Au carrefour de l’audace et de la passion du Québec, entretien avec une PDG qui voit grand, par Louis Rome
Geneviève Cantin est PDG de l’Alliance de l’industrie touristique du Québec depuis mai 2024. J’avais une seule et unique question pour Geneviève. Comment ça va depuis ton arrivée en poste à la tête de l’Alliance?
Au diable la poignée de main, j’ai plutôt eu droit à une belle accolade à l’image d’une femme qui est manifestement chaleureuse et proche des gens comme je l’ai ressenti tout au long de notre échange, particulièrement quand elle parlait de son équipe.
Avertissement! Avertissement! Comme dans l’émission d’Infoman de Jean-René Dufort, ma patronne, Joanne Beaulieu, m’a permis d’écrire un texte un peu plus long, car j’avais trop de choses à vous dire sur la PDG de l’Alliance.
Une feuille de route impressionnante
Comment résumer son cheminement professionnel sans raconter le personnage, sans revenir sur son parcours atypique? Elle rêvait de devenir journaliste juridique. Pour y arriver, elle a obtenu son baccalauréat en droit (plus tard son barreau) et a suivi une formation en communication. « C’était compréhensible pour moi quand tu viens d’une famille alors que ta mère est avocate et que ton père travaille en com. ».
Et c’est parti
Alors qu’elle travaille depuis quelques semaines pour une radio AM de Québec, elle rencontre un député fédéral qui l’encourage à venir travailler à Ottawa. C’était à l’époque de Paul Martin alors premier ministre du Canada.
Une année et demie plus tard, elle est de retour au Québec pour travailler aux commandites pour le Festival d’été de Québec. Elle était au début de sa carrière, donc elle aimait relever de nouveaux défis ce qui l’a ensuite amené à Montréal comme directrice des communications pour le Centre d'accès à l'information juridique (CAIJ), en quelque sorte la bibliothèque des avocats.
Tant qu’à être à Montréal, elle a eu l’opportunité de travailler deux ans au Secrétariat à la région métropolitaine, plus spécifiquement pour le fonds de développement de la métropole sur le rayonnement de la métropole via les festivals et événements.
De retour à Québec elle devient adjointe exécutive et chef du protocole (2 ans) pour Jean Pelletier, patron à l’époque du Carnaval de Québec.
À partir d’ici j’ai le tournis quand elle me parle des nombreux dossiers et responsabilités qu’elle a eus pendant environ 8 années au ministère du Tourisme (MTO). C’est donc en mars 2013 qu’elle rejoint le MTO pour s’occuper de la gestion d’un programme pour une quarantaine d’événements en plus d’avoir la responsabilité de plusieurs ATS.
Ensuite, au gré des élections provinciales et des restructurations au sein du MTO, elle a travaillé avec l’équipe responsable des dossiers des ATR et ATS, pour devenir quelques années plus tard, la directrice des relations partenariales ATR/ATS. Mais entretemps, elle a occupé le poste de conseillère experte aux projets majeurs. Ensuite, grâce à sa formation en droit et à son réseau de contacts, elle a planché sur les modifications législatives pour la création de l’Alliance. D’ailleurs, elle était toujours au MTO quand l’Alliance est née en 2016 de la fusion de trois organisations: l’Association québécoise de l’industrie touristique (AQIT), ATR associées du Québec (ATRAQ) et ATS Québec.
En plus de son expérience acquise avec les événements à Montréal et à Québec, sans le réaliser, elle bâtissait lentement mais sûrement un cumul d’expériences pour un CV qui allait devenir incontournable pour le comité de sélection de la/du PDG de l’Alliance.
Et ça continue!
Elle a été responsable de la gestion du programme festivals et événements au MTO donc très proche du cabinet, pour qui, c’était une priorité.
Toujours au MTO, elle a travaillé sur la loi et règlement sur l’hébergement touristique, dont en 2019, pour la ministre Caroline Proulx sur la réglementation sur l’hébergement illégal en plus de collaborer pour la mise en œuvre des Passeports attraits et des forfaits Explore Québec sur la route.
C’est sans compter qu’en plus, pendant ses années au MTO, elle a travaillé au développement et à la mise en œuvre d’outils visant la structuration de l’offre touristique, l’accompagnement des entreprises, l’accueil des touristes, l’accessibilité aérienne en région, les enjeux de main-d’œuvre, la promotion de la destination ainsi que l’intelligence d’affaires. Ouf!
En 2021, elle se joint à l’équipe de Destination Québec cité, comme directrice du développement de l’offre, des services et de l’innovation, où elle a réalisé plusieurs partenariats.
En 2022, elle a été repêchée par le gouvernement du Québec pour devenir directrice de cabinet de la vice-première ministre du Québec et ministre des Transports et de la Mobilité durable (MTMD), Geneviève Guilbault avec toutes les responsabilités que cela implique.
Tout un parcours, qui l’a indéniablement préparée pour son poste à la tête de l’Alliance.
Une nationaliste finie
Tout de go, elle me dit qu’elle est « nationaliste », on ne parle pas de politique ici, quand elle ajoute que « je suis amoureuse de la province, je suis amoureuse du Québec, je suis une nationaliste finie. Je veux de la richesse pour le Québec. C’est là que le volet touristique me parle, parce que ça peut tellement être contributif de richesse. Je ne peux toujours pas concevoir qu’encore aujourd’hui, on soit obligé de se battre pour faire reconnaître l’importance de notre industrie quand on a plus de 6 milliards de dollars d’argent neuf qui entre annuellement dans les coffres de l’État québécois ».
Son cheval de bataille
« Mon cheval de bataille c’est : retombées économiques, retombées économiques, retombées économiques, je ne le dirais jamais assez ». Oui il y a beaucoup de chemin qui a été fait, mais il en reste encore beaucoup à faire quand on prend en considération l’importance des retombées économiques et sociales du tourisme dans toutes les régions et les secteurs d’activités de notre industrie.
« Sur les 6 milliards de dollars d’argent neuf que l’industrie touristique rapporte annuellement, il y a environ 30% qui vont directement dans les coffres de l’État, et grâce à ce 2 milliards annuel on peut financer nos écoles, nos hôpitaux, etc., imagine ce qu’on pourrait faire avec encore plus? »
Pour Geneviève malgré les efforts du gouvernement « on n’investit pas suffisamment en tourisme par rapport à ce que cela rapporte. Pour moi c’est mon cheval de bataille, le positionnement de notre industrie sur l’échiquier autant économique que politique. Nous ne sommes pas un poste de dépenses pour l’État, mais bien une source de revenus, on s’inscrit en mode solution à de nombreux défis et problématiques auquel est confronté notre projet de société. »
L’importance du décloisonnement et du réseautage
À ma question, comment jongles-tu avec la dynamique d’un CA qui se compose d’entrepreneur(e)s, d’ATR et d’ATS? « J’arrive dans une maison solide et propre grâce à tout le travail accompli par Martin Soucy et l’équipe, et là j’ai ce qu’il faut pour bâtir le deuxième étage. C’est la deuxième phase, celle du développement qui consiste pour moi à mieux comprendre les forces et faiblesses de chacun. Je me retrouve dans un environnement où je peux être réellement contributive, car je suis une personne qui décloisonne, qui travaille en conciliation. Les ATR, les ATS et les entreprises doivent travailler en coopétition et en complémentarité. On collabore! »
« Je travaille pour l’Alliance comme si c’était ma business, je vais y mettre ton mon cœur, toute mon énergie et toute mon expérience. Je suis là pour contribuer, pour participer à l’enrichissement du Québec ».
Les fameux 100 jours
En réalité au moment de notre entretien ça faisait 4 mois que Geneviève était en poste, mais quand tu as autant de passion et de volonté, que tu as déjà une solide connaissance de notre écosystème touristique, que tu multiplies les rencontres avec les partenaires touristiques et les entreprises et que tu as déjà des réalisations à ton actif, au diable les 100 jours.
Entre ses nombreuses réunions de travail, elle a déjà commencé à parcourir le Québec, qu’elle connaît d’ailleurs très bien, mais cette fois-là pour aller à la rencontre des ATR et des ATS et d’entrepreneur(e)s. « En 4 mois j’ai rencontré plus d’une centaine d’entreprises, ce qui est très stimulant et augmente ma compréhension de leur réalité et de leurs besoins. J’ai le couteau entre les dents et je veux que ça marche.»
Le guide Michelin
On a tous entendu parler de la venue du guide Michelin au Québec. Pour la petite histoire, il faut savoir que les démarches ont commencé 4 jours après son arrivée à l’Alliance. La Table Ronde avait tenu une AGA en avril passé, alors qu’à Destination Québec Cité il y avait 15 restos de la région qui avait signé une lettre ouverte en mars pour avoir le guide aux étoiles. Lors de l’AGA de la Table Ronde, 65% des membres présents votent pour la venue du guide. « J’arrive en poste le 27 mai et le 30 mai j’avais un lunch avec mon ex-patron Robert Mercure, DG de Destination Québec cité.»
« C’est là que l’Alliance a pris le dossier à bras le corps, rapidement elle rencontre la Table Ronde, ensuite Tourisme Montréal et la semaine suivante le guide Michelin, soit l’équipe de la France et des États-Unis et ensuite les autres partenaires. « Au mois d’août, quand l’annonce de la venue du guide Michelin a été faite, on a eu plus d’un milliard d’impressions, c’est phénoménal. C’est tellement important pour notre positionnement un brand aussi fort. On n’aurait jamais pu se payer ça. D’ailleurs, dans le communiqué de presse de Michelin c’est la citation de l’Alliance qui est là. »
Le TGV
« Autre exemple, c’est la sortie pour le TGV alors que nous devons aussi nous positionner sur des lignes aériennes directes branchées sur notre destination, car nos entrepreneur(e)s ont besoin d’avoir de l’intrant de touristes étrangers et veulent qu’on se positionne autant sur le TGV que sur des lignes aériennes directes. »
« On a appelé la gang de TGV/TGF, j’ai été à Toronto pour le guide Michelin, j’ai donc aussi rencontré l’Association de l’industrie touristique de l’Ontario. Nous avons fait du maillage et nous avons sorti un communiqué de presse en même temps sur le TGV/TGF. Donc nous sommes deux destinations, deux provinces qui se positionnent face à Ottawa. » Dans un article de La Presse Geneviève rappelle que 92 % des Canadiens et Canadiennes sont favorables à un TGV plutôt qu’un train à grande fréquence (TGF).
120 jours
« Pour mes 120 premiers jours et pour le futur, mon mantra c’est collaborer, collaborer, collaborer, il faut arrêter de travailler en silo, il faut avoir une vision transversale, il faut comme organisation avec une imputabilité dans nos actions, avoir de la rigueur dans notre rôle d’accompagnement et de positionnement de notre destination. »
« Je veux que l’Alliance devienne une référence une sorte d’UPA du tourisme. Il faut que la première question que doit se poser le premier ministre du Québec quand il s’agit d’enjeux importants pour le tourisme : Qu’est-ce qu'en pense l’Alliance? »
Louis Rome, collaborateur TourismExpress
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