Tourisme sportif à Québec à travers l’expérience de Patrice Drouin, cofondateur de Gestev et aubergiste sur la Côte-de-Beaupré

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Si vous ne connaissez pas Patrice Drouin, eh bien vous connaissez certainement plusieurs des événements sportifs d’envergure dont il a été l’instigateur et le maître d’œuvre au courant des trois dernières décennies. Fondé avec sa complice Chantale Lachance, Gestev fut derrière l’organisation de plus de 300 coupes du monde, 30 compétitions de vélo de montagne, 14 Red Bull Crashed Ice, le Snowboard Jamboree, le Marathon de Québec, la Transat Québec Saint-Malo et encore.

Crédit photo: Gestev

Alors que le tourisme sportif inclut toute personne qui visite temporairement une destination afin de pratiquer une activité sportive, participer ou assister à un événement ou une compétition, il va sans dire que les événements de Gestev ont, au fil des années, généré d’impressionnantes retombées économiques dans la grande région de Québec notamment. Pionnier de cette industrie, Patrice Drouin partage sur les éléments clés de sa carrière, ainsi que sur sa nouvelle réalité d’aubergiste sur la Côte-de-Beaupré, région d’appartenance d’où Gestev avait émergé en 1992.  

Sortir des sentiers battus

D’abord influencé par une firme allemande qui avait comme philosophie de cibler des sports non olympiques à potentiel olympique afin d’être en mesure d’aller chercher un calibre événementiel et en générer des retombées intéressantes, Patrice Drouin s’est intéressé aux sports émergents. « En investissant dans ces événements, on les a amenés à un niveau d’organisation élevée qui a fait leur renommée. » précise-t-il. En effet, plusieurs des disciplines mises de l’avant dans les événements signés Gestev ont finalement fait leur apparition aux Olympiques par la suite.

Autres événements sportifs à ne pas négliger le potentiel : des événements fédérés nationaux ou indépendants qui à prime abord, semblent passer au-dessous du radar. La fédération canadienne de volley-ball ou encore un tournois de billard d’envergure en sont de bons exemples. « C’est incroyable comme ces événements génèrent et qu’ils sont très sollicités par des villes qui ont flairé ce potentiel! » s’exclame Patrice, en mentionnant notamment l’expertise de la ville d’Edmonton au niveau de l’accueil d’événements sportifs. 

Au-delà du sport

Une fois l’événement confirmé, la vision de Gestev était bien sûr de livrer un événement sportif, mais celui-ci dans une formule événementielle et non seulement de compétition. « Et c’est là qu’entre en jeu le tourisme sportif; je ne produis pas seulement une course, mais je fais un événement. » explique l’ancien producteur.

Une Coupe du monde de Snowboard accompagnée d’un défilé de mode, des Championnats du monde de vélo de montagne dont l’ouverture se tient en plein centre-ville, des spectacles, des aires lounges, des événements amateurs et même des initiatives destinées aux enfants… « Nos événements grossissaient. Ayant voyagé beaucoup à travers divers événements équivalents à l’étranger, mes échanges avec les différents producteurs me rendaient à l’évidence; l’impact économique et touristique que nous générions se distinguait vraiment d’ailleurs dans le monde. »

Crédits photos: Lyra, Gestev et Mathieu Belanger, Gestev

C’est ainsi qu’on implique et qu’on mobilise vers un objectif commun les associations touristiques sectorielles, les centres de développements, les hôteliers, les restaurateurs et les attraits d’une région, tout en devenant extrêmement attrayant pour la communauté locale.

Retombées et pérennité  

Il y a beaucoup d’opportunités connexes aux événements sportifs, en plus des retombées directes comme la venue d’athlètes et d’accompagnateurs qui investissent via diverses sphères (aéroport, location de véhicule, restauration, hébergement, souvenirs, etc.). Notamment, la présence des fédérations et des partenaires de l’événement dans notre ville ou région peut être développée d’avantage. « Si on s’en occupe bien, ils reviendront! » confie celui pour qui le développement n’a plus de secret. Par exemple, la tenue du congrès annuel d’une fédération par la suite ou l’implication d’un partenaire à de nouveaux niveaux sont des façons de générer du nouvel argent dans la région, s’additionnant aux retombées de l’événement en cours.

De plus, la pérennité potentielle associée à ce genre d’événement n’est pas à négligée. À titre d’exemple, les Coupes du monde sont répétitives et peuvent se tenir annuellement. L’an dernier, le Mont-Sainte-Anne célébrait sa 30e année d’événements UCI dans le cadre de la Coupe du monde de vélo de montagne; des retombées concrètes tant pour les hébergements que pour l’ensemble des commerçants de la région.

Crédit photo: Gestev

« Dans une vision stratégique à long terme, la clé est de se diversifier été comme hiver, et ainsi, s’assurer de ces retombées biannuellement par exemple. » conseille M. Drouin. Selon lui, c’est pourquoi les associations touristiques ont tout intérêt à investir dans ce genre d’événements pour soutenir leurs membres.

Les retombées en chiffres

Pour se donner une idée concrète de ce que ces événements peuvent générer pour une région, Patrice partage quelques chiffres :

  • Des championnats du monde de vélo de montagne : 11 à 13 millions $
  • Des Coupes du monde de vélo de montagne : 4 à 5 millions $
  • Le Red Bull Crashed Ice : 11 millions $
  • La Coupe du monde de ski de fond (Plaines d’Abraham) : 3 millions $

« Si on fait un cumulatif sur 30 ans, nous avons généré plusieurs centaines de millions de dollars en retombées pour la ville hôte, le Québec et le Canada. La répétition du genre Coupe du monde est extra productive en termes de retombées. » conclue-t-il, en faisant la réflexion qu’une simple petite entreprise événementielle peut, à elle seule, devenir une joueuse très importante dans l'économie locale touristique et d'affaires.

Crédit photo: Gesdev

Région de Québec : destination sportive établie

Quand on aborde les éléments du tourisme sportif, la région de Québec coche à tous les niveaux. « Québec a définitivement un petit côté attrayant bien unique : ville francophone reconnue, dotée d’une architecture propre à elle et avec la nature à proximité… Un produit vendeur! » partage Patrice, après 30 ans de carrière à vendre cette destination pour des événements d’envergure. En effet, Québec attire les adeptes de plein air grâce aux diverses activités offertes à proximité de la ville, et possède également les infrastructures d’envergure pour recevoir un large bassin de visiteurs.euses à la fois. La destination est paisible, sécuritaire, urbaine et naturelle à la fois, et possède une offre de qualité en ce qui a trait aux bars, restaurants et sources de divertissement.

En 2011, la ville de Québec avait d’ailleurs reçu l’événement annuel de SportAccord, organisation qui rassemble des représentants de plus de 100 fédérations sportives internationales. « Clairement cette initiative avait fait des p’tits! Ceci est purement du développement de tourisme sportif, alors que ça ouvre la porte à travailler avec chacune des fédérations individuellement pour développer tant un événement qu’un congrès. » confirme l’expert.

Auberge & Campagne : tributaire du sport dans sa région

Retiré de Gestev depuis 2019, Patrice Drouin s’est lancé un nouveau défi de taille avec cette fois, sa conjointe Lisa Linton comme partenaire d’affaires. À l’automne 2021, ils ouvraient une magnifique et authentique auberge au cœur de St-Ferréol-les-Neiges, village au pied du Mont-Sainte-Anne.

Ce nouveau rôle a d’autant plus fait prendre conscience à l’ancien producteur événementiel combien le succès financier de son auberge dépend en grande partie du tourisme sportif. « L’incident survenu sur la télécabine du Mont-Sainte-Anne suivi de la fermeture de la station sur quelques semaines, ont créé un tort irréparable sur la totalité de la saison hivernale pour plusieurs acteurs locaux. » confie l’aubergiste.

Disant regarder vers l’avant et travailler actuellement à sécuriser sa prochaine saison estivale grâce au vélo de montagne, à la randonnée et à son emplacement privilégié entre Québec et Charlevoix, Patrice tient tout de même à se faire entendre lorsqu’il entrevoit le futur : « Le positionnement du Mont-Sainte-Anne doit être remis à niveau. Si le gouvernement songe à collaborer avec la station de la même façon qu’il l’a fait avec plusieurs autres stations du Québec, il doit le faire maintenant. » 

Selon lui, le retour économique et touristique du Mont-Sainte-Anne est indéniable; c’est une notion souvent mal expliquée mais une station touristique génère des revenus au gouvernement. « La seule façon actuellement de rétablir la situation est d’y annoncer des investissements. » conclut-il.

Crédit photo: Abby Cooper, Mont-Sainte-Anne

Entre temps, la Coupe du monde FIS de snowboard cross se tenait le week-end dernier à la station de Beaupré durant laquelle les spectateurs.trices ont pu encourager les athlètes et olympiens de chez-nous; Eliot Grondin, Audrey McManiman et Tristan Bell. Quel spectacle!

Lisa Marie Lacasse
Consultante en communications et rédactrice, spécialisée en tourisme et plein air


À propos du tourisme sportif au Canada en 2019

Un créneau en plein essor

Bien que relativement nouveau, le tourisme sportif est devenu une activité de niche hautement compétitive. Ce segment enregistre l’une des plus fortes croissances de l’industrie et son estimation à l’échelle mondiale est à 323,42 milliards de dollars* en 2020 pour atteindre 1 803,70 milliards de dollars d’ici 2030 (TCAC de 16,1 %).

Au Canada, il a été officialisé en l’an 2000 avec la création de Tourisme sportif Canada. Avec plus de 7,4 milliards de dollars dépensés par les visiteurs nationaux et internationaux en 2019, il s’agit de la croissance la plus rapide de l’industrie touristique au pays.

Crédit photo : Site Web sport Tourism Canada / Source: Martin Lessard, MT Lab