Tourisme musical au Québec : une manne sous-exploitée ?, par Claudine Hébert
Est-ce que l’industrie touristique du Québec exploite le tourisme musical à son plein potentiel? C’est la question que se pose ces jours-ci Martin Roy, président-directeur général du Regroupement des événements majeurs internationaux (RÉMI).
Une récente étude publiée par l'Association canadienne de la musique sur scène (CLMA – Canadian Live Music Association) révèle que l’industrie musicale représente près de 11 milliards de dollars (10,92 G$) pour le produit intérieur brut (PIB) du Canada. De ce montant, près de 10 G$ (9,9 G$) correspondent à des dépenses touristiques. Soit 10,8 % des dépenses touristiques totales au pays en 2023.
« Si on fait une règle de trois, en tenant compte des événements tenus au Québec, on peut aisément supposer que l’industrie musicale représente près de 3 G$ en retombées touristiques pour l’ensemble de la province », estime Martin Roy.
Or, cette industrie pourrait rapporter davantage au Québec, croit le dirigeant du RÉMI, qui dirige aussi la coalition canadienne Festivals et événements majeurs (FAME).
Des exemples payants
Il cite en exemple le festival Coachella qui se déroule tous les ans à la fin du mois d’avril dans la région de Palm Springs, en Californie. « À lui seul, ce festival musical génère annuellement plus de 700 M$ US en retombées économiques diverses, dont 600 M$ US en dépenses touristiques », avise Martin Roy PDG RÉMI.
À titre de comparaison, l’événement musical au Québec qui génère le plus de retombées économiques est le Festival de jazz international de Montréal avec près de 50 M$.
La marée Taylor Swift
Martin Roy souligne également le passage de la chanteuse Taylor Swift, à Toronto, en novembre dernier. Selon Destination Toronto, son séjour d’une dizaine de jours dans la ville Reine pour sa tournée mondiale Eras aurait généré plus de 150 M$ de dépenses directes dans les hôtels, les restaurants, magasins et autres activités locales. Des dépenses, dont plus de 90 % proviennent de visiteurs venant de l’extérieur de la ville, précise l’organisme.
Des hôtels occupés
À Tremblant, nul besoin de convaincre l’hôtelier Guillaume Parent, propriétaire du Westin Tremblant, de l’impact économique du tourisme musical. « Tous les week-ends de l’été, lors desquels la destination accueille des événements musicaux, notre hôtel affiche quasi complet », dit-il. Un achalandage qui chute entre 60 % et 70 % les jours de semaine, note-t-il.
Il y a une dizaine d’années, le RockFest, à Montebello, qui attirait les grands noms de la musique rock, était devenu justement l’événement qui générait les plus grandes foules dans toute la région de l’Outaouais. En 2014 et 2015, ce sont plus de 200 000 spectateurs qui se sont rassemblés dans ce petit village de moins de 1000 âmes. Non seulement plus de 90 % des festivaliers provenaient de l’extérieur de la région, plus d’un sur deux provenait de l’extérieur de la province, soutenait l’organisateur du festival, Alex Martel. Sans surprise, la plupart des établissements d’hébergement situés entre Gatineau et Lachute affichaient complet pendant les trois jours du festival.
Marc-Antoine Dufresne, codirecteur adjoint et directeur marketing du Festival en chanson à Petite-Vallée, en Gaspésie, présenté à la fin juin et début juillet, peut aussi témoigner de l’impact économique de son événement. « Chaque année, nous accueillons près de 20 000 visiteurs, dont 80 % viennent de l’extérieur de la Gaspésie. Plus de 1600 d’entre eux proviennent même de l’extérieur de la province », dit-il. « Et si ce n’était pas du manque d’hébergement, le festival, qui génère plus de 4 M$ de retombées directes dans la région, pourrait aisément accueillir davantage 2000 festivaliers de plus », estime-t-il.
Meilleure reconnaissance
De l’avis de Martin Roy, l’industrie touristique musicale au Québec mérite une meilleure reconnaissance pour le potentiel économique qu’elle génère. Nos voisins américains, poursuit-il, ont d’ailleurs déposé le projet de loi, American Music Tourism Act, en décembre dernier. Cette loi charge le secrétaire adjoint au Commerce pour les voyages et le tourisme de promouvoir activement le tourisme musical dans le pays.
Le PDG du RÉMI tient aussi à rappeler que pour chaque dollar dépensé par un touriste musical, 33 cents vont aux restaurants et 25 cents à l’hébergement. « Chaque événement musical vient soutenir l’entrepreneuriat touristique local. Ces rendez-vous musicaux créent de la richesse », soutient-il.
La musique fait voyager
Soit dit en passant, l’étude du CLMA soutient que l’industrie de la musique a attiré près de 20 millions de touristes au pays en 2023. Parmi ces visiteurs, 1,47 million étaient Américains, 3,18 millions venaient d’autres provinces, 14,5 millions voyageaient dans leur propre province et 550 000 provenaient de l’international.
Cette portion de visiteurs internationaux devrait d’ailleurs connaître une croissance significative au cours des dix prochaines années, signale la firme Market.US, qui a publié en décembre dernier, un rapport sur l’évolution du marché global du tourisme musical. Alimenté par une demande croissante d’événements en direct, le soutien des gouvernements et des offres de voyage innovantes, le marché du tourisme musical international devrait, selon cette firme, dépasser les 15 G$ en 2033. Il était de 6,5 G$ en 2023…
Crédit Photo: Cochella - Palm Springs Californie
Claudine Hébert
Journaliste et collaboratrice
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