À la recherche d’une solution efficace pour encadrer l’hébergement illégal
Il n’y a pas une semaine qui passe sans que le débat sur l’encadrement de l’hébergement illégal refasse surface. Airbnb constitue de loin le joueur le plus visible dans l’univers de l’économie collaborative en matière d’hébergement commercial. Il ne faudrait pas toutefois oublier tous les autres joueurs qui y sont également très actifs. On a qu’à penser au géant HomeAway et à toutes ses marques affiliées (Homelidays, VRBO, etc.).
La semaine dernière, la Ministre du tourisme déclarait en commission parlementaire que son ministère envisageait de légiférer pour encadrer l’hébergement dit « illégal ». Parmi les mesures proposées, on semble pencher plutôt vers l’imposition de la taxe sur l’hébergement à tous les locateurs qui offrent une maison, un logement ou une chambre sur les sites comme Airbnb, de même que l’obligation d’être classifié par la Commission de l’industrie touristique du Québec (CITQ). Cette dernière obligation s’accompagne, il est bon de le souligner, de conditions et d’un processus administratif qui risque d’en décourager plus d’un.
Le Québec, comme plusieurs autres destinations et législations, a donc choisi la de privilégier la voie de l’encadrement plutôt que la répression pure et simple. C’est déjà une évolution importante. Il y a deux ans à peine, une représentante du ministère déclarait haut et fort dans les médias qu’ils allaient sévir contre les contrevenants en brandissant la menace de sanctions sévères. Quiconque connaîssait moindrement les tendances lourdes de l’économie collaborative comprenait à quel point une telle position était totalement déconnectée des besoins et attentes des consommateurs et ce faisant, des réalités du marché.
Suite au reportage faisant mention de la volonté du gouvernement québécois d’encadrer l’hébergement illégal, la blogeuse et spécialiste web Karine Miron a publié un billet il y a quelques jours dans le blogue E-tourisme.info. Affirmant ne pas être contre un minimum de loi pour protéger le public, elle déclarait avec conviction « qu’essayer de règlementer l'économie du partage, voir de la freiner ou de tenter de la limiter n'est qu'un effet illusoire ». Tout comme elle, en tant qu’utilisateur occasionnel d’Airbnb, je pense qu’il est temps de reconnaître les tendances qui font son succès et celui de ses semblables. D’une part, les voyageurs recherchent de plus en plus une expérience authentique qui leur permet de vivre selon une façon et à un rythme qui se rapproche de celui des locaux. D’autre part, ils recherchent un hébergement qui correspond à leurs goûts et ce, au moindre coût possible.
Ne pas être à l’écoute des consommateurs et vouloir attaquer le phénomène plutôt que composer avec, c’est un peu se tirer dans le pied pour les destinations. D’une part, les sites qui proposent ce type d’hébergement jouissent d’une notoriété et d’un achalandage exceptionnels. D’autre part, les utilisateurs de ce type d’hébergement continuent de dépenser pour de nombreuses prestations, qu’elles soient touristiques ou pas, ce qui représente un apport tangible pour l’économie des destinations.
Par contre, proposer un encadrement minimal qui soustrait les hôtes qui louent leurs propriétés sur ces sites à des obligations auxquelles sont soumis d’autres joueurs qui acceptent de jouer les règles du jeu, ne constitue certainement pas l’approche à privilégier. Il va de soi en effet que ceux qui pratiquent cette forme de commerce bénéficient de la notoriété de la destination où ils opèrent et conséquemment, qu’ils contribuent à sa promotion par le biais de la taxe sur l’hébergement. Et prétendre que ces joueurs ne doivent pas assumer les mêmes charges que les hôteliers témoigne d’une méconnaissance des obligations auxquelles doivent se conformer les détenteurs de permis d’hébergement et ce, peu importe la taille de leur établissement. En effet, les frais imposés et les taxes à percevoir sont proportionnels à la taille des établissements et tiennent donc compte de leur capacité de payer. À cet égard, soulignons que les gites de moins de cinq chambres doivent eux-aussi être classifiés par la CITQ, se conformer aux règlements de zonage des municipalités et payer la taxe sur l’hébergement.
Karine Miron proposait également dans son texte que « les destinations devraient faire des partenariats avec les Airbnb de ce monde pour afficher leurs offres sur leur site en plus des hébergements plus traditionnels ». Pour être référés par les associations touristiques régionales dans leurs publications, sur leur site web ou dans leur réseau d’accueil, les personnes qui louent leur propriété ou leur logement doivent être membres à part entière de ces associations. C’est là, l’un des fondements de la vie associative, qu’elle soit touristique ou non. Et être membre d’une association ou d’un regroupement s’accompagne presqu’automatiquement de l’obligation de payer des frais d’adhésion. Que vaut le statut de membre si tous et chacun peuvent bénéficier des avantages sans avoir à en payer le prix. Comme le dit si bien le proverbe, on ne peut pas avoir à la fois le beurre et l’argent du beurre. Cette question du membership constitue une problématique pour les destinations qui doivent bien sûr trouver le juste équilibre entre les besoins légitimes de ses membres et ceux des visiteurs. Mais le modèle d’organisation de gestion de destination (OGD) basé sur le membership, si perfectible soit-jl, demeure encore un modèle qui fonctionne, se basant sur des principes comme l’engagement et l’équité.
L’équilibre entre les besoins des touristes et des locaux
Un des arguments les plus invoqués pour justifier l’encadrement de l’hébergement illégal, outre une compétition inéquitable avec les établissement d’hébergement traditionnels, est la pression que cette pratique met sur la fonction résidentielle d’une municipalité ou d’une communauté. L’impact est certes réel mais il ne faudrait pas négliger d’autres menaces qui ont autant d’impact, sinon plus que l’hébergement dit « illégal » sur l’accès à des propriétés et logements à des prix raisonnables que peuvent se payer les citoyens. J’aurai l’occasion de revenir sur ce dernier point et sur la contribution de l’activité touristique à la qualité de vie des résidents dans un article ultérieur.
Collaboration spéciale, Daniel Gagnon, Toutazimut communications stratégiques
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