INTERNATIONAL : Obtenir de la véritable data, le nouvel eldorado du tourisme et de la culture ?

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Quand j’ai commencé ma carrière dans l’enseignement supérieur en tourisme, il y a une vingtaine d’années, l’une de mes premières préoccupations fut, à l’époque, de trouver ce qu’on appelait alors des statistiques, pour comprendre le secteur d’abord d’un point de vue macroéconomique. Je me suis tourné alors naturellement vers l’INSEE et les publications du Ministère (qui deviendront le fameux « mémento du tourisme »), bibles des experts du secteur, que tout élu, technicien et stratège citait alors comme texte de référence. L’objet de vénération ne dura le temps que de leur première lecture, puisque les données de base (nombre de lits marchands, nombre de lits non marchands, etc.) me semblaient relativement abstraits. Et manquait le plus important de cette économie, le client.

Bien sûr, je pouvais imaginer combien le résultat français en matière d’accueil des visiteurs étrangers était important. Et j’entendis vite résonner comme un doux refrain de la France, « première destination mondiale » et « troisième (puis quatrième) en matière de dépenses générées par les visiteurs internationaux ». Cette « anomalie » statistique fut soulignée des centaines de fois lors de colloques, de journées professionnelles ou manifestations de tous ordres, à l’occasion de discours plus ou convaincus et convaincants. Je découvris également rapidement les « comptes satellites du tourisme », travaillai même quelques années avec celui qui s’en proclamait l’inventeur et était fier d’avoir inspiré la statistique internationale. Le modèle français de la mesure publique triomphait partout dans le monde. Cocorico, nous étions les meilleurs et les plus forts !

Rapidement, je me penchai sur la méthodologie de ces enquêtes. Et je compris vite que je touchais du doigt les limites de la « science » hexagonale. Celle du comptage au doigt mouillé, ou presque. Tous les professionnels savaient que la mesure des touristes, surtout celle des visiteurs internationaux en France, relevait depuis toujours d’une belle histoire. Beaucoup se taisaient, quelques voix se levaient pour dire qu’il fallait retrancher au moins 10% du nombre mais sans plus d’argument. La croissance du secteur semblait perpétuelle, notre culture du chiffre n’était que purement quantitative, mais faussement quantitative. Le vice sans doute de la rente de situation. Je me suis souvent surpris à sourire en écoutant des collègues prendre ces statistiques au pied de la lettre et fonder leurs modélisations académiques. L’assurance de leurs analyses reprenaient à l’unité près les résultats publiés. L’approximation était alors double : d’abord celle de la mesure puis celle de son interprétation. Le doute n’était pas encore permis et nous faisions bloc, comme une équipe de rugby, qui courbe l’échine et essaie de faire barrière devant sa ligne d’essai… Nous défendions collectivement l’art délicat de l’imprécision.

Le passage en douane : le début des difficultés statistiques touristiques

L’HABITUELLE COURSE À L’ÉCHALOTE

Le premier avec qui je mis en doute les paroles officielles fut Jacques Marseille, un économiste iconoclaste, qui se prit de passion pour le tourisme durant les dernières années de sa vie. Nous riions ensemble de quelques phrases entendues dans de nombreux cénacles, de gauche comme de droite, parisien ou en région. Quel qu’en était le segment touristique considéré. La boursoufflure des chiffres infusait l’ensemble de nos territoires.

  • « Notre objectif ? 100 millions de visiteurs internationaux en 2020 » entendait-on dans les salons des ministères qui se succédaient en charge du tourisme.
  • « C’est moi qui ai reçu le plus de touristes durant la haute saison ! » affirmaient les présidents des exécutifs territoriaux.
  • « Non, ce n’est pas vrai, je suis le deuxième derrière Paris » déclamaient tel directeur d’office de grandes villes, qu’on ne présentait pas encore sous le terme de métropole.
  • « Et moi juste après le Louvre, mais je suis le premier en termes d’accueil de primo-visiteurs chinois ! » revendiquait un directeur des publics d’un musée parisien, qui se délectait de l’arrivée de nouveaux et lointains visiteurs.

La course à l’échalote semblait sans fin. Mais quel sens cela avait-il ?

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Source: e-tourisme.info