Contexte extraordinaire, des mesures extraordinaires par Louis Rome

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Les défis pour la relance de l’industrie touristique sont multiples, alors que le redressement va demander des efforts sans précédent et que les revenus de la taxe sur l’hébergement (TSH) dégringolent, toutes les avenues doivent être considérées. Le FICAV en est une, en utilisant une partie de son surplus cumulé de 141 millions de dollars pour contribuer à la reprise de l’industrie.

À ce jour, toute une série de mesures a été déployée par les deux paliers de gouvernement. Le ministère du Tourisme, l’Alliance de l’industrie touristique, Développement économique Canada, etc., travaillent sans relâche sur l’impact et la relance de l’industrie en réponse à ce satané virus SARS-CoV-2. Toute l’industrie est appelée à coopérer, car quand la reprise sera là, elle devra l’être pour tous.

BESOIN DE MUNITIONS

Tous les secteurs sont durement touchés, restauration, hébergement, événements, etc. Le cas de l’hébergement est particulier, d’autant plus qu’il est à la base de la collecte de la taxe sur l’hébergement, une source essentielle pour financer les actions de promotion intra et hors-Québec, tout en contribuant de façon significative au développement de l’offre.

«Je vous laisse imaginer l’impact dramatique,
d’une baisse importante des revenus de la TSH, dans les régions touristiques,
sur la promotion et le développement de l’offre,
sur une période qui sera, dans tous les cas, trop longue.»

LE FICAV ?

Le FICAV  a été lancé le 11 novembre 2004. Il s’agit d’une protection financière  pour les voyageurs, administrée par l’Office de la protection du consommateur (OPC)  qui relève de Sonia Lebel, ministre de la Justice.

Pour y avoir droit, le consommateur doit avoir acheté sa prestation de voyage via une agence de voyages qui a un permis de l’OPC. Le Fonds peut rembourser ou indemniser un consommateur si celui-ci ne reçoit pas les services pour lesquels il a payé. Par exemple, dans le cas où un fournisseur (transport, hébergement, activité touristique, etc.) n’a pas rendu les services payés, ou lors de la fermeture d’une agence de voyages, sinon pour une catastrophe naturelle ou une crise politique, etc.

Au 31 mars 2019, le FICAV avait un surplus cumulé de 141 millions, constitué grâce aux contributions des clients au moment de la conclusion d’un contrat avec une agence de voyages. La contribution était au début de 3,50$ (0,35%) par tranche d’achat de 1 000$, ensuite elle a  diminué à 2,00$ puis à 1,00$ (0,1%) au fur et à mesure que le surplus du Fonds augmentait. Enfin, depuis 2018 alors que le FICAV a un surplus cumulé égal ou supérieur à 125 millions, les consommateurs n’ont plus à payer une contribution.

Le FICAV a un Comité consultatif des agents de voyage (CCAV) qui conseille l’OPC et la ministre Lebel sur toute question relative aux activités des agents de voyages, tout en donnant son avis à la ministre aux questions qu’elle lui soumet. Le Comité consultatif est composé de 9 membres, soit 2 représentants de l’administration gouvernementale, la présidente de l’OPC, 4 représentants du secteur du voyage et 2 qui sont issus d’associations de consommateurs.

LA PÉRENNITÉ DU FONDS

Selon les données de l’OPC au 31 mars 2019 le Fonds avait cumulé 141 millions de dollars. Depuis sa création, les sommes accumulées au Fonds ont constamment augmenté année après année, sauf en 2018-2019.

La santé financière du Fonds est solide malgré la débâcle de Vacances Sinorama, qui a coûté plus de 24 M$ au FICAV en 2018 avec plus de 24 000 consommateurs touchés. Un record à ce jour, qui pourrait être battu par la Covid-19. La valeur totale des réclamations est encore inconnue, mais la pandémie aura un impact significatif sur le surplus cumulé du FICAV.

Toutefois, il faut aussi  souligner que si l’on fait abstraction des sommes réclamées pour le cas de Vacances Sinorama, la moyenne des réclamations des 4 dernières années est de moins de 2 millions par année, ce qui permet au Fonds de se renflouer rondement. Et ce, malgré que depuis 2018, les clients ne versent plus de contribution au FICAV, que celui-ci est plus généreux pour les clients et qu’il est de surcroît plus connu du public.

DES GARDE-FOUS

Le FICAV est encadré par le règlement sur les agents de voyages. 

Les articles 39 et 39.01 du règlement prévoient une mécanique pour assurer la pérennité du Fonds. Tel que mentionné plus haut, le Fonds cumule actuellement un surplus de 141 M$. L’article 39.01 du règlement  stipule que quand le surplus cumulé du fonds est égal ou supérieur à 125 M$, les clients n’ont plus à payer une contribution au Fonds.

En puisant une somme dans le FICAV, son surplus cumulé va nécessairement diminuer, c’est alors que l’article 39 du règlement prend la relève afin d’assurer la pérennité du Fonds. La contribution des clients au Fonds est calculée en fonction du surplus cumulé du FICAV comme ci-dessous.

 

Surplus cumulé du fonds

Contribution du client en pourcentage des services touristiques

Jusqu’à 75 M$

0,35%   =  3,5$ par tranche de mille dollars

Jusqu’à 100 M$

0,20%   =  2 $ par tranche de mille dollars

Plus de 100 M$

0,10%   =  1 $ par tranche de mille dollars

LES SURPLUS DU FICAV POUR LA RELANCE DE L’INDUSTRIE TOURISTIQUE

D’un côté, il y a une situation sans précédent qui affecte tous les joueurs de l’industrie touristique, et de l’autre, il y a la nécessité de prendre en considération tous les moyens et tous les outils pour répondre au défi auquel on fait face. Parmi ces outils, il y a le FICAV.Les surplus du FICAV pour la relance de l’industrie touristique

Le gouvernement devrait, dans un contexte extraordinaire, 
prendre une mesure extraordinaire en transférant une partie du surplus cumulé du FICAV, 
pour contribuer au financement d’un plan de relance de l’industrie, 
pour de l’aide directe aux entreprises et la promotion.

COMBIEN TRANSFÉRER DU FONDS?

  • Pas simple comme réponse, 10M$, 25M$, plus, moins? En un seul retrait ou par tranche selon l’évolution de la situation? Pas facile comme je vous dis, mais une chose est sûre, c’est qu’il est incontournable d’évaluer cette option dans le contexte actuel. Alors qu’il se vit dans les entreprises de véritables drames humains. Et que les coûts pour le gouvernement sont stratosphériques tandis que l’utilisation d’une partie du surplus cumulé du FICAV, se ferait à coût nul pour celui-ci.

Deux critères essentiels devraient être pris en considération :

  • Le contexte actuel qui a et aura des impacts majeurs sur toute l’industrie,  ses 402 000 travailleurs et 30 159 entreprises
  • Le maintien de la capacité du FICAV à remplir sa mission de protection des consommateurs.

Parmi les facteurs à considérer il y a, entre autres :

  • La bonne santé financière du FICAV comme le démontre son surplus cumulé de 141 M$.
  • Les impacts du Covid-19 sur le secteur du voyage avec les risques de débordement de réclamations vers le FICAV.
    • Il y a actuellement deux demandes de recours collectifs, qui portent sur les crédits voyage. Il y a donc un risque que le FICAV soit sollicité. L’ACTA Québec et l’Association des agents de voyages du Québec (AAVQ) demandent, au gouvernement d’officialiser la pratique du crédit voyage
  • L’évaluation d’un seuil adéquat pour que le FICAV conserve sa capacité de se régénérer après une ponction dans son surplus cumulé. 

POUR L’AVENIR

  • Le règlement sur les agents de voyage devrait être modifié pour prendre en considération des événements de l’envergure du Covid-19.
  • L’article 39 du règlement devrait être modifié pour qu’à partir de 100M$ et plus de surplus cumulé, la contribution des consommateurs soit au minimum de 2,00$ par tranche de mille (0.2%).
  • Ce qui rendrait caduc l’article 39.01 qui indique qu’à partir de 125M$ la contribution des clients est nulle.
  • Un nouvel article pourrait spécifier que tous les surplus au-dessus de 100 millions (par ex.) puissent être considérés comme un Fonds d’urgence pour les événements perturbateurs qu’est la crise du Covid-19. Ce genre de règlement permettrait aux gouvernements et à l’industrie d’avoir un outil supplémentaire pour affronter ce type d’événement.

COOPÉRATION ET SOLIDARITÉ

Qui dit règlement sur les agents de voyages, dit intervention du législateur avec toutes les procédures que cela implique. Le retrait d’une somme du FICAV pour contribuer à financer un plan de relance de l’industrie nécessitera de la bonne volonté de la part de tous pour simplifier et accélérer le processus, car cette sorte de transfert ne devrait pas souffrir de délais administratifs ou législatifs.

Quand la reprise sera là, elle devra l’être pour tous. Car reprise il y aura!

Louis Rome
Collaboration spéciale

Sources :

Articles sur les deux recours collectifs :