normes reconnues pour les nouveaux projets touristiques incorporant des «États prévisionnels en durabilité» ou encore des «Bilans en durabilité» pour les entreprises existantes, va se réaliser.
9 – Empreinte carbone des services & des expériences touristiques
Chaque humain sur Terre doit atteindre un poids carbone maximal de 2 tonnes par année, si nous voulons respecter l’accord de Paris de limiter la hausse du climat à 1,5 °C en 2100. Étant déjà à 1,2 °C en 2023, nous savons tous que nous le dépasserons. Les consommateurs, les voyageurs, vont vouloir connaître quels sont leurs activités et leurs achats les plus dommageables ou les plus vertueux en termes d’émission de GES.
La tendance sera cette année de voir apparaître de plus en plus d’entreprises qui indiqueront le poids carbone de leur produit ou de leur expérience en tourisme. Le menu d’un restaurant avec le prix et le poids carbone de chacun des plats offerts; une journée à ski ou un parcours de golf; chacune des journées d’un circuit touristique; l’empreinte d’un kayak neuf ou d’un livre sont des exemples déjà présents (ailleurs qu’au Québec)… Prix et poids carbone vont devenir un réflexe et une attente pour tout affichage.
10 – 2024: l’année de l’arrimage de l’industrie touristique du Québec dans ses actions durables
Déjà deux ans de leadership affirmé de la part de Tourisme Québec et de l’Alliance de l’industrie touristique du Québec en tourisme responsable et durable. La tendance sera cette année d’arrimer ensemble (organisations territoriales/sectorielles), entreprises et partenaires des normes et des indicateurs partagés avec l’adoption de démarches et d’outils communs pour accompagner la transition durable du tourisme québécois.
Nous verrons la standardisation de l’approche durable en tenant compte des normes internationales, tout en dotant les entreprises d’outils conviviaux, abordables et performants permettant éventuellement de colliger les données individuelles et régionales. Ces données contribueront à notre vision commune et à mesurer l’atteinte de nos cibles conséquentes.
11 – Un nouveau récit de ce que sera le tourisme
Le tourisme – pour autant qu’il se renouvèle et accepte les limites planétaires – constitue une activité précieuse, qu’il soit local, régional, national ou international, qui prend tout son sens dans le ressourcement, l’échange et le respect, pourfendant ainsi la tendance actuelle d’États qui promeuvent le repli sur soi et la peur de l’autre, de la différence.
La tendance actuelle est de voir ces deux tourismes (tourisme de sens et tourisme sans limites) cohabiter et croître séparément.
[1] L'opinion mondiale face au changement climatique. Obs’COP 2023.
[2] Booking.com’s annual Sustainable Travel Report 2023 – auprès de 33 000 voyageurs de 35 pays.
[3] Idem.
[4] Booking.com’s annual Sustainable Travel Report 2023 – auprès de 33 000 voyageurs de 35 pays.
Jean-Michel Perron
Conseiller en tourisme, PAR Conseils
Téléchargez notre Dossier spécial Tendances 2024 en tourisme
Les plus commentés