3 visions, une industrie, par Louis Rome

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Il n'y a pas à dire, le début des vacances est propice pour les annonces en matière touristique. Le 20 juin, la ministre du Tourisme, Caroline Proulx, dévoilait le Plan stratégique 2023-2027 de son ministère. Le 28 juin, la ministre Pascale St-Onge (DEC) y allait d’une déclaration comme quoi l’aide au tourisme doit « passer à une prochaine étape ». Et enfin, le 4 juillet, le ministre du Tourisme Randy Boissonnault lançait la nouvelle stratégie touristique du fédéral.  

La nouvelle stratégie fédérale pour la croissance du tourisme

Pour le ministre Boissonnault, la stratégie Canada 365 : Accueillir le monde entier au quotidien, « tracera la voie d'une croissance durable pour les générations à venir, soutiendra les bons emplois et l'attraction des talents, et veillera à ce que les voyageurs internationaux continuent de choisir le Canada, encore et encore. »

La stratégie repose sur une consultation de près d’une année auprès de 400 intervenants touristiques « coast to coast to coast », une expression utilisée lors de la conférence de presse, pour nous rappeler que le Canada est bordé par trois océans.

La stratégie fédérale repose sur 4 principes directeurs

  1. Équité, diversité et inclusion
  2. La réconciliation en action à l’égard des peuples autochtones
  3. Approches durables et régénératives
  4. Le Canada rural en point de mire

Selon le document, cinq défis sont ressortis de la consultation

  1. Prioriser la croissance du tourisme au Canada
  2. Tirer parti de la marque Canada
  3. Rebâtir la main-d’œuvre
  4. Améliorer les infrastructures et moderniser l'expérience des voyageurs
  5. Promouvoir la durabilité

Cinq priorités stratégiques ont été identifiées

1. Investir dans les atouts touristiques

  • Le budget de 2023 a annoncé 108 millions de dollars sur trois ans pour le Programme pour la croissance du tourisme (PCT).
  • Les 96,5 millions annuellement investis dans Destination Canada.
  • L’organisme mettra aussi en place une nouvelle plateforme centralisée, accessible et sécurisée pour les données touristiques.

2. Profiter des loisirs et du plein air

  • La deuxième priorité semble s’articuler autour du « tourisme d’aventure » et de la nouvelle « stratégie en matière de tourisme sur les sentiers » qui vise à améliorer l’accès aux espaces naturels. L'accent mis sur le tourisme récréatif consiste notamment à tirer parti des possibilités récréatives des grands espaces du Canada tout en facilitant l’accès aux visiteurs et en dispersant la fréquentation sur une base saisonnière et géographique.  

3. Établir des partenariats pour développer le tourisme autochtone

  • Le gouvernement fédéral va poursuivre ses efforts et ses investissements dans les attractions touristiques autochtones.

4. Attirer des événements internationaux

  • Le budget fédéral de 2023 a annoncé un financement de Destination Canada à la hauteur de 50 millions de dollars sur trois ans afin d'attirer des congrès et des événements d'envergure au Canada. tout en priorisant ceux qui vont entraîner une dispersion saisonnière et régionale.

5. Améliorer la coordination fédérale en créant un Conseil ministériel

  • Afin de s’aligner sur les meilleures pratiques dans le monde.
  • Grâce à son rôle de coordination, le Conseil élèvera les activités du Conseil canadien des ministres du Tourisme à un niveau fédéral plus large, créant ainsi une plus grande connectivité entre le gouvernement fédéral et ceux des provinces et territoires.
  • Parallèlement, le gouvernement du Canada continuera à soutenir le réseau de partenariat Étoile du Nord de Destination Canada. Ce réseau réunit les meilleures organisations de marketing et de gestion de destinations de tout le pays.

Il faut souligner l’effort pour l’amélioration de la coordination fédérale, avec la création d’un Conseil ministériel. J’espère que les détails de cette approche seront bientôt dévoilés; d’ici là, espérons que la lecture de l’enquête de l’OCDE sur les principales réformes politiques et de gouvernance des 50 pays membres et partenaires de l’OCDE alimentera les réflexions sur la mise en œuvre du Conseil. Pour les plus pressés voir le texte sur les priorités touristiques des gouvernements de 50 pays selon l’OCDE.

Les objectifs d’ici à 2030

Les trois principaux objectifs

  1. Une augmentation de la contribution du tourisme au PIB du Canada qui passerait de 43,6 G$ en 2019 à 61 G$ en 2030.
  2. La création de 85 000 emplois qui augmenterait de 704 100 en 2019 à 790 000 en 2030.
  3. L’amélioration de la position du Canada sur la scène internationale selon l'indice mondial de développement des voyages et du tourisme du FEM.

À cela s’ajoute

  • L’engagement du Canada à réduire les obstacles auxquels sont confrontés les « divers Canadiens », car les groupes en quête d’équité représentent une part importante de la main-d’œuvre dans le secteur touristique.
  • Au niveau de l’environnement, le gouvernement s’engage à respecter toutes ses promesses en la matière, incluant celle de faire progresser les 17 objectifs de développement durable (ODD) établis par les Nations unies.
  • Le gouvernement s’engage aussi à de soutenir une initiative de l’OMT « Vers un cadre statistique de mesure de la durabilité du tourisme » (MDT) qui devrait permettre de fournir des orientations supplémentaires en matière de durabilité et de fixer des objectifs spécifiques au tourisme.

Si le passé est garant de l’avenir, comme la majorité des gens j’ai des doutes sur l’atteinte par le gouvernement de ses objectifs en matière d’environnement et de développement durable.

Plus d’une quarantaine d’initiatives du gouvernement fédéral

Pour les plus curieux d’entre vous, je suggère de lire l’annexe 1 de la stratégie. Il y est répertorié les principales mesures fédérales, autant des ministères que d’organismes gouvernementaux, visant à soutenir et à développer l'économie du tourisme du Canada. Plus de quarante initiatives/programmes qui ont un impact direct ou indirect sur le tourisme y sont identifié(e)s.

C’est peut-être la partie la plus concrète de la stratégie, car celle-ci semble manquer d’un fil conducteur. C’est comme si après une consultation de plusieurs mois auprès de 400 intervenants, le document stratégique n’avait pas réussi à synthétiser et à canaliser les attentes et l’énergie des 400 participants.  Les indicateurs de résultats de la stratégie contribuent aussi à ne pas nous rassurer sur l’atteinte par le gouvernement de ses objectifs d’ici… 2030.

Deux stratégies touristiques, une industrie

Le Plan stratégique 2023-2027 de la ministre Caroline Proulx et la stratégie fédérale pour la croissance du tourisme du ministre Randy Boissonnault donnent le ton pour le développement de notre industrie d’ici 2027 ou 2030.

Les deux paliers de gouvernement ciblent naturellement la croissance de l’industrie et l’augmentation de son importance comme outils de développement économique canadien et québécois avec tous les défis et stratégies que cela suppose. Il y a aussi tous les enjeux relatifs à l’intégration des pratiques durables et responsables dans l’offre touristique qui semble faire consensus, mais avec des approches différentes en fonction de leurs champs de compétence. Toutefois, dans les deux cas il y a un manque d’indicateurs crédibles, du moins pour certains objectifs, comme le souligne d’ailleurs Jean-Michel Perron, dans le cas du MTO, dans son analyse du Plan stratégique 2023-2027 du ministère.

Bien sûr, il y a plusieurs autres éléments qui semblent faire consensus, comme la volonté d’une meilleure coordination entre les différents acteurs (la gouvernance), la recherche et l’utilisation de données stratégiques. Cette similitude de vision stratégique peut permettre à nos deux gouvernements de travailler ensemble pour le bien de notre industrie, dans la mesure que les enjeux politiques (ah! ces élections) ne viennent brouiller les cartes.

Toutefois, il y a un manque important dans les deux stratégies touristiques gouvernementales, soit l’accès aux régions et le dossier complexe de la main-d’œuvre. Certes, il y a des actions qui ont été entreprises, mais comment se fait-il que ses deux enjeux hautement stratégiques ne soient pas clairement définis dans les deux stratégies?

L’aide au tourisme doit « passer à une prochaine étape »

Le bureau de la ministre Pascale St-Onge a publié un communiqué de presse, le 28 juin, qui faisait le bilan du Fonds d’aide au Tourisme (FAT), alors que celui-ci a permis de soutenir 292 projets au cours des deux dernières années à travers le Québec, pour un investissement total de plus de 110 millions $.

Au même moment (28 juin), Le Devoir publiait une entrevue avec la ministre avec le titre suivant :  L’aide au tourisme doit « passer à une prochaine étape ». Selon l’article du Devoir, l’industrie touristique n’est pas « sortie du bois », alors que la ministre souligne avec justesse que pour l’industrie touristique, la pénurie de la main-d’œuvre, l’inflation et les changements climatiques font partie des défis auxquels nous devons faire faire face afin de « passer à une prochaine étape ».  À cela s’ajoute, toujours selon la ministre, la nécessité pour l’industrie touristique de « devoir réfléchir de plus en plus au développement durable ».

Je crois que nous sommes tous d’accord avec la ministre, mais deux questions demeurent. Quelle est cette prochaine étape? Quels sont les stratégies et les outils qui seront déployés pour l’atteindre? À suivre!

3 visions, une industrie

La lecture des deux stratégies gouvernementales met en évidence de nombreuses pistes de travail consensuelles, malgré des oublis importants (accès aux régions…) et la faiblesse, dans certains cas, d’indicateurs crédibles.

La citation de la ministre St-Onge, de passer à une prochaine étape, suggère aussi que celle-ci est en réflexion sur comment Développement économique Canada va accompagner l’industrie touristique, alors que les ententes de 4 ans entre DEC et les ATR et ATS viennent à peine d’être signées.

À suivre!

Louis Rome


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