Amélioration de la charte des voyageurs : un «momentum» à saisir, par Mohamed Reda Khomsi
Le chaos qui a marqué les aéroports canadiens tout au long de la période des fêtes est probablement l’événement le plus commenté au Canada en ce début d’année. La crise est tellement importante que le Comité permanent des transports, de l'infrastructure et des collectivités du parlement canadien a jugé nécessaire de convoquer les responsables des principales compagnies aériennes, en sus de VIA Rail, pour s’expliquer sur leur gestion de cette crise. Dans ce contexte, plusieurs articles ont été publiés sur le sujet au cours des deux dernières semaines et où plusieurs experts ont expliqué les causes, aussi bien structurelles que conjoncturelles, qui ont amené à cette situation.
Dans le cadre de ce billet, je ne reviendrai pas sur les raisons qui sont à l’origine de ce chaos, puisque les médias en ont parlé abondamment au cours des deux dernières semaines. Toutefois, j’expliquerai pourquoi l’industrie touristique canadienne et québécoise devrait s’impliquer un peu plus dans le dossier pour maintenir la pression sur le gouvernement fédéral.
Dans un premier temps, il faut souligner qu’il y a un contexte extrêmement favorable à l’amélioration du règlement sur la protection des passagers aériens, communément appelé charte des voyageurs, dans la mesure où presque toutes les parties prenantes de l’écosystème du transport aérien, même certaines compagnies aériennes, semblent prêtes à bonifier le règlement. Le ministre fédéral du Transport, Omar Alghabra, a même promis un projet de loi au cours du printemps pour renforcer le règlement en question. Malgré cet alignement des astres, il ne faut pas s’attendre à une révolution, et ce, pour les raisons suivantes :
- Dans un monde où l’actualité change chaque jour, voire chaque heure, la question de la protection des droits des voyageurs va céder sa place à une autre nouvelle qui va prendre toute la place, jusqu’à disparaitre du radar de l’opinion publique en attendant la prochaine crise.
- Au Canada, comme ailleurs en Occident, l’opinion publique est un facteur important que les acteurs politiques suivent avec attention pour (re)orienter leurs actions, sauf quand il s’agit de certains dossiers qui pèsent moins dans la balance électorale. Parmi ces derniers, celui du transport aérien – on peut ajouter aussi celui du transport ferroviaire – est parmi ceux qui ne comptent pas beaucoup quand il s’agit de faire des choix électoraux. Pour preuve, malgré le nombre d’articles et de sondages publiés au cours des dernières années sur le problème de l’accessibilité des destinations régionales partout au Canada, le problème persiste toujours, malgré quelques initiatives comme celle du Programme d'accès aérien aux régions du gouvernement du Québec;
- Pour que l’amendement du règlement sur les droits des passagers ait des chances de se concrétiser avant le début de la saison estivale 2023, il faut que le ministre fédéral fasse le dépôt du projet de loi au début de la prochaine session parlementaire qui commence le 30 janvier prochain. Sinon, et vu la lenteur de nos processus législatifs, le projet de loi risque d’être reporté à 2024, qui sera probablement une année préélectorale et où ce type de dossier ne sera certainement pas parmi les priorités des différents partis politiques;
- Finalement, et c’est là le nœud du problème, à mon avis, tant et aussi longtemps qu’il n’y a pas d’alternative au pays pour se déplacer d’un océan à l’autre sans prendre l’avion, les compagnies aériennes vont toujours compter plus dans la balance des coûts bénéfices des décideurs politiques. À ce titre, le développement d’un réseau ferroviaire digne de ce nom avec des TGV qui relient les grands centres urbains doit à mon avis devenir une priorité du gouvernement fédéral.
Tenant compte de ce qui précède, il faut que les acteurs touristiques québécois (l’Alliance, le ministère du Tourisme, les ATR et les ATS…etc.), de concert avec les autres acteurs à travers le pays, maintiennent la pression sur le gouvernement fédéral pour que ce dossier reste parmi les priorités. À défaut d’une modification significative dans le règlement, le Canada risque de devenir une destination moins attractive pour les touristes étrangers, qui ne souhaitent pas perdre leurs vacances coincés dans un aéroport.
Mohamed Reda Khomsi
Professeur-chercheur & Directeur des cycles supérieurs en tourisme
Département d’études urbaines et touristiques
École des sciences de la gestion
Université du Québec à Montréal
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