DOSSIER TENDANCES TOURISMEXPRESS 2024 – Transport aérien régional au Québec, un mirage est en vue, par Mohamed Reda Khomsi

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Les années se suivent et se ressemblent dans le dossier du transport aérien régional au Québec et 2024 ne sera, probablement, pas si différente des dernières années.

2023, une année à oublier

Malgré les bémols formulés par quelques acteurs du milieu, il y avait un certain optimisme dans l’air après le lancement, par le gouvernement du Québec en 2022, du Programme d'accès aérien aux régions (PAAR). Ce dernier, qui permet aux compagnies aériennes d’offrir des billets à 500$ aux voyageurs qui souhaitent se déplacer de Montréal ou de Québec vers les différentes régions de la province, a été finalement moins populaire que prévu. En fait, au cours des 12 premiers mois de son existence (juin 2022 à mai 2023) moins de la moitié des billets disponibles (98 800 allers-retours) ont été vendus. Pour la période du 1er juin au 31 octobre 2023, ce sont 14 345 billets qui ont été achetés par l’entremise du PAAR, ce qui laisse présager que l’objectif ne sera pas non plus atteint cette année, malgré la baisse de 30% du nombre de billets prévus pour la saison 2023-2024.

L’année qui vient de se terminer a également été marquée par la fin du Programme d'aide pour le maintien des services aériens régionaux (programme mis en place pendant la pandémie pour assurer la continuité des liaisons aériennes vers certaines régions du Québec), ce qui a amené certaines compagnies, comme Pascan, à mettre fin à leurs vols directs, jugés peu rentables, de Québec, Montréal et Sept-Îles vers Mont-Joli. Dans ce contexte, cet aéroport vient de perdre ses dernières liaisons avec la capitale nationale et la métropole, puisqu’Air Canada avait arrêté ses vols vers Mont-Joli en 2020, en pleine pandémie de COVID-19.

2024, entre espoir et réalisme

Au risque de décevoir nos lecteurs, la situation du transport aérien régional ne devrait pas connaitre de grands changements en 2024. Les problèmes de ce secteur sont structurels et pour qu’il y ait une modification significative au portrait du transport aérien régional, il faut apporter des changements à plusieurs sphères, et plus particulièrement au niveau touristique.

Cela étant dit, on peut quand même s’attendre à des nouvelles en 2024, et plus particulièrement au chapitre du Programme d'accès aérien aux régions (PAAR). Si on se fie aux déclarations du président du comité permanent sur le transport aérien régional, le député de René-Lévesque, M. Yves Montigny, les critères d’admissibilité au PAAR devraient être élargis pour intégrer les vols entre régions, sans passer par Montréal ou Québec. Cette situation risque en effet d’augmenter le nombre de billets vendus, mais il ne faut pas s’attendre à battre des records, vu la taille limitée du marché interrégional. Certains acteurs du milieu demandent aussi de donner du temps au PAAR pour s’installer et voir quelle est la vitesse de croisière de ce programme. Pour le moment, 18 mois c’est très peu de temps pour juger l’efficacité d’un programme gouvernemental, et avec les améliorations à venir en 2024, c’est encore plus pertinent d’attendre encore quelques années avant de porter un jugement définitif sur cette initiative.

Coup d’œil sur le marché du transport aérien international

Dans le dossier spécial des tendances de 2023, j’avais prédit que cette année serait celle de la reprise, et ce fut le cas. De l’aveu même de l’IATA, généralement réservée dans ses commentaires, la reprise fut impressionnante et les prévisions pour 2024 laissent croire qu’on pourrait dépasser le cap de 4,5 milliards de personnes transportées en 2019, pour atteindre 4,7 milliards. Cela dit, et même si le trafic semble avoir repris sa tendance haussière, la rentabilité reste, selon l’IATA, bien inférieure au coût du capital. Pour imager la faiblesse des marges bénéficiaires des compagnies aériennes, leur association professionnelle souligne qu’elles (les compagnies) ne retiennent que «5,45$ pour chaque passager transporté. C’est à peu près suffisant pour acheter un «grand latté» de base dans un Starbucks de Londres» (IATA, 2023). 

Finalement, et pour ce qui est de l’évolution du prix des billets d’avion, les analystes prévoient une stagnation des prix, voire une légère augmentation du prix moyen des billets. En Amérique du Nord, cette augmentation devrait se situer entre 1 et 2%, alors qu’en Europe, les prix de la classe économique devraient baisser de 2% en , selon les prédictions du département des voyages d’affaires d’American Express, AMEX GBT. Cependant, ce portrait global cache des disparités régionales dans la mesure où certains marchés, où la dynamique concurrentielle est plus forte, peuvent connaitre des baisses de prix plus importantes. Selon les projections de l’IATA, le tarif aller-retour moyen en 2023 devrait être de 254 dollars, soit 20% de moins que le tarif moyen de 315 dollars en 2019, et cette situation risque fort probablement de se reproduire en 2024 dans certains marchés.

Pour le lire le rapport détaillé d’American American Express Global Business Travel : ICI.

Mohamed Reda Khomsi
Professeur I Directeur des cycles supérieurs en tourisme, UQAM

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